Face aux nouvelles mutations géostratégiques: Pour une commission indépendante d’évaluation de la situation socioéconomique de 2023

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Les récentes déclarations contradictoires sur la situation socioéconomique de l’Algérie, dont la dernière en date celle de la présidente de la CGEA qui parle de marasme économique, d’une situation préoccupante pour bon nombre d’opérateurs nationaux, propos repris par bon nombre de sites nationaux et internationaux.

Mais parler de marasme est, à mon avis,   inapproprié, l’Algérie connaissant comme bon nombre d’autres pays des difficultés, ayant eu ces dernières années des réalisations, mais des insuffisances qu’il s’agit de corriger. Comme je l’ai souvent mis en relief, le pouvoir n’a pas besoin d’éloges contredisant la réalité du terrain, en contrepartie d’une rente, mais d’un langage de vérité. En plus, ces propos  alarmistes sont un message de découragement pour tout investisseur qu’il soit national  ou étranger, surtout après le rejet de l’adhésion aux BRICS devant sans passion cerner les causes. Devant  privilégier  les intérêts supérieurs du pays et non les appétits personnels, je propose l’installation d’une commission indépendante  composée d’experts indépendants avec comme observateurs  et non-membres  différents  départements ministériels  qui doivent donner l’information  exacte de leurs secteurs, car un ministre ne peut être juge et partie. Ayant assisté à plusieurs triparties, depuis 1995, réunissant gouvernement, patronat et syndicats, je juge la proposition de la présidente de la CGEA dépassée car aucune de ces tripartites n’a apporté de solutions concrètes : pour preuve, avec les dérivés inclus dans la rubrique  hors hydrocarbures pour près de 70% de la valeur, l’Algérie en ce  mois de septembre 2023 est toujours dépendante pour ses ressources  en  devises à 98% des hydrocarbures, le cancer bureaucratique local et central toujours présent, devant s’attaquer  non aux apparences, mais à l’éco-système,  (voir nos différentes contributions www.google 2020/ août 2023).

Concernant les nouvelles adhésions aux BRCS, les critères retenus ont-ils  été réellement objectifs ?   Car, si l’on  s’en tenait qu’aux critères économiques, le produit intérieur brut PIB, des  pays  comme le Mexique, pour 2022, 1414  milliards de dollars de PIB, l’Indonésie 1319 milliards de dollars, la Turquie 940 milliards de dollars, la Thaïlande 495 milliards de dollars, le Nigeria 477 milliards de dollars, le Bangladesh 460 milliards de dollars, la Malaisie 406 milliards de dollars,   auraient étés retenus. Cet élargissement est donc un dosage politique et économique en fonction d’intérêts géostratégiques. Mais il faut reconnaître objectivement  nos faiblesses car pour l’Algérie  de 2023, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Toute chute  des recettes de Sonatrach entraînerait  une  baisse du taux de croissance, l’accroissement  du taux de chômage  et du taux d’inflation,  donc  des effets négatifs sur les équilibres macro-financiers, macroéconomiques  et macro-sociaux. Mais l’on doit  tirer  les leçons pour l’avenir et analyser la situation économique avec lucidité et  objectivité. Aussi,  la non-adhésion de l’Algérie aux BRICS  pourrait être salutaire pour accélérer les  réformes condition  sine qua non d’un doublement du PIB à 400 milliards de dollars dans trois à quatre  années, il faut être réaliste et l’Algérie en a les potentialités.  Pour cela, du  point de vue stratégie, l’Algérie doit avoir une vision pour s’adapter aux nouvelles mutations tant géostratégiques qu’économiques, transition énergétique et numérique, sociales et culturelles mondiales. L’Algérie   doit engager de profondes  réformes institutionnelles, nécessitant un large consensus national,   pour un Etat de droit, débureaucratiser l’administration, impliquer le citoyen par un large front national en faveur des réformes, supposant l’émergence  de six à sept grands pôles économiques régionaux, donc une véritable décentralisation à ne pas confondre avec déconcentration, les nouvelles technologies permettant moins d’administration. Les réformes macro-économiques doivent toucher le  système financier dans toutes ses structures, la numérisation n’étant qu’un moyen, le système douanier, fiscal, domanial et financier actuellement les banques publiques accaparant plus de 90% des crédits octroyés étant de simples guichets administratifs; l’épineux problème du foncier,   et surtout  le système socio-éducatif du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle collant avec l’environnement et s’attaquer à l’inquiétant exode de cerveaux. Tous ces obstacles bureaucratiques montrent qu’ un texte juridique n’est qu’un moyen (combien de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) et que sans objectifs stratégiques clairs et datés, il ne peut y avoir de développement. L’on doit rappeler avec force que selon les données du Premier ministère reprises par APS, l’Algérie a consacré 250 milliards de dollars pour l’assainissement des entreprises publiques  ces trente dernières années  à fin 2020 et sur les dix dernières années environ 70 milliards de dollars de réévaluation, pour un effectif dérisoire comparé à  population active qui dépasse en 2023 les 13 millions, de quoi créer tout un nouveau tissu économique concurrentiel  alors que malgré ces assainissements et réévaluations plus de 90% de ces entreprises sont revenues à la base de départ et continuer dans cette voie est un suicide collectif ( voir mes interviews entre le 15/20 aout 2023 aux quotidiens gouverneaux El Moudjahid et Horizons)  Car force est de constater que les énormes potentialités du pays  contrastent malheureusement avec les impacts économiques et sociaux  où la force d’une Nation dans les relations internationales repose sur l’économique, où  certains responsables face au blocage, mentalités bureaucratiques, sont tentés par l’élaboration de nouvelles lois (en Algérie existe trop de lois rarement appliquées) Gouverner c’est prévoir, cela nécessite, pour l’Algérie des prévisions à long terme et donc une planification stratégique.

