La capacité industrielle de fabrication des produits laitiers des opérateurs publics et privés de cette filière agro-alimentaire est largement supérieure aux besoins du marché national, mais demeure sous-exploitée, a révélé une étude dévoilée à Alger par l’Association des producteurs algériens de boissons (APAB).
Cette étude effectuée entre octobre 2016 et avril 2017 a été réalisée au profit de l’APAB par deux experts algériens, Mohammed Kaci et Salah Yahiaoui, dans le cadre du programme Cap-PME, chapeauté par le ministère de l’Industrie et des Mines et un programme de l’Union européenne. Elle porte sur deux segments de l’industrie laitière, celui du lait conditionné regroupant les différentes formes de lait commercialisé, et le segment du lait aromatisé et des boissons lactées, tels les laits aromatisés, chocolatés et les jus au lait. Ainsi, l’étude estime que la capacité de production des laiteries installées sur le territoire national varie entre 2,9 et 3,2 milliards de litres par an, observant que sa structure par niveau de taille est asymétrique, car 28% des usines installées sont de très petites laiteries (moins de 5000 litres/jour) et 20 % de grandes laiteries (plus de 100 000 litres/jour). Or, ce potentiel de production est sous-utilisé, puisque 50 % des entreprises fonctionnent à moins de leur capacité installée, souligne le document qui précise que 80 % des entreprises fonctionnent à moins de 75 % de leur capacité de production installée et seulement 20 % travaillent à pleine utilisation, expliquant qu’il s’agit d’un trait caractéristique des entreprises alimentaires en Algérie qui ont fortement investi en capacité, mais sans égard à la taille du marché.
Le nombre des entreprises de l’industrie du lait et des produits laitiers enregistrées au niveau du fichier du Centre national du registre de commerce (CNRC) était de 778 sociétés en 2016, selon l’étude qui précise que 173 laiteries seulement sont répertoriées par la base de données de l’Office national interprofessionnel du lait (ONIL). Ces entreprises laitières, où le poids du secteur privé est prépondérant avec 98 % des entreprises, sont de création récente, puisque seulement 22 % existaient avant l’année 2000, avance cette étude qui précise que 73 % des laiteries en exploitation sont implantées au nord du pays. L’étude révè- le aussi que les effectifs employés par les laiteries en activité sont estimés à 14 400 employés directs, soit une moyenne de 105 employés par laiterie, ajoutant que cette ressource humaine est dominée par les exécutants (63%), maîtrise (25 %) et encadrement (12 %). Une majorité de laiteries (64 %) adhère au programme du lait subventionné de l’ONIL et produisent le lait pasteurisé conditionné à partir de la poudre de lait importée par l’Office, tandis que 25 % commercialisent du lait cru local pasteurisé ou stérilisé, et 11 % seulement produisent du lait UHT (upérisation à haute tension) et ses dérivés à partir des matières importées et non subventionnées.
Une large gamme de produits est commercialisé par ces entreprises, comme le lait en poudre, le lait liquide pasteurisé et conditionné en sachet, le lait liquide stérilisé (UHT), les laits fermentés (L’ben et Raib), les laits gélifiés (yaourts et autres pré- parations), les laits combinés (lait aromatisé, lait chocolaté) et les boissons lactées (jus au lait). En parallèle de la pratique commerciale, l’étude observe que la pratique marketing diffère, selon les segments, notant que l’approche marketing est pratiquement absente pour le lait pasteurisé et le lait cru, mais développée pour le lait UHT et les boissons lactées. Côté consommateurs, les produits laitiers occupent la 4e position dans la hiérarchie des dépenses alimentaires des ménages (8 % des dépenses alimentaires), soit une moyenne de 4.304 DA par an, dont près de 39 % pour le lait en sachet et 29 % pour les autres laits (concentré, caillé), tandis que le reste porte sur les produits dérivés, selon l’étude qui cite aussi les chiffres d’une enquête de l’Office nationale des statistiques (ONS) réalisée en 2011. L’étude montre, par ailleurs, que le niveau moyen de consommation par habitant des produits laitiers en 2015 était de 66,1 litres/an de lait conditionné en sachet et boite, 16,7 litres/an des autres laits (UHT et en poudre), 4,8 litres/an de lait frais, 2 litres/an de lait acidulé, soit un total de 87,6 litres/an.
S’agissant des importations du lait de consommation ou la poudre de lait pour la transformation, issu des importations, sous toutes formes (poudre de lait, lait en poudre), elles avaient atteint plus de 370 000 tonnes en 2015, note l’étude qui souligne que ces importations sont en moyenne de 107 milliards de dinars/an (1,07 milliard de dollars) contre des exportations marginales vers la Libye ou la Mauritanie (618.135 dollars). Ce faible taux d’exportations est expliqué par les difficultés rencontrées à l’exportation des produits dérivés du lait et est lié à leur caractère très sensible et facilement périssable. Quant aux prix appliqués sur le marché, l’étude observe que la filière du lait conditionné et du lait aromatisé demeure moins rentable au sein de la branche des industries agroalimentaires, et même le segment du lait UHT, vendu plus cher, assure un déficit de rentabilité, estimant que le système régulé de prix du lait pasteurisé tire la filière vers le bas, et appelant au retour au prix réel du marché pour permettre l’édification d’une industrie laitiè- re pérenne. Toutefois, l’étude note que l’intervention forte de l’Etat par la politique de soutien à la production du lait cru en amont et par le soutien du prix à la consommation en aval a été structurante pour la filière en favorisant le développement de la consommation, l’encouragement de la production agricole et la collecte. Quant aux perspectives pour les années à venir, l’étude prévoit que la consommation de lait devra se poursuivre, en raison de la place qu’assure le produit dans le modèle de consommations des Algériens, ainsi que l’accroissement démographique et l’urbanisation.
L’étude recommande, à cet effet, la révision de la politique de régulation du marché pour permettre plus de développement de la filière, le développement des produits compétitifs à l’étranger, l’encouragement du développement des centrales laitières et des coopératives pour la mise en œuvre d’une stratégie d’intégration plus large, le renforcement du contrôle de la qualité et la mise en conformité du produit national avec les standards internationaux.