En ces moments de vives tensions géostratégiques, où les rivalités pour contrôler le continent africain sont vivaces, dont la rencontre entre les USA et l’Afrique qui se tient du 13 au 15 décembre 2022, à Washington, je juge de livrer aux lecteurs sans aucune modification une contribution parue au niveau national et international le 09 novembre 2006 sans aucun changement.
Ci jointe la contribution
En ce début du 21e siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement.
Sur les six milliards d’habitants que compte la planète, un cinquième – dont 44% en Asie du Sud – a moins d’un dollar par jour de revenu. Si dans les pays du Nord, 5% de la population souffrent de malnutrition, ce taux monte à 50% dans les pays du tiers-monde.
Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l’Afrique sub-saharienne, à l’Asie du Sud et à l’Amérique Latine. Quand on sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris dès aujourd’hui. L’injustice au niveau mondial est due à une répartition inéquitable des richesses mais aussi à la gouvernance, des plus discutable, qu’exercent les élites politiques des pays du tiers-monde. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance, objet de cette modeste contribution. La récente rencontre entre la Chine en cette année 2006, et les pays africains s’insère dans le cadre d’une lutte pour la reconfiguration géostratégique du monde. Car il est illusoire en ce XXIe siècle de raisonner en termes d’Etats-Nations et toute politique locale doit prendre en compte le processus de mondialisation, rapport social complexe, produit du développement du capitalisme, processus non encore achevé tant à travers les flux commerciaux, de capitaux, les régimes de change, que de la stratégie militaire qui soutient l’économie. Aussi y a-t-il lieu de tenir compte de la stratégie tripolaire mondiale à travers l’Alena en Amérique, l’Apec avec l’Asie et l’entrée de la Chine qui entraîneront des bouleversements considérables, sans compter les puissances régionales comme le Brésil, l’Inde et le Pakistan et le grand espace européen surtout avec son élargissement. La stratégie des USA du Grand Moyen-Orient obéit à cet impératif stratégique de contrôler les portes de l’Asie, notamment l’énergie du fait d’une dépendance accrue de l’économie mondiale à l’égard du pétrole et du gaz. Il est utile dans ce cadre de rappeler, qu’outre que face aux mécanismes de Barcelone, les USA ont initié également le plan Eisenstein, que le sommet des 5+5 qui a été le premier sommet des chefs d’Etat des pays du bassin occidental de la Méditerranée qui s’est ouvert le
5 décembre 2003 à Tunis rentre dans le cadre plus large du projet du Grand Moyen-Orient (GMO) initié par les USA qui demandent notamment à l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Syrie, l’Iran et la Tunisie une plus grande démocratisation. Le sommet de Rabat tenu le dernier trimestre 2004 souligne également que les pays de la région Mena doivent s’engager à poursuivre les réformes politiques, économiques et sociales. L’Union européenne estime qu’elle souscrit parfaitement à l’initiative du Forum, manifestant sa volonté de contribuer aux réformes dans la région, mais en poursuivant, de son côté, le renforcement de sa politique euro-méditerranéenne et le processus de Barcelone qui «lie l’UE depuis dix ans aux pays de la région». Mais derrière ces rencontres, la préoccupation, tant de l’Europe que des USA, est le contrôle de l’énergie et de certaines matières premières stratégiques. En effet, le fort taux de croissance de l’économie mondiale, et principalement celui de la Chine, de l’Inde, dont la population pour les deux pays approche les 30/35% de la planète (le XXIe siècle sera celui de l’Asie avec 1,3 milliard de Chinois sur Terre et un milliard d’Indiens: plus d’un homme sur trois est donc Chinois ou Indien) et d’autres pays émergents.
