L’annonce de l’ouverture de bureaux de change qui ne date pas d’aujourd’hui puisque les dispositions du règlement n°95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n°92-04 du 2 mars 1992 relatif au contrôle des changes notamment ses articles 10 à 15, plus de 40 bureaux de change avaient été agréés, aucun n’étant opérationnel. L’efficacité des objectifs des bureaux de change implique une maîtrise de cinq facteurs interdépendants.
1 – Premièrement
Il s’agit de canaliser l’importance de la sphère informelle qui contrôle plus de 50% de la superficie économique. C’est une erreur de politique économique (mentalité bureaucratique du passé) que de vouloir plafonner les prix par décision administrative, car pour toute entreprise ou commerce, le prix directeur doit couvrir les charges, le cas contraire, cela a pour conséquence soit la fermeture des entreprises ou du commerce ou l’orientation vers la sphère informelle, à moins que l’Etat subventionne. Car même les prix des produits non subventionnées au cours du dinar officiel, s’alignent sur le cours du dinar sur le marché parallèle amplifiant l’inflation et s’étendant en période de crise. Pour la Banque d’Algérie, il y a plus de 6200 milliards de dinars de la masse monétaire en circulation hors banques soit au cours de 137 dinars un dollar 45,25 milliards de dollars. Le président de la République avait dénoncé l’effritement du système d’information et donné un montant variant entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars. Et toujours dans cette optique, la directrice générale des Impôts, dans une déclaration reprise par l’APS en date du 2 avril 2023, a affirmé que le non-recouvrement des impôts représentait 6.000 milliards de dinars soit au cours actuel de 137 dinars un dollar, un montant de 43,79 milliards de dollars soit 22,16% du PIB de 2022.
2 – Deuxièmement
La réussite de l’ouverture des bureaux de change suppose une démarche progressive, la stabilité juridique et monétaire, la refonte du système financier dont les banques publiques accaparent plus de 85% des crédits octroyés et surtout la maîtrise du processus inflationniste. L’ONS, organe officiel du gouvernement, dans son dernier rapport de septembre 2023, a établi l’évolution de l’indice des prix de certains biens de consommation entre août 2001 et août 2023 sur une période d’environ 20 ans où la hausse des prix, biens de consommation durables et non durables a fluctué, en dehors des produits subventionnés, selon les produits entre 300 et 500%, ayant atteint de 2022 à septembre 2023 un taux entre 9/10%. L’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales où avec l’inflation le taux d’intérêt des banques qu’elles devraient relever de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation (voir l’expérience du Venezuela). Les ménages, surtout ceux qui ont de grosses fortunes, pour se prémunir contre l’inflation placent leur capital-argent dans l’immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées, facilement stockables l’achat d’or ou de devises fortes. (Voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul- Institut français des relations internationales ‘IFRI Paris’, les enjeux stratégiques de la sphère informelle -2013-reproduite en synthèse réactualisée dans la revue Stratégie IMDEP du ministère de la Défense nationale octobre 2019).
3 – Troisièmement
Sa réussite implique que l’écart entre le cours officiel et celui du marché parallèle ne dépasse pas 5/10% car dans la pratique des affaires n’existe pas de sentiments. Or, le cours officiel est passée (cours achat) en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar; – 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro– 2020 : 128,31 dinars un dollar; en 2022 140, 24 pour un dollar et 139,30, un dinar pour un euro. Le cours au du 16 au 18 octobre 2023 du marché officiel selon la Banque d’Algérie est de 144,87 dinars pour un euro cours achat, et 144,94 cours vente, 137,62 dinars un dollar cours achat, 137,63 cours vente, et sur le marché parallèle cours achat 228 dinars un euro et 216 dinars un dollar cours achat, 218 dinars un dollar cours vente. Le cours officiel est corrélée à plus de 70% au réserves de change via la rente des hydrocarbures où les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014 à 60 fin 2022 et selon les prévisions du gouvernement à 73 milliards de dollars fin 2023, 83 milliards de dollars en incluant les 173 tonnes d’or et les DTS déposés au FM.
