L’Algérie face aux nouvelles menaces sécuritaires mondiales: Le rôle stratégique de l’ANP

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La plupart des dirigeants s’accordent dorénavant, sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l’insécurité mondiale et du crime organisé et de s’adapter aux nouvelles mutations.

C’est dans ce cadre que le chef d’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chanegriha, mettant en exergue la valorisation du savoir à travers l’innovation technologique,  lors de la présidence de  la 16e session du conseil d’orientation de l’Ecole supérieure de guerre le 25 avril 2023,  a souligné  que les  guerres modernes que connaît le monde d’aujourd’hui sont totalement différentes des guerres précédentes, où  nous assistons à des guerres qui évoluent à une vitesse effrénée, faisant de celui qui ne peut en suivre le rythme, ou s’y adapter sur les plans raisonnement, planification et virtuosité combative, une proie facile.

1 – L’ANP est  une véritable digue contre le terrorisme et l’extrémisme, devant lui rendre hommage ainsi qu’à toutes les forces de sécurité, dont l’objectif essentiel est la protection du territoire, ciment de l’unité nationale, contribuant également  à stabiliser la région. A l’avenir, l’Algérie ne pouvant  à la fois supporter seule le fardeau financier  s’impose  une mutualisation des dépenses militaires et sécuritaires avec les grandes puissances. Au Sénat français,  le 17 février 2014, à l’invitation de mon ami Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l’Intérieur, de l’Éducation nationale et de la Défense et grand ami ayant été président de l’Association Algérie-France, en présence d’importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l’Union européenne, j’ai animé à cette occasion, une conférence sur le thème: «Face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre l’Algérie  et l’Europe, facteur de stabilité de la région»,  suivi d’une autre intervention lors d’une rencontre internationale  à l’invitation de «l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (Arga)», constituée d’importants acteurs africains et non-africains dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2015 sur le thème: «L’Afrique doit réinventer son économie»  où j’ai  souligné que les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies  aux pays  en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures avec l’Afrique subsaharienne. Dans deux contributions l’une  parue en décembre 2011 à l’Institut français des relations internationales IFRI

1-  «L’Afrique du Nord face aux enjeux géostratégiques» et dans le quotidien américain American Herald Tribune en octobre 2018 2 – «L’Algérie face aux enjeux géostratégiques»,  j’avais mis particulièrement en relief le rôle stratégique de l’Algérie comme facteur de stabilisation de la région. Ainsi, nous avons  assisté  à des mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen où, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont été accaparés par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes terroristes venus d’autres régions : Avec les ingérences  de  puissances  étrangères, en Afrique enjeu du XXIe siècle,  notamment en Libye, au Mali, et récemment les tensions au Soudan du Nord (46 millions d’habitants), ayant des frontières avec   l’Érythrée à l’est, par l’Éthiopie au sud-est, par le Soudan du Sud au sud, par la République centrafricaine au sud-ouest, par le Tchad à l’ouest, par la Libye au nord-ouest et par l’Égypte au nord.  Les impacts sont sécuritaires,  facteur de déstabilisation,  favorisant  le terrorisme  et les flux migratoires, l’Algérie  étant interpellée pour sa sécurité.

2 – Aussi, les  enjeux géostratégiques au niveau des espaces euro méditerranéens et africains  renvoient à des logiques géopolitiques divergentes tenant compte de l’histoire et des anthropologies culturelles devant éviter la vision européocentriste car le monde depuis qu’il est monde a connu différentes formes de civilisations et le dialogue des cultures est source d’enrichissement mutuel. En effet, l’espace subsaharien  est caractérisé par l’ancienneté du système caravanier transsaharien, l’unité culturelle forgée autour de l’islam et l’existence d’un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme. 

Il y a lieu d’éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’islam fondés sur la tolérance. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel, entre les Frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouïas) dominant, d’ailleurs, au Maghreb, et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion. Comme mis en relief dans deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, auxquels pour la première fois ayant réuni 36 experts et personnalités internationales, officiers, économistes, juristes, sociologues, historiens, politologues, anthropologues,  de l’Algérie- du Maroc-de la Tunisie-de la Lybie, de la Mauritanie  et des  européens sur «le Maghreb face aux enjeux géostratégiques (Éditions Harmattan, Paris 2014/2015)» du point de vue géographique et politique, l’Afrique du Nord est un axe stratégique en direction  de l’Afrique noire, un pont  pour pont l’Europe, afin de réaliser une prospérité partagée loin de tout effet de domination.

Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers.

Pour Eric Denécé, ex-directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l’origine de la situation présente: «il faut dire et répéter que le facteur déclenchant tout cela est l’intervention occidentale en Irak et en Libye». Ce qui ne disculpe pas l’ancien régime fondé non pas sur des institutions, mais sur des relations personnalisées, ce qui explique l’effondrement actuel de l’Etat libyen et dont bon nombre d’États devraient tirer les leçons renvoyant par là,la mise en place d’un Etat de droit et donc au processus démocratique, devant éviter de plaquer des schémas importés. Pour l’ex-directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu’Al Quaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du Nord et du Sahel et pour l’ex- directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que les groupes terroristes arrivent à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles.

3 – Aussi, face à la menace de l’insécurité et du crime organisé, avec les cyberattaques qui peuvent déstabiliser toute une Nation,  il y a urgence de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone et de l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques, notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie sans compter la coopération sécuritaire Algérie/Russie et Algérie/Chine dont l’Algérie doit jouer un rôle essentiel, afin de renforcer leurs relations futures dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, pour lutter contre le terrorisme international.

Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques, notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. Il  existe un lien dialectique entre sécurité et développement. Le non-développement accroît l’insécurité et l’insécurité freine le développement. C’est que la résolution de ce mal implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d’Afrique du Nord, sont à l’aube d’une crise majeure et sont une source d’inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L’étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage: «Une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l’ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse.» Le rapport considère qu’il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société.

En conclusion, le poids d’une nation en ce XXIe siècle se mesurant à son poids économique, fonction de la bonne  gouvernance et de la valorisation du savoir, en espérant que cette même énergie de l’ANP et des forces de sécurité,   soit déployée pour consolider le front social intérieur  et permettre le développement socioéconomique, où existe un danger qui menace la  sécurité nationale qui est l ’inquiétante exode des cerveaux.  Car  pour accroître la valeur ajouté et la défense nationale,  les axes stratégiques sont clairement le  développement  de l’innovation et de la recherche scientifique.  Bien que l’Algérie ait consacré un budget important depuis l’indépendance politique pour l’éduction, gratuite, et c’est à son honneur et que  dans l’édition, publiée le 8 septembre 2022 par le PNUD (indice de développement humain- IRH),  a été classée à la 91e place sur 191 pays  avec un indice de 0,745, étant classée premier pays en Afrique du Nord, selon le classement 2022 établi par Global Talent Competitiveness ( GTCI), elle  a été   classée, concernant l’exode des cerveaux,  en 2022 à la 104e place sur 125 pays

(105e en 2020), les meilleures compétences souvent jeunes,  ayant tendance à quitter le pays où  pourtant la formation de base du primaire à l’Université  a été effectuée en Algérie  donc  constituant une fuite indirecte de capitaux pouvant se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Selon une étude publiée le 26/ 09/ 2016, par By Africanews  entre 1980/2015,   la perte pour 500 000 ayant quitté le pays, les  pays d’accueil ont économisé 300 milliards de dollars et  un manque  pour l’Algérie. estimé pour cette période à 165 milliards de dollars. Qu’en est-il entre 2017/2023 ? Selon certaines  enquêtes récentes, cela ne concerne pas  seulement les médecins  entre  70/ 80 %, pour des formations pointues, non générales,  des ingénieurs en informatique, d’ingénieurs, biologistes , d’économistes dans des filières très  spécialisées quittent  le pays trois ans seulement après leur sortie de l’université. Uniquement pour les médecins, en 2021, on estime que 16 000 médecins et spécialistes algériens exercent dans le pays européens, sans compter les autres pays, et pour 2022 environ 1200 médecins algériens, de différentes spécialités, s’apprêtaient  à partir en France pour travailler dans ses hôpitaux après leurs réussite aux épreuves de vérification des connaissances -EVC.

En conclusion, en  ces moments de profonds bouleversements géostratégiques, où le monde ne sera plus jamais comme avant,  il s’agit d’éviter la règle de PEter qui veut que l’on gravit dans la hiérarchie selon son degré d’incompétence  en fonction des relations de clientèles et la non moralisation avec l’accentuation  de la  corruption et le non-respect du  droit qui a pour conséquence selon le  grand  sociologue Ibn Khaldoun la  décadence  de la  société. Aussi la bonne gouvernance est une question de sécurité nationale.

A. M.