2.-Pour l’Algérie, l’objectif est une exportation de 85/100 milliards de mètres cubes gazeux, notamment à travers les réseaux Galsi en projet, Transmed et Medgaz, et de traduire dans la réalité les objectifs du NEPAD certainement par l’accès à l’énergie des pays africains qui en sont dépourvus (1). Ceci se réalisera par le développement des infrastructures de transport et de communication, notamment les grands projets comme le Nigal (gazoduc Nigeria – Europe via Algérie nécessitant un financement important ou la connexion des gisements tchadiens de gaz qui sont des projets structurants pour l’Afrique. Il faut replacer ces actions dans ce cadre du contrôle lorsqu’on sait que, selon les prospectives la Chine de la 4e puissance économique mondiale actuellement risque de devenir le premier horizon 2030 et est actuellement la deuxième importatrice de pétrole/gaz après les USA, d’où le souci pour éviter l’encerclement de la Chine de s’ouvrir sur l’Afrique. Le problème du contrôle des réserves stratégiques explique en partie, les conflits en Irak (2e puissance pétrolière après l’Arabie saoudite), au Liban, les tensions au Soudan (dont la Chine est présente dans ce pays pour le pétrole expliquant sa positon dans la crise du Darfour); avec l’Iran (2e puissance gazière mondiale après la Russie et surtout contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d’Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète.
Cette configuration géostratégique, même lente, s’accompagne de l’adaptation des grosses firmes mondiales qui éclatent en vastes réseaux à travers le monde, tissant des relations complexes entre les circuits réels et financiers, transgressent les frontières géographiques nationales grâce à la révolution dans les domaines de la télécommunication, de l’informatique avec prédominance des services qui deviennent des activités marchandes à forte valeur ajoutée. Les institutions internationales ont tendance à jouer comme support de coordination de ces grands ensembles et le rôle des Etats se concentre sur leurs vocations naturelles qui sont la cohésion sociale et l’adaptation à ces mutations en ce monde où le temps économique ne se rattrape jamais. La Nation qui n’avance pas recule. Dans ce contexte, l’Afrique, qui paradoxalement est un continent qui a des ressources naturelles et des potentialités importantes mais avec un taux de misère des plus élevé du monde, dû à la fois à la mauvaise gouvernance interne, aux effets de la colonisation et à la détérioration des termes de l’échange des produits primaires, constituera un enjeu majeur durant ce siècle, d’où les redéploiements des USA et de la Chine, tout en n’oubliant pas l’Europe qui craint que plus d’un milliard d’âmes frappe à ses portes.
3.-A cet effet, il est important d’analyser la stratégie du NEPAD qui est une chance pour l’Afrique. Cette initiative est une synthèse entre deux plans: celui de l’Algérie et de l’Afrique du Sud , appelé «Millenium African Plan» (MAP), et celui du président sénégalais dénommé plan OMEGA. Ces deux plans sont fusionnés pour donner la «Nouvelle Initiative Africaine» (NIA). La NIA prendra plus tard le nom de «Nouveau Partenariat Pour le Développement de l’Afrique» ou NEPAD (de l’anglais «New Partnership for African Development»). Quels sont le fondement et les objectifs ? Le document-cadre stratégique du NEPAD résulte d’un mandat aux cinq chefs d’Etat initiateurs (Afrique du Sud, Algérie, Egypte, Nigeria, Sénégal) par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) pour développer une structure de développement socioéconomique intégrée pour l’Afrique. Le trente-septième sommet de l’OUA, en juillet 2001, avait formellement adopté le document-cadre. Ainsi, le NEPAD est conçu pour faire face aux difficultés que connaît le continent africain actuellement. Les sujets tels que l’intensification de la pauvreté et le sous-développement des pays africains ainsi que la constante marginalisation de l’Afrique nécessitaient une nouvelle intervention radicale, menée par des leaders africains, qui aurait une nouvelle vision garantissant la régénération de l’Afrique. C’est un plan d’action détaillé tiré du document-cadre du NEPAD. Le programme d’action du NEPAD est une initiative de développement durable holistique, complet et intégré pour la régénération de l’Afrique. Quant aux objectifs du NEPAD, ils sont essentiellement cinq: – supprimer la pauvreté; placer les pays africains, tant individuellement que collectivement, sur la voie d’une croissance et un développement durable; mettre fin à la marginalisation de l’Afrique dans le processus de globalisation; accélérer la libéralisation de la femme et intégrer l’Afrique dans l’économie mondiale. Aussi, les principes fondamentaux du NEPAD