Loi de finances 2023:Éviter la dérive salariale, avec le risque d’une hyperinflation, en augmentant la production et la productivité

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Ministère des finances

Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités

Le président de la République a signé le 25 décembre 2023, la loi de finances de l’année 2023. Selon l’APS, la cérémonie de signature s’est déroulée au siège de la présidence de la République, en présence du président du Conseil de la nation, du président de l’Assemblée populaire nationale (APN), du Premier ministre, du chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), du directeur de cabinet à la présidence de la République et des membres du gouvernement. A travers son contenu, quelles sont les perspectives de l’économie algérienne, objet de cette présente contribution où l’économie mondiale; du fait des tensions géostratégiques, tensions Ukraine via l’Occident /Russie, qui devraient être de longue durée, une baisse de sa croissance, dont les deux locomotives à savoir les USA et la Chine, influant sur le cours des hydrocarbures, représentant avec les dérivés 97/98% des recettes en devises de l’Algérie. Toute loi de finances, est un document comptable retraçant annuellement, en statique, les recettes et des dépenses de l’Etat, devant l’insérer dans le cadre d’une planification stratégique et dont les équilibres seront fonction fondamentalement de l’évolution du cours des hydrocarbures, du volume exporté et de la croissance de l’économie mondiale en 2023. Le prix de référence du baril de pétrole brut est de 60 dollars et le prix du marché du baril de pétrole brut est de 70 dollars, le cours étant coté le 25/12/2022 à 8,50 dollars le Brent et 759,35 dollars le Wit pour un cours euro/dollar 1,0618 et le cours du gaz (environ 40% des recettes ede l’Algérie) entre 100/120 dollars le mégawattheure, le prix du MWh en France sur le marché du PEG étant de 105,12 €/MWh en novembre 2022, contre 112,05 €/MWh en octobre 2022. Les recettes budgétaires totales prévisionnelles 7.901,9 milliards de dinars en 2023 et les dépenses budgétaires devraient s’élever à 13.786,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement devront augmenter de 26,9% en 2023 pour atteindre 9.767,6 milliards de dinars dont la masse salariale globale devrait atteindre 4629 milliards de dinars durant le prochain exercice, ce qui représente 47,39% du budget total dédié au fonctionnement et les dépenses d’équipement devront passer de 4.019,3 milliards de dinars. Le taux de croissance économique devrait atteindre 4,1% en 2023. Les exportations de biens devraient atteindre 46,3 milliards de dollars, et les importations de biens 36,9 milliards. La balance des paiements devrait enregistrer un excédent de 11,3 milliards de dollars (6,3 % du PIB), un niveau jamais atteint depuis 2014. Ainsi, la balance commerciale devrait enregistrer un excédent de 9,4 milliards de dollars en 2023, et la balance des paiements devrait enregistrer un excédent de 5,7 milliards de dollars. Les réserves de change devraient passer de 55 milliards de dollars fin 2022 à 59,7 milliards de dollars fin 2023 représentant respectivement 16,3 mois d’importations de biens et services hors facteurs de production. Le déficit budgétaire, source d’inflation, de l’année 2023 atteindra 5.884,9 milliards de dinars (-22,5% du produit intérieur brut), plus de 42,95 milliards de dollars au cours du 22/12/2022, 137 dinars un dollar, contre un déficit budgétaire d’environ 30 pour 2022, le fonds de régulation des recettes pour combler le déficit budgétaire, étant fonction de la différence entre le cours réel sur le marché international et celui retenu par la loi des finances. Le caractère social est maintenu attendant la mise en œuvre et cela n’est pas propre à l’Algérie, du fait de la crise qui frappe la majorité des pays avec l’important déficit budgétaire et l’endettement public de bon nombre de pays développés une politique de subventions ciblées, processus complexe du fait de l’effritement du système d’information et de l’importance de la sphère informelle. Toute politique doit concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, le budget annuel affecté aux transferts sociaux en 2023 étant estimé à plus de 5.000 milliards DA soit au cours de 137 dinars un dollar 36,50 milliards de dollars pour un PIB évalué en 2023 à 185 milliards de dollars soit environ 20% du PIB. Dans la lutte contre les zones d’ombre l’on devra éviter, comme par le passé, les programmes spéciaux de wilayas sans objectifs précis, dépenser sans compter, qui ont solutionné des problèmes à court terme, mais non à moyen terme, un impact mitigé sur la situation sociale des populations. Toute Nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produite, le versement de salaires et de traitements sans contreparties productives conduit nécessairement , à terme, à la régression économique et sociale.