2 – Pour l’Algérie, il faut un taux de croissance de 8/9% en termes réels pour absorber le flux additionnel annuel entre 3 50 000/400 000 par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel. Le FMI dans son rapport de mai 2023, prévoit pour l’Algérie (le PIB étant estimé à 193 milliards de dollars en 2022 pour une population de plus de 45 millions d’habitants), une croissance de 1,7%  loin des prévisions du gouvernement de plus de 4%, taux de croissance tiré essentiellement par la dépense publique. Le taux d’emploi, et c’est une loi universelle, étant un suicide de créer des emplois improductifs, est  fonction du taux de croissance et de la structure des taux de productivité. Concernant les exportations hors hydrocarbures, où par exemple en Afrique marché naturel de ’l’Algérie existe une forte concurrence de la Chine, les USA, de l’Europe, bon nombre de pays émergents, selon les données officielles de la douane pour 2022  nous avons la structuré suivante :-chimie, pétrochimie et dérivés d’hydrocarbures…4248,09 millions de dollars,   médicaments et produits pharmaceutique,  3,61,   matériaux de construction (ciment rond à béton, 1017,43,   métallurgie/sidérurgie, 423,40 ;   plastiques, caoutchouc, verre, 172,00 ;   autres secteurs industriel, 415,12 ;  produits agro-alimentaires, 149,69 ; produits agricoles  103,68 ; millions de dollars soit au total au 31/12/2023, 6,533 milliards de dollars. Plus précisément, d’après un responsable du ministère du Commerce cité par l’APS, les exportations hors hydrocarbures représentent 11% du taux global des exportations. Pour  pouvoir atteindre 13 milliards de dollars en 2024, en référence à la structure des prix de 2022, il faudra augmenter le volume de près de 40% nécessitant des entreprises compétitives qu’elles soient privées ou publiques en termes de coûts et de qualité. Une analyse plus fine pour 2022, montre clairement que les produits dérivés d’hydrocarbures dus à l’effet prix en 2022 et non pas à l’effet volume représentent 65,02% du total. Si l’on inclut le ciment, le rond à béton dominant dans les matériaux de construction, les exportations étant des semi-produits à faible valeur ajoutée et bénéficiant d’importantes subventions dont le prix du gaz à environ 10/20% du prix international) nous avons un taux de 80,60% restant aux autres produits exportés à fortes valeur ajoutée  environ 19,40%. Pour bien situer les impacts réels  des exportations hors hydrocarbures dans le temps et non se fier aux facteurs conjoncturels, il faudrait pour un bilan serein en dressant la balance devises nette et donc répondre aux questions  est la part des entreprises publiques et privées et leurs formes d’organisation, entreprises par actions, SARL ou unités unipersonnelles; la répartition spatiale par zones géostrophiques, en mentionnant le chiffre d’affaires, la structure des coûts ; mettre en place des tableaux comptables de prospectives physico-financiers, afin d’ analyser les évolutions des exportations en volume et en sur une longue période entre 2000/2022 pour corriger l’effet prix; le taux d’intégration des unités exportatrices devant retirer toute les matières premières et services importées en devises qui ont un impact sur la balance des paiements et enfin quantifier toutes les subventions dont les bonifications des taux d’intérêt et pour les unités fortes consommatrices d’énergie, aligner le prix du gaz sur celui du prix international pour calculer leur rentabilité réelle dans un cadre concurrentiel mondial. Une lettre d’intention avec un partenaire étranger n’est pas un contrat définitif et le dépôt d’un dossier n’est pas nécessairement la concrétisation d’un projet.

