La corporation des journalistes algériens a célébrée hier la journée internationale de la liberté de la presse dans un contexte national crucial où la question de la régulation de la presse et de l’organisation de la profession se pose avec acuité, 30 ans après l’ouverture du champ médiatique.
L’absence d’un Conseil d’éthique et de déontologie dans la presse nationale a entamé sa crédibilité et son professionnalisme, de l’avis de nombreux professionnels de la presse qui considèrent que la mise en place de cette instance est devenue une nécessité pour l’instauration de l’éthique professionnelle et des règles du métier de journaliste. L’existence d’un conseil d’éthique et de déontologie, comme stipulé dans la loi organique de l’information pourrait, pourtant, « contribuer à la moralisation de la presse et à mettre fin à la désinformation en Algérie », selon ces professionnels. La loi de l’information, promulguée en 2012 consacre, en effet, un chapitre au respect de l’éthique et de la déontologie en détaillant les principes que le journaliste doit respecter dans l’exercice de son activité. Cette loi prévoit la mise en place d’une instance nationale de déontologie et d’éthique de la presse, élue par la corporation, qui veillera au respect par les médias des règles de déontologie. Cependant, plus de 7 ans après, cette disposition est restée lettre morte. La presse algérienne attend aussi la mise en place de l’Autorité de régulation de la presse écrite (ARPE), prévue par cette même loi. Néanmoins, un pas a été franchi sur le plan de la réglementation avec la libéralisation de l’espace audiovisuel (loi 14-03 du 24 février 2014), la dépénalisation du délit de presse ou encore l’installation de l’autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV). Toutefois, le législateur qui a voulu octroyer à l’ARAV un poids et une autonomie de décision, « ne l’a pas dotée de moyens nécessaires à son fonctionnement », alors que « la question de son statut et son budget demeurant en suspens », avait déploré cette institution en février dernier. L’ARAV a assuré, dans un communiqué, qu’elle « ne peut fonctionner normalement que si les pouvoirs publics concernés satisfont à leurs obligations en matière de mise en ordre du paysage audiovisuel ». En plus de la question de la régulation à laquelle fait face la presse, la corporation peine à s’organiser pour affronter les problèmes auxquels elle est confrontée. L’absence d’un véritable syndicat capable de défendre les intérêts des journalistes et œuvrer pour l’amélioration de leurs droits socio-économiques a été relevée, à plusieurs reprises, par les professionnels du secteur qui regrettent la « résignation » des journalistes devenus « insensibles » à leurs problèmes. La multiplication des projets de création de syndicats autonomes et l’échec du projet de création d’un syndicat fédérateur de tous les journalistes a compliqué davantage la situation des journalistes, notamment ceux du secteur privé, sombrant dans la précarité.
Transparence et objectivité dans l’octroi de la publicité
Mais, cet échec n’a pas entamé la volonté et la détermination des journalistes à se regrouper au sein d’un syndicat indépendant. Jeudi, plus d’une centaine de journalistes de différents horizons, ont tenu à Alger une assemblée générale pour la création d’un syndicat national autonome. Par ailleurs, la presse continue de faire face à de nombreux obstacles qui entravent la production d’une information libre, luttant chaque jour pour garantir aux citoyens un véritable service public et une information crédible. Le principal obstacle reste les ressources financières. La plupart des titres de la presse peine à assurer leur équilibre financier. La publicité est pour la plupart des journaux une ressource financière très importante. Sauf que l’accès à la publicité distribuée par l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) n’est pas garanti équitablement à tout le monde, ont dénoncé, à plusieurs reprises, les éditeurs de la presse. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a annoncé, il y a quelques semaines, la mise en place d’une commission chargée d’appliquer la décision du gouvernement relative à l’adoption de la transparence et l’objectivité dans l’octroi de la publicité publique, entre tous les médias publics et privés. Le nouveau gouvernement a même créé le poste de porte-parole, une mission confiée au ministre de la Communication qui anime chaque mercredi, à l’issue de la réunion du Conseil du gouvernement, un point de presse pour éclairer l’opinion publique sur les actions entreprises par le gouvernement et répondre aux questions des journalistes sur les questions de l’heure. Soumise à une pression croissante au fil des années, la presse en Algérie a su surmonter les obstacles et défendre ses droits pour arracher de précieux acquis. Aujourd’hui, condamnée à aller de l’avant sur la voie du renforcement de ces acquis, la corporation doit aussi faire preuve d’un plus grand professionnalisme et respecter la déontologie journalistique. Cette presse qui a payé un lourd tribut dans l’exercice de son activité et pour assurer son rôle essentiel, non seulement en tant que vecteur d’informations fiables, mais surtout en tant que leader qui éclaire l’opinion publique, est confrontée, à l’ère du numérique, à la désinformation. L’amélioration de la détection de la désinformation constitue pour les professionnels de la presse une priorité. Mais, même si cette question revêt une grande importance pour l’ensemble de la corporation, celle-ci peine à vérifier la véracité de certaines informations, notamment en l’absence de communication institutionnelle. En témoigne, les difficultés rencontrées par la presse à accéder à l’information concernant les nombreux dossiers de lutte contre la corruption ouverts, ces dernières semaines, par la justice.
Moussa. O