Le projet de loi de finances 2023 prévoit un relèvement des dépenses au profit d’une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires. Ces dépenses devraient ainsi augmenter de 23,55% par rapport à 2022 où l’Etat devrait mobiliser une enveloppe de 3037,41 milliards de dinars durant l’année 2023 afin de couvrir l’impact financier de cette hausse des salaires et des systèmes de rémunération des employés en n’oubliant pas le déficit des caisses de retraites qui était en 2021 de 700 milliards de dinars, une partie du déficit ayant été épongé par l’Etat avec l’annonce en novembre 2022 du responsable d’ un déficit s’élève à 376 milliards de dinars fin 2022. Dans ce cadre, se pose cette question : quelles seront les incidences sur les équilibres financiers du pays en 2023 du plafonnement et donc de l’écart avec celui du marché : du prix du pétrole par voie maritime du pétrole de la Russie à compter de janvier 2023 et des dérivés à compter de février 2023 s’il est étendu à d’autres pays ? Celui du gaz, à compter de février 2023 où la commission européenne a prévu des mécanismes de correction des marchés , activé dès que les prix observés sur le TTF (indice de référence européen) atteindront 180 euros par mégawattheure (MWh) durant trois jours, avec certaines conditions : les prix relevés sur le TTF devant être au moins supérieur de 35 euros au prix moyen du GNL (gaz naturel ­liquéfié) au niveau mondial, durant ces mêmes trois jours et que le mécanisme sera activé pour des périodes de vingt jours et désactivé automatiquement une fois ce laps de temps écoulé et si la demande de gaz augmente de 15 % en un mois ou de 10 % en deux mois, les importations de GNL diminuent significativement. Or, la majeure partie des exportations de l’Algérie sans le GNL, se fait par canalisation Medgaz, capacité 10,5 milliards de mètres cubes et Transmed, capacité 33 milliards de mètres cubes étant orientées vers l’Europe, les canalisations liant, d’une manière rigide l’exportateur à une zone géographique donnée, existant des marges de manœuvres et donc plus de flexibilité pour le GNL. Il y a peu d’incidences à court terme le mégawattheure après avoir atteint un pic de 300/350 dollars le mégawattheure se négocie sur le marché entre octobre et décembre entre 110/120 dollars donc loin du prix plancher que l’Europe veut imposer. Se pose aussi cette question pour l’avenir dans les nouveaux contrats négociés par Sonatrach courant l’année 2022, a-t-on privilégié des prix fixes avec des contrats moyen et long terme ou une partie des exportations est-elle négociable selon le prix du sur le marché spot ? Rappelons que pour les données macroéconomiques du FMI, je cite le rapport : «Les perspectives à court terme de l’économie algérienne sont favorables mais sont largement tributaires des prix des hydrocarbures. Le système bancaire a résisté aux chocs répétés de ces dernières années, mais sa santé financière mérite l’attention. Le resserrement des liens entre les bilans de l’État, des entreprises publiques et des banques publiques pourrait faire peser des risques sur la stabilité financière et la viabilité de la dette. Ceci requiert de vastes réformes du secteur financier afin de renforcer la gouvernance et les modèles économiques des banques publiques, améliorer les capacités de surveillance, catalyser la provision de prêts au secteur privé et favoriser l’inclusion financière. Selon le FMI le solde des transactions courantes devrait être excédentaire en 2023, grâce aux recettes élevées des hydrocarbures qui devraient contrebalancer la reprise des importations.

