Depuis son avènement au cours de la deuxième moitié des années 1960, la bande dessinée algérienne n’a cessé d’être un moyen d’expression de l’identité nationale, après la longue instrumentalisation du 9e art durant la période coloniale, vitrine alors de l’idéologie et de la culture française et européenne. Créée en 1967 par le doyen des bédéistes algériens, Mohamed Aram (1934-2020), la première série algérienne Naâr, sirène de Sidi Fredj, inspirée de Super-Man, a été publiée dans l’hebdomadaire Algérie-Actualités, avant Moustache et les frères Belgacem de Slim (Menouer Merabtine), une BD publiée en 1968 par le même journal, qui avait alors, consacré la rupture avec la vision colonialiste. La série de Slim va «algérianniser» la BD dans sa forme et ses contenus, racontant notamment des évènements de la glorieuse Révolution contre l’occupant français, avec des personnages vêtus de Haïk, de gandoura et de chachia, et évoluant dans différents quartiers algériens. La rupture avec la vision colonialiste est d’autant plus évidente dans l’œuvre d’Abderrahmane Madoui (1925-2013) qui a réussi à dissiper les effets néfastes des BD étrangères sur l’imaginaire algérien, en créant notamment en 1969 la revue M’Kidèche, premier roman graphique algérien. Ces nouvelles planches, alors unique exutoire des artistes et amateurs de BD algérienne durant cinq ans, avaient pour mission essentielle de restituer l’Identité nationale et d’opérer une rupture avec les orientations culturelles françaises et occidentales. Pour plus d’efficacité dans cette grande entreprise, Abderrahmane Madoui s’était d’abord entouré des artistes Mohamed Aram, Ahmed Haroun, Mohamed Mazari (Maz), Mohamed Bousalah (Mimid) et de Slim. Ce premier groupe s’est fait rejoindre par Mahfoud Aïder, Slimane Zeghidour et Fouzi Baghdali, entre autres, pour arriver à constituer, au final, un atelier d’une vingtaine d’artistes, entre auteurs, dessinateurs de BD et scénaristes, chargé de créer des personnages purement algériens comme «Kouider», «M’Barek», «M‘kidèche», «Richa» et «Djeha», notamment. Durant les années 1980, le premier Festival de la Bande dessinée à Bordj El Kiffan (Alger-est) s’est inscrit dans la durée jusqu’en 1988, pour qu’arrive, un an plus tard et dans la même logique de progression, le Festival méditerranéen de la bande dessinée avec l’objectif de réunir les bédéistes des pays du bassin méditerranéen.
Le FIBDA, nouveau souffle au 9e art
Depuis l’avènement, en 2009, du Festival international de la Bande dessinée d’Alger (FIBDA), le 9e art se verra animé d’un nouveau souffle qui lui redonnera vie, le propulsant parmi les plus importantes manifestations du genre en Afrique et dans le Monde arabe. L’élan aux émulations stimulantes du FIBDA a permis à nombre de maisons d’édition, spécialisées ou générales, arabophones ou francophones, de voir le jour, à l’instar des éditions, «Daliman», «Casa» ou encore» Z-Link», ainsi que la parution de plusieurs revues spécialisées dont Labstor, Génération Mangas ou encore Ghomeida, dédiées aux enfants.
De nouveaux bédéistes ont, par ailleurs, réussi à occuper le devant de la scène, à l’exemple du mangaka Saïd Sebaou, premier artiste algérien dont les travaux ont été exposés au Musée international du Manga à Kyoto (Japon). En plus de donner de la visibilité à la BD algérienne, le FIBDA s’est attelé à ouvrir des espaces de partenariats avec les artistes étrangers, notamment ceux émanant des pays où le 9e art est prédominant, à l’exemple des Etats-Unis d’Amérique et du Japon où sont nés les genres «Comics» et «Manga», respectivement.
Alors que, par le passé, le 9e art en Algérie tombait sous l’influence des écoles française et belge, aujourd’hui, l’art du Manga japonais, avec toute sa panoplie d’accessoires numériques et autres, ainsi que les déguisements du Cosplay qui le caractérisent, s’est imposé au FIBDA, drainant toute la jeunesse à chacune de ses éditions. Actuellement, les artistes et bédéistes algériens se basent sur l’outil informatique et la magie d’Internet pour réaliser leurs travaux, usant également de la voie des partenariats avec leurs confrères et producteurs étrangers, dans des perspectives d’échange et d’ouverture sur les autres qui préservent l’Identité et la Culture nationales.
Dans ce contexte, la profondeur du récit national demeure encore omniprésente dans les différents travaux des bédéistes algériens qui publient régulièrement leurs nouveautés évoquant le glorieux combat libérateur, comme c’est le cas notamment avec Benyoucef Abbas-Kébir et Benyahia Racim-Bey.
M. Toumi /Ag.