sont d’ancrer la reconstruction du continent sur les ressources des populations africaines; favoriser un partenariat avec et parmi les Africains; former un nouveau partenariat avec le monde industrialisé en s’assurant, entre autres choses, qu’il n’y ait plus de déséquilibre entre l’Afrique et le monde développé et s’engager à assurer que tous les partenariats avec le NEPAD soient liés aux objectifs de développement du nouveau millénaire. Quant aux priorités, elles découlent des principes précédents qui peuvent s’articuler autour des axes interdépendants suivants : a – Etablir des conditions favorables au développement en assurant la paix et la sécurité, la démocratie, la bonne gouvernance politique, économique et d’entreprise, avec un accent sur la gestion financière publique, la coopération et l’intégration sous- régionales; b – Changer les politiques et renforcer les investissements dans les secteurs, notamment l’agriculture qui est la priorité des priorités en raison de la famine croissante. C’est pour tenir compte de ces contraintes qu’en mai 2002, le NEPAD a établi, en collaboration avec la FAO, un «Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine» qui propose plusieurs initiatives axées sur la réalisation d’investissements dans trois
«secteurs fondamentaux». Ces derniers seront dès lors susceptibles de contribuer à l’amélioration de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la balance commerciale des pays africains. Un quatrième «secteur fondamental» est retenu, par la suite, qui fournira le «soutien scientifique nécessaire pour assurer la productivité et la compétitivité à long terme» de l’agriculture. Car la production agricole est triplement handicapée: – par l’irrégularité des précipitations, problème (le pourcentage de terres arables irriguées n’est que de 7% pour le continent, 3,7% pour l’Afrique subsaharienne; comparativement, il est de 10,29% en Amérique du Sud et de 41% pour l’Asie de l’Est, du Sud-Est et du Sud); par la faiblesse des sols en éléments nutritifs: 16% des sols qui ont de faibles réserves en éléments nutritifs; à titre comparatif, 4% seulement des sols asiatiques sont touchés par ce problème, par la faible productivité des engrais qui serait inférieure à celle de l’Asie de 36% et à celle des pays développés de 92%. Pour cela, il s’agit également d’accorder une priorité au développement humain, particulièrement la santé, l’éducation, les sciences et technologies et le développement des compétences; le renforcement et l’amélioration des infrastructures, y compris l’eau, le gaz, l’électricité, la technologie d’information et de communication (TIC); la promotion de la diversification de la production et des exportations, y compris la promotion de l’agro-industrie, des usines, des mines, des profils minéraux et du tourisme. Pour cela, il s’agira de mobiliser les ressources en renforçant l’épargne et les investissements nationaux par l’intégration, loin de mesures autoritaires de la sphère informelle dominante; l’amélioration de la gestion des revenus et des dépenses publiques; la consolidation du flux de capitaux par plus de réduction de dettes, l’objectif étant de renforcer la participation de l’Afrique dans le commerce mondial. Et ce, afin que l’Afrique devienne plus efficace en termes de politique de développement au niveau international, s’assurant ainsi que les besoins du continent sont pris en considération, dans les négociations de l’OMC par exemple; que l’intégration sous- régionales soit plus accélérée et que l’Afrique respecte davantage les principes de démocratie et la protection des droits de l’Homme. Car l’Afrique abritera en 2020 1,5 milliard d’habitants. Existant une mobilité du monde, que l’objectif est de fixer durablement les populations par un développement durable et éviter ce mythe d’eldorado artificiel, notamment l’Europe, l’Amérique ou l’Australie- Voir Abderrahmane Mebtoul notre contribution sur ce sujet à la revue internationale «Gaz d’aujourd’hui» Paris France novembre 2002 et à la revue mondiale «Pétrole et gaz arabe» en arabe, français, anglais octobre 2003).
En résumé, il est même impératif pour les pays développés et pour l’intérêt de l’humanité qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée tenant compte d’une bonne gouvernance par une lutte efficace contre la corruption qui mine les nations africaines, et de l’enjeu du XXIe siècle qui est celui d’une véritable politique écologique (tenant compte de la protection de l’environnement et du cadre de vie) impliquant une réorientation de la politique agricole, industrielle et énergétique. Le dialogue des civilisations et la tolérance sont des éléments plus que jamais nécessaires à la cohabitation entre les peuples et les nations.
A. M.