La croissance devrait s’accélérer en 2023 et l’inflation devrait ralentir mais rester au-dessus de 8% en moyenne sur fond d’assouplissement de la politique budgétaire. En parallèle, un resserrement de la politique monétaire est nécessaire pour maîtriser l’inflation. La révision prochaine de la loi sur la monnaie et le crédit constitue une opportunité pour renforcer le cadre de gouvernance de la Banque d’Algérie et son indépendance. À cet égard, le FMI salue l’engagement du gouvernement à ne pas recourir au financement monétaire» (fin de la citation). Cela est l’effet des mesures de 2022, où le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait afficher son premier excédent depuis 2013, avec une croissance du PIB projetée à 3,2% en 2022 et un taux d’inflation annuel moyen en 2022 de 9,4%, % qui devrait ralentir en 2023, un taux de chômage de 14% en 2022 mais qui devrait légèrement baisser en 2023. Quant aux exportations hors hydrocarbures, il faudrait éviter des doubles emplois, les dérivés d’hydrocarbures étant inclus dans les recettes de Sonatrach et également dans la rubrique hors hydrocarbures. C’est que l’Algérie a besoin d’un taux de croissance de 8/9% par an sur plusieurs années pour absorber un flux additionnel de demande d’emplois de 350 000/400 000 qui s’ajoute au taux de chômage 2021 estimé par le FMI environ 14%, incluant les sureffectifs dans les entreprises publiques, administrations, les emplois improductifs et l’emploi dans la sphère informelle. La sphère informelle représente 30/40% du total et drainant selon les données du président de la République entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars de la masse monétaire circulation, 33/45% du PIB estimé en 2023 à 185 milliards de dollars, la Banque d’Algérie donnant un montant fin 2020 de 6.200 milliards dinars. Outres les nombreuses les très nombreuses lettres d’intention qui n’engagent nullement l’investisseur étranger, entre l’idée d’un projet , sa réalisation et l’exploitation, pour les PMI/PME concurrentielles, il faut compter 2/3 ans pour atteindre le seuil de rentabilité, et pour les projets hautement capitalistiques entre 5/7 ans, sous réserve que l’on résolve les facteurs techniques, le financement, former une main-d’œuvre qualifiée et que l’on trouve un bon partenariat. En conclusion, évitons toute sinistrose, l’Algérie est dans une situation financière favorable avec une dette extérieure inférieure à 6/7% du PIB, des réserves de change appréciables 55 milliards de dollars fin 2022, cependant, attention, avec un endettement public en croissance qui approcherait 63% du PIB en 2022. Mais nous devons reconnaître que l’obstacle majeur est le cancer bureaucratique, tant au niveau central que local devant donc, une loi n’étant qu’une loi, pour relancer l’économie nationale s’attaquer à l’écosystème. Bon nombre de directives en Conseil des ministres, sur le plan économique n’ont pas été toutes respectées entre 2020/2022 et le président de la République l’a fait savoir dans différents conseils des ministres où certains départements ministériels sans compter certains responsables au niveau local n’ont pas été la hauteur des nouveaux défis, avec surtout de l’activisme. Le président de la République n’a pas besoin de louanges, et de discours et de promesses déconnectés des réalités, pratiques du passé, mais de réalisations effectives sur le terrain.

Un sursaut national s’impose car en cette fin d’année 2022, il est reconnu que deux institutions assurent la stabilité et le développement de l’Algérie : Sonatrach sur le plan économique, plus de 60% des exportations hors hydrocarbures avec une structure peu diversifiée concentrée autour de quelques produits à 80%, et l’ANP et les forces de sécurité où face ce aux tensions géostratégiques et l’instabilité à nos frontière l’Algérie est considérée par la communauté internationale, grâce aux efforts de l’ANP et toutes nos forces de sécurité, comme un acteur clef de stabilisation de la région méditerranéenne et africaine ( Voir ma contribution www.google.com,20/12/2022 colonne vertébrale de la Nation et pivot de la sécurité nationale, l’ANP et les forces de sécurité, face aux tensions géostratégiques régionales ). Pour un développement harmonieux face aux tensions internes et externes s’impose un large front national impliquant un dialogue permanent entre toutes les forces politiques, économiques et sociales, ne signifiant pas unanimisme signe de décadence de toute société mais tolérant les différentes sensibilités , personne n’ayant le monopole du patriotisme.