Le gazoduc Nigeria/Europe, via l’Algérie ou via le Maroc: Enjeu énergétique et géopolitique

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Le ministre nigérien du Pétrole, a entamé  à compter du 28 juillet 2024, une visite en Algérie, accompagné d’une délégation comprenant de hauts cadres du Premier Ministère, du secteur des hydrocarbures nigérian et de la Société Nationale des Pétroles   afin de  renforcer la coopération entre les deux pays dans les domaines de l’énergie, notamment les hydrocarbures.

Force est de constater que nous assistons depuis des années à des déclarations contradictoires de différents responsables du Nigeria reprises par les agences  internationales ( voir ces déclarations entre 2021/2023  dans  Reuters et  l’AFP),  concernant le gazoduc Nigeria/Europe, une fois c’est avec l’Algérie, une autre fois avec le Maroc, les responsables nigériens devant éclaircir une fois pour toute leurs positions car les  protocoles d’ententes,  ne sont pas des contrats définitifs, n’engageant nullement les partenaires. Ce «parasitage» s’explique par le fait que cela dépasse le cadre strictement économique car comme le démontre une importante étude de l’IRIS du 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l’Europe, principal client, est l’objet d’enjeux géostratégiques importants.

1.-Le gazoduc Nigeria/Maroc-Europe dont le coût est estimé par l’IRIS  entre  25/ 30 milliards de dollars, montant impossible à supporter par le Maroc seul  et  les pays  le traversant connaissant  des difficultés financières,, nécessitant un important apport  financier au niveau international, la   durée de réalisation étant estimée  entre 8/10 ans Le tracé devrait mesurer environ 5 660 kilomètres de long et  longerait la côte Ouest Africaine en traversant  14 pays : Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie, le Sahara occidental et le Maroc.  Dans la phase de pré-études, il s’agit pour les États traversés et la CEDEAO de signer des accords relatifs à sa construction mais aussi de valider les volumes de gaz disponibles pour l’Europe et d’entamer les discussions avec les opérateurs du champ «Tortue» (ressources gazières) au large du Sénégal et de la Mauritanie, ces deux pays ont signé un accord  afin d’exploiter en commun le champ gazier Tortue-Ahmeyim . Ce projet a pour but de connecter les ressources gazières nigérianes à différents pays africains, existant déjà deux gazoducs dans la zone Afrique du Nord-Ouest, le «West African Gas Pipeline », qui relie le Nigéria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo, et le gazoduc Maghreb-Europe (également nommé « Pedro Duran Farell ») qui relie l’Algérie à l’Europe via l’Espagne (Cordoue) en passant par le Détroit de Gibraltar et le Maroc

2.-Concernant le gazoduc Nigeria/ Algérie/ Europe dont le  coût global est  estimé  selon une étude de l’Institut  Français des Relations Internationales IFRI entre  15/20 milliards de dollars pour  durée de réalisation serait de 3/5 années d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux est d’une longueur  de 4128 km. Il    s’étend sur 4.000 km d’Abuja aux côtes algériennes  et  a connu la réalisation d’une grande partie  restant  100 km au niveau du Nigeria, 1.000 km au Niger( partie non réalisée à la fois pour des raisons de financement  et des tensions politiques )  et 700 km en Algérie, soit un total de 1.800 km ( source ministère Energie Algérie APS  03 mars 2024).. Ce gazoduc devra   aboutir à Hassi R’Mel,  l’Algérie qui possédant   deux  canalisations opérationnelles :  le TRANSMED, la plus grande canalisation d’un looping GO3 qui permet d’augmenter la capacité de 7 milliards de mètres cubes auxquels s’ajouteront aux 26,5 pour les GO1/GO2  qui permet une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux, étant d’une longueur de 550 km sur le territoire algérien et 370 km sur le territoire tunisien, vers l’Italie. Nous avons le MEDGAZ directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension la capacité a été portée à 10,5 milliards de mètres cubes gazeux.

3.-La rentabilité du projet Nigeria Europe, suppose quatre  conditions.

Premièrement, la mobilisation du financement, devant  impliquer des groupes financiers internationaux dont  l’Europe principal , le seul pays ayant un niveau de réserves de change appréciable étant l’Algérie, le Nigeria connaissant d’importantes difficultés financières et le Niger étant presque en semi faillite

 Deuxièmement, les investissements dans le gaz sont très lourds, et tout dépendra de l’évolution entre 2025/2030/2040, de la demande qui sera fonction du nouveau modèle consommation énergétique mondial qui s’oriente vers la transition numérique et énergétique avec un accroissement de la part du renouvelable, de l’efficacité énergétique et entre 2030/2040 de l’hydrogène qui déclassera une grande part de l’énergie transitionnelle. Aussi, ce projet doit tenir compte de la concurrence d’autres sources d’énergie qui influe sur sa rentabilité, étant lié à l’étude du marché qui influe sur la prise de décision ,l’important   de lancer une étude du marché pour déterminer la demande sur le gaz de l’Europe afin de  déterminer le  seuil de rentabilité .

Troisièmement, la sécurité et des accords avec certains pays, le projet traverse plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés tant pour le projet marocain qu’algérien qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l’approvisionnement en gaz, les conséquences d’une telle action, pourrait  être remettre en cause la rentabilité de ce projet. Il faudra impliquer les États traversés où il faudra négocier pour le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d’ordre économique, politique, juridique et sécuritaire.

Quatrièmement l’Accord de  l’Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile  de lancer ce projet.

4-Il s’agit d’aller, comme je le suggère depuis les années 1980, vers la valorisation du savoir  et une nouvelle gouvernance reposant sur une réelle décentralisation autour de quatre à cinq pôles régionaux socio-économiques homogènes, à ne pas confondre avec le concept dangereux du régionalisme qui annihile tout esprit de citoyenneté, afin de rapprocher l’État du citoyen. Les exigences d’un État fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d’autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives enclencheraient alors une dynamique de complétions positives et rendrait la maîtrise des groupes plus facile pour la centralité politique nationale. L’autonomie des pouvoirs locaux ne signifie pas autonomie de gouvernement, mais un renforcement de la bonne gouvernance en fortifiant le rôle de la société civile, que seules des actions d’intérêt commun doivent légitimer et non le soutien de l’État.  Dans ce cadre,  les collectivités locales   sont régies par des textes qui ne sont plus d’actualité, autrement dit obsolètes. L’objectif central de la démarche est de transformer les collectivités locales   «providence» en collectivités locales «entreprise». Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l’image de l’Algérie de demain qui devra progressivement s’éloigner du spectre de l’exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. L’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, est une manière pour l’État, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. L’image de collectivités locales managers repose sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes. Il n’y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l’erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue au profit d’actions fiabilisées par des perspectives de long terme d’une part, et d’autre part les arbitrages cohérents qu’implique la rigueur de l’acte de gestion.

En conclusion, l’énergie, autant que l’eau, seront en ce XXI -ème siècle,  au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. Ne devant jamais oublier que dans la pratique des affaires et des relations internationales n’existent pas de sentiments mais, que des intérêts , le  choix de ce projet via Maroc ou via Algérie , en plus des considérations  économiques, devant introduire les facteurs géostratégiques,  sera fonction  des  nouvelles dynamiques énergétiques  qui modifieront  les rapports de force à l’échelle régionale.

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