Sous réserve de la levée du verrou bureaucratique, de mobiliser le financement et pour certains projets de trouver un bon partenaire étranger, devant avant tout lancement d’un projet une étude de rentabilité précise, afin d’être concurrentiel au niveau international, devant privilégier pour les avantages financiers et fiscaux,  la balance devises, pour pouvoir exporter, il faut d’abord produire à un coût compétitif.  La  rentabilité d’un projet mis en exploitation en 2023 nécessitera deux à trois années pour les PMI/PME et 5/7 ans pour les grands projets et chaque année de retard repousse les délais avec des surcoûts, où en économie le temps ne se rattrape jamais.  Dans ce cadre il s’agit de relancer en urgence l’investissement productif créateur de valeur ajoutée en évitant ces déclarations du passé   de milliers de projets dont plus de 80% n’ont jamais vu le jour, d’autres abandonnés après avoir bénéficié des avantages financiers et fiscaux de complaisance des anciennes structures ANSEJ et ANDI et qu’en est-il du nouveau code d’investissement en termes de réalisation et non en intention de projet ?

3 – Mais attention à la sinistrose car contrairement à certains discours de sinistrose, l’Algérie connaît la stabilité grâce aux efforts de l’ANP et des services de sécurité, mais existe un lien dialectique entre sécurité et développement : un non-développement accroît l’insécurité. Aussi,  le  défi principal étant la relance économique avec la nécessaire cohésion sociale.  Étant à l’aube d’une profonde reconfiguration des relations internationales surtout en Afrique, continent à enjeux multiples  avec les rivalités des grandes puissances, les défis pour l’Algérie sont  la transition d’une économie de rente avec la dominance d’une économie informelle spéculative à une économie de production de biens et services basée sur la bonne gouvernance et la connaissance. L’Algérie, en s’adaptant au mieux de ses intérêts au nouveau monde, s’orientant vers la multipolarité,  pays à fortes potentialités, possédant  des richesses naturelles importantes qu’il s’agit de valoriser,  la ressource humaine avec une  jeunesse dynamique,  des indicateurs financiers positifs, près de 84 milliards de dollars de réserves de change fin août  2023, un endettement extérieur très faible 2,9 milliards de dollars fin 2022, peut devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains, sous réserve  de profondes réformes structurelles, plus de libertés, de transparence et de réhabiliter les vertus du travail. Mais attention à l’illusion monétaire car un excédent de la balance commerciale permettant l’accroissement des réserves de change importants  ne sont pas nécessairement synonyme de développement  en étouffant tout l’appareil productif et en accentuant le processus inflationniste du fait de la faiblesse de la production locale : c’est comme un ménage qui restreint sa consommation avec de nombreuses maladies. Les maladies  du corps social sont l’inflation, le chômage et l’extension de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l’Etat avec comme effet la corruption.

En conclusion, l’Algérie a besoin d’un débat serein, au profit d’une Nation qui a besoin de réunir tous ses enfants, personne n’ayant le monopole du patriotisme à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste. La maîtrise du temps étant le  principal défi, tout pays  qui n’avance pas  recule forcément, n’existant pas de situation statique, sa  puissance se mesure à son poids économique ne  devant  jamais oublier que dans la pratique des relations internationales n’existent pas  de sentiments, mais que des intérêts.  L’Algérie de demain, plus de 50 millions d’habitants  horizon 2030,  jalouse de son indépendance politique, sera que les Algériens voudront qu’elle soit.

A. M.

(ademmebtoul@gmail.com)