En ces temps de vaches maigres pour le sport algérien, la jolie médaille d’or obtenue par la jeune et talentueuse gymnaste, Kaylia Nemour, est une véritable source de joie et de soulagement pour nous. Une consécration spéciale dans une discipline pas très valorisée chez nous et considérée par beaucoup comme un sport de récréation. En tout cas, on n’a pas des traditions de haut niveau en gymnastique.
Il faut dire aussi que tout le Continent est en retrait dans cette discipline exigeante. D’ailleurs, l’Afrique n’avait jamais gagné une médaille olympique en gymnastique avant l’avènement de Kaylia Nemour qui sera à tout jamais la première à avoir cassé cette barrière. Fera-t-elle des émules ? C’est ce qu’on espère pour relancer une discipline mise en veilleuse qui ne brille que par à-coups sur le plan régional. Car il ne faut pas se voiler la face, Nemour n’aurait jamais été championne olympique si elle avait fait toutes ses classes en Algérie. On ne possède pas chez nous l’outil de performance et le savoir-faire nécessaire pour amener nos gymnastes au sommet de la hiérarchie mondiale. Dans ce domaine, on a quelques années de retard voire plus. On a surtout bénéficié d’un concours de circonstances qui a joué en notre faveur pour récupérer une championne hors normes qui si tout va bien devrait encore nous valoir d’autres satisfactions au plus haut niveau. Mais est-ce que l’Algérie n’a aucun mérite dans la performance de Nemour comme le prétendent certains ? Le plus apte à répondre à cette question est sans doute son coach, Marc Chirilcenco pour qui Kaylia n’aurait pas pu prétendre à la médaille si elle n’avait une deuxième nationalité. En d’autres termes, l’Algérie l’a sauvé en la récupérant, suite à son conflit avec la fédération française de gymnastique, en lui offrant tous les moyens pour une préparation maximale et individualisée. Elle n’aurait jamais pu le faire si elle était restée sous la bannière française, d’après lui. Pour le coach de Kaylia, il n’y a pas de doute, l’Algérie a largement contribué dans la consécration de son athlète durant ces trois dernières années. Beaucoup a été dit sur le conflit qui a opposé la fédération française de gymnastique au clan de Kaylia Nemour. Il y a eu beaucoup d’exagérations pour ne pas dire des mensonges à propos de cette histoire rocambolesque.
En fait, tout a commencé en 2021, lorsque la FFG a voulu regrouper les meilleures gymnastes françaises dans les pôles d’entraînement de l’Insep à Paris et à Saint-Étienne. Mais certains gymnastes dont Kaylia et son entourage ont refusé de rejoindre ces centres préférant poursuivre les entraînements au niveau de leur club. Mais la fédération les a menacés : « Soit elles intègrent le projet, soit elles ne peuvent plus prétendre aux stages, aux sélections et donc à l’équipe de France », comme l’a rapporté Stéphanie la mère de Kaylia.
La découverte de l’ostéochondrite aux genoux de Kaylia (une pathologie qui touche des zones de croissance des os et du cartilage) est venue envenimer davantage les relations entre la Fédération et le clan Nemour. D’autant que la gymnaste a dû passer sur le billard durant l’été 2021 pur une opération sur les deux genoux. Après des mois de convalescence, son médecin l’a autorisé à reprendre normalement les entraînements, mais le médecin fédéral s’y opposa. Pour la FFG, « il s’agit de protéger l’intégrité physique et psychologique de Kaylia, une telle blessure étant le signe évident d’un entraînement trop intense ». Mais pour son coach Kaylia ne s’entrainait pas plus que les autres. « L’ostéochondrite est la pathologie la plus répandue dans tous les pôles, il y a des cas tous les ans que ce soit en gym féminine comme masculine. Et puis, nous ne nous entraînons pas plus qu’à l’Insep ou à Saint-Étienne », corrige-t-il. Face à l’enlisement de la situation, les parents de Kaylia ont décidé de faire changer la nationalité sportive de leur fille en optant pour l’Algérie, le pays dont est originaire son père. Celle-ci est obtenue officiellement en juillet 2022 auprès la Fédération internationale de gymnastique. Mais il a fallu l’intervention de la ministre des Sports française Amélie Oudéa-Castéra, pour que Nemour puisse participer sous les couleurs algériennes aux championnats du monde en 2023 qualificatifs aux JO. Car la FFG, profitant d’un règlement international restrictif, voulait la bloquer pendant une année et lui faire perdre l’opportunité de participer au rêve de sa vie : les Jeux olympiques de Paris et aller chercher la médaille d’or. Grâce à l’Algérie, son rêve est devenu une réalité.