4 – Quatrièmement
L’efficacité des bureaux de change suppose un niveau élevé des réserves de change avec une relative stabilité de la cotation du dinar. Or, le cours officiel est passé (cours achat) en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar ; – 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro – 2020 : 128,31 dinars un dollar; en 2022 140, 24 pour un dollar et 139,30, un dinar pour un euro. Le cours au du 16 au 18 octobre 2023 du marché officiel selon la Banque d’Algérie est de 144,87 dinars pour un euro cours achat, et 144,94 cours vente, 137,62 dinars un dollar cours achat, 137,63 cours vente, et sur le marché parallèle cours achat 228 dinars un euro et 216 dinars un dollar cours achat, 218 dinars un dollar cours vente. Le cours officiel est corrélé à plus de 70% aux réserves de change via la rente des hydrocarbures. Les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014 à 60 fin 2022 et selon les prévisions du gouvernement à 73 milliards de dollars fin 2023, et en incluant les 173 tonnes d’or dont le cours connaît d’importantes fluctuations et les DTS déposés au FMI 83 milliards de dollars. Si les réserves de change tombaient à 10/15 milliards de dollars, la Banque d’Algérie serait contrainte de coter le dinar à plus de 250 dinars un euro avec un écart de plus de 50% sur le marché parallèle, limitant le fonctionnement du bureau de change alimentés en devises par la Banque d’Algérie. Et comme plus de 25 millions sur 45 millions ont un passeport, si on aligne le montant d’un voyage par an entre 1000 et 2000 euros comme en Tunisie, la sortie de devises annuelle serait uniquement pour 1000 euros 25 milliards d’euros soit 20/25% des réserves de change actuelles.
5 – Cinquièmement
Cela suppose une cohérence et une visibilité dans la politique socioéconomique évitant des discours contraires à la réalité, supposant un discours de vérité sociale et une planification stratégique. Or, du fait de l’effritement du système d’information, vision paternaliste-bureaucratique du passé alors qu’avec Internet le monde est devenu une maison de verre, nous assistons à des déclarations en contradiction avec la réalité sociale. Nos responsables doivent nuancer leurs déclarations euphoriques loin de la réalité économique et sociale qui jouent comme facteur de démobilisation auprès de la population algérienne. Ainsi, après la grande pénurie que connaissait le pays après la crise de 1986, à l’ENTV un ministre algérien avançait avec assurance que le marché était saturé selon les données en sa possession; la présentatrice lui rétorquant s’il a fait un jour le marché et que la population algérienne ne mangeait pas les chiffres. Comme cette image de la télévision algérienne vers les années 2005 où à une question sur le taux de chômage, un ministre affirme que les enquêtes donnent 6/8%, inférieur à celui de certains pays développés; le journaliste étonné de ce miracle lui répliqua : êtes-vous sûr de vos données ? Oui, répond le ministre. Ce à quoi le journaliste, répliqua sous l’œil amusé de la présentatrice, non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers Algérie et qu’il dirait aux chômeurs que dorénavant leur appellation n’est plus chômeur mais travailleur. Et vers les années 2007, un autre ministre affirme qu’en Algérie, selon ses données, il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteux, le journaliste lui demandant quelle est la différence. Et plus récemment, un autre ministre vers les années 2018 annonçait que grâce à l’agriculture saharienne l’Algérie allait devenir le premier producteur agricole en Afrique, le journaliste lui répliqua s’il avait tenu compte que l’Algérie est un pays semi-aride, des différents coûts d’exploitation, dont les différents infrastructures nécessaires, l’électricité, le gaz, le transport, des nappes phréatiques qui ne se renouvellent pas et à quelle profondeur puiser l’eau, avec de surcroît de l’eau saumâtre dans la majorité des cas et des vents de sable, des réponses évasives du ministre qui semblait ne pas maîtriser le sujet, en espérant que l’on saura tirer les leçons car de 2018 à 2023, la facture alimentaire avoisine les 8/10 milliards de dollars/an. Et enfin le ministre de l’Industrie, en 2019, qui assurait qu’en 2020 le secteur industriel contribuerait à 20% du PIB alors qu’en 2023 il est de moins 6% et selon un rapport officiel du Premier ministère (repris par l’APS) l’assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public les trente dernières années 250 milliards de dollars (à fin 2020) et uniquement les réévaluations plus de 65 milliards de dollars durant les dix dernières années (à fin 2020) plus de 85% étant revenues à la case de départ à fin 2022 : corruption, mauvaise gestion, ou unités ne répondant plus aux normes internationales où les trois à la fois.
En conclusion, en annonçant officiellement avec une large publicité, en espérant ne pas renouveler l’expérience de l’accès aux BRICS, l’ouverture des bureaux de change à fin 2023 et la promesse que cette ouverture permettrait de drainer l’importante masse monétaire au niveau de la sphère informelle et de permettre aux citoyens l’accès à la devise à un taux raisonnable, le gouvernement joue de sa crédibilité car le simple citoyen, attentif aux réalisations effectives, de l’Est à l’Ouest, du Centre au Sud, attend que cette promesse soit concrétisée.
Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités