Face à la dégradation de la balance commerciale, la baisse des réserves de change et de vives tensions budgétaires: Recours ciblé au financement non  conventionnel et extérieur pour 2026

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Selon les données de l’ONS, organe du gouvernement chargé de la statistique dans son dernier numéro 8601 relatif aux Indices du commerce extérieur, publié en ce mois de novembre 2025,  l’Algérie devrait connaître un important déficit commercial fin 2025 et certainement pour 2026, ce qui impactera le niveau des réserves de change.

Lors du débat  devant les députés, présentant le PLF 2026,  le ministre des finances  a reconnu que la  situation socio- économique actuelle nécessitera   à  la fois un endettement extérieur ciblé  et le recours au financement non conventionnel ( planche à billets)

1.-Selon les données de l’ONS, organe du gouvernement chargé de la statistique du gouvernement, les prix à l’exportation de marchandises ont connu une baisse de 7,4% par rapport au premier semestre 2024 et les prix à l’importation de marchandises une diminution de 2,8% durant la même période. Cependant, malgré cette baisse des prix, le volume des importations a fortement augmenté (+28,4%), tandis que celui des exportations a baissé (-1,2%). Ainsi  au premier semestre 2025, les importations ont enregistré une hausse  de 24,8%, atteignant 3 767,0 milliards de dinars, contre 3 018,3 milliards au cours du premier semestre 2024, soit au cours actuel de 130 dinars un dollar  29 milliards de dollars  donnant selon la même tendance 58 milliards de dollars  fin 2025, soit une sortie de devises  de 64 milliards de dollars. Les exportations durant ce premier semestre 2025 ont connu une baisse de 8,5%, s’établissant à 3 055,6 milliards de dinars contre 3 338,3 milliards en 2023 soit 25,67 milliards de dollars donnant en tendance 51 milliards de dollars. Cette baisse s’explique principalement par le recul enregistré dans la catégorie des hydrocarbures, dont les prix ont baissé de 8,2% et les volumes ont également diminué de 2,1%. Les exportations hors hydrocarbures ont, quant à elles, enregistré une hausse en volume de 8,6% et une hausse des prix de 3,0%, soit une augmentation globale en valeur de 11,8% sur la période mais ce que ne met pas en relief  l’ONS   grâce aux dérivées des hydrocarbures ; Cette diminution a concerné les catégories suivantes : Articles manufacturés divers (-14,6%) ;  Produits chimiques et produits connexes (-10,7%) ;  Machines et Matériel de transport (-6,4%) ;  Matières brutes non comestibles, sauf carburants (-4,5%) ; Boissons et tabacs (-0,4%) et les hausses concernent  les catégories « Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes » (+28,1%) et « Huiles, graisses et cires d’origine animale ou végétale » (+16,3%)

2.-Comme conséquence, nous avons  un déficit commercial de 711,5 milliards de dinars et un recul du taux de couverture à 81,1%, les termes de l’échange enregistrant une baisse, passant de 131,4% au 1er semestre 2024 à 125,3% au 1 er semestre 2025. Ce qui  donne un déficit commercial de 5,5 milliards de dollars  , montant auquel il faut ajouter les sortes de devises  des services avec paradoxalement  l’exode  de cerveaux algériens , évaluées  en 2024 à environ 6 milliards de dollars soit 11,5  milliards de dollars .Cela a des répercussions sur le niveau des réserves de change principalement  grâce à Sonatrach. Les exportations de Sonatrach  principal pourvoyeur de devises  ont été de 60 milliards de dollars  en 2022, 50 en 2023, 45  et si  l’on s’en tient  aux données récentes  du ministère  des hydrocarbures de 31 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de 2025 de 31 milliards de dollars , selon le même rythme  seraient fin 2025 entre 41/42 milliards de dollars. Si les prévision de l’AIE se confirment  environ 60 dollars Et  moins pour 2026 et 25/30 dollars le mégawattheure de gaz  (33% des exportations algériennes) avec la forte concurrence  des USA en Europe après les accords redents, d’exportation de 250 milliards de dollars par an,  , et sous réserve du maintien de la forte consommation intérieure , 45/50% de la productions, de la production actuelle faute d’une politique  de subventions ciblées, , les recettes de Sonatrach   en 2026 seraient encore inférieures. Quant    aux exportations hors hydrocarbures à ne pas  confondre avec production hors hydrocarbures dans le PIB , elles sont passées de 6,9 milliards de dollars en 2022, 5,01 en 2023, 4,5 milliards de dollars en 2024 et si on applique une  hausse de 3%  pour 2025 le montant serait de 4,7 milliards de dollars ,et sur chacun de ces montants  plus de  65% selon les statistiques douanières sont des dérivées d’hydrocarbures Quant aux réserves  de change toujours du fait de la détérioration de la balance commerciale,  elles seraient passées de 70 milliards se dollars  fin 2023 à environ 67 milliards de dollars fin 2024(source FMI)  et seraient moindre pour 2025, sous la barre des 60 milliards de  dollars. Car pour pouvoir exporter il faut des entreprises  concurrentielles en termes de cout et qualité, que le secteur industriel en Algérie représente en 2024 moins de 6% du PIB. Un projet pour atteindre son seuil de rentabilité  sans compter sa maturation et les tracasseries bureaucratiques ( analyse du projet, octroi de terrain, de prêts bancaires, négociations avec le partenaire étranger ), après sa mise en exploitation en 2025   pour les PMI-PME   est de trois années minimum soit 2028, et un grand projet comme le fer de gara Djebilet  entre 7 à 8 ans soit  2032/2033. Or, la  nouvelle procédure bureaucratique à partir des enquêtes  de terrain, loin des discours déconnectés de la réalité,   mise en place le 9 juillet 2025 qui consiste en l’obligation pour toutes les entreprises qui importent des produits de présenter un programme prévisionnel d ‘importation  PPI  pour le second semestre 2025 pour la domiciliation bancaire et le dédouanement des marchandises importées  a entraîné une hausse des prix, des pénuries et une sous-utilisation des capacités  d’une large fraction de l’appareil de production entreprises publiques et privées. Il faut impérativement revoir cette  procédure paralysante.

3.- Quelles perspectives ? Nous avons assisté entre 2021 et les prévisions  du PLF 2026 à un  déficit entre les recettes et les dépenses budgétaires  et en   prenant un cours constant  de 130 dinars un dollar, de 21,4 milliards de dollars en 2021,  de   32,17 milliards de dollars en 2022,  de 45,26 milliards de dollars en 2023,  de 47,60 milliards de dollars en 2024, de 63,62 milliards de dollars en 2025 . Pour le PLF 2026, les  recettes devraient atteindre 8 009 milliards de dinars,(61,60 milliards de dollars) 19% du PIB  et les dépenses 17 636 milliards de dinars, 42% du PIB  (135,66 milliards de dollars ) soit une différence négative de 9627 milliards de dinars soit au cours actuel 74,06 milliards  de dollars ,    avec une masse salariale de  33,6% du budget de l’Etat et des    transferts sociaux de 6.000 milliards de dinars soit 46,15 milliards de dollars soit 14,33% du PIB  afin de contenir la hausse des prix. Selon le ministre  des finances le déficit    prévu  pour 2O26 serait de 5OOO milliards  de dinars  financé par la dette intérieure soit  38,46 milliards de dollars , bien que  le PLF 2026  dans sa monture montre un écart entre les recettes et les dépenses de près de 74 milliards de dollars et ce pose cette question du pourquoi avoir prévu tant de dépenses et se pose la question de la  faiblesse de cette capacité  d’absorption. Ce déficit budgétaire montre une monétisation progressive du déficit avec le recours à la planche à billets source d’inflation en cas de rigidité de l’offre. Dans une véritable économie de marché concurrentielle le taux d‘inflation dépasserait largement les 10/15%  et non le  taux utopique annoncé par  PLF 2026  de 2,9% car compressé administrativement par un taux de change officiel ne reflétant pas  la réalité économique. Pour preuve, l’écart avec le marché parallèle en novembre 2025 d’environ 8O%, s’orientant vers 300 dinars un euro favorisant les actions spéculatives par les subventions généralisées et non ciblées et ce grâce aux réserves de change qui tiennent la cotation officielle du dinar    à plus de 70%. En cas de baisse ce ces réserves, par exemple entre   20/3O milliards de dollars l’Algérie se retrouverait dans le scénario vénézuélien pourtant premier réservoir pétrole au niveau mondial, avec une hyper inflation.  C’est que la  théorie keynésienne de relance de la demande globale (consommation et investissement)  globale par le déficit budgétaire s’appliquant à une économie productive(sous-utilisation des capacités), contrairement  à ce qu’annoncent certains experts induisant en erreur le pouvoir,  , ne s’applique pas  à l’Algérie souffrant d’un déficit d’offre  comme le montre l’importance de la rente des hydrocarbures brut et semi brut  qui irrigue  directement et indirectement toute l’économie  et le niveau faible des exportations hors hydrocarbures non inclus  les dérivées d’hydrocarbures

4.-Comme conséquence de ces tensions budgétaires et de la baisse des réserves de change , nous assistons à un autre discours vis-à-vis de l’endettement extérieur  qui avait été diabolisé entre 2020 et 2024,l’argument étant qu’il était  hors de question d’hypothéquer la souveraineté du pays, et que l’Algérie compterait sur ses propres capacités pour faire face aux déséquilibres économiques. Or déjà la loi de finances pour 2025 autorise le recours à l’endettement extérieur, mais de manière très ciblée, pour financer les grands projets d’investissement, l’objectif étant  de diversifier les sources de financement et de maintenir une dette soutenable qui sera exclusivement destinée à l’investissement, les modalités d’application de cet endettement étant  fixées en conseil des ministres. Mais qu’apporte comme garantie l’Algérie  pour bénéficier de ces capitaux où  pour tout investisseur qui tient avant tout à  la visibilité de la politique  socio économique , la stabilité politique, sociale, monétaire et juridique , un texte juridique n’étant pas suffisant comme la règle redente de la loi des  mines des 20/80% et pour éviter toutes mauvaises interprétations, la règle des 49/51% s’appliquant pour les hydrocarbures et les segments stratégiques . Par ailleurs, avec  des  charges de la dette qui ont augmenté de  102.5%  avec une dette intérieure est estimée à près de 18000 milliards de dinars, soit 138 milliards de dollars ,  incluant  le financement du déficit budgétaire, une dette non conventionnelle et des crédits pour des entreprises publiques comme Sonelgaz, le  ministre des finances a reconnu en novembre 2025 implicitement  devant les députés,  le recours au financement non conventionnel  qui consiste à permettre à l’Etat de pouvoir utiliser les ressources de la Banque d’Algérie pour couvrir des obligations du trésor ,c’est-à-dire le recours à la planche à billets. mesure, destinée à une période de transition  permettant  de combler le  déficit tout en espérant éviter une dérive inflationniste. Et le grand problème qui se pose à l’Algérie   comment  intégrer  la masse monétaire hors banques ?  Selon les rapports de la Banque d’Algérie, la masse monétaire en circulation hors du circuit bancaire en Algérie a atteint environ 66,25 milliards de dollars à la mi-2024. ce montant représentant  une part très importante de la masse monétaire totale (M2), estimée à environ 34%. Cette circulation fiduciaire hors banques a connu une croissance continue, avec un taux de 8,6% fin 2023 et de 7,25% fin juin 2024, montrant qu’il reste un long parcours  pour  bancariser cet argent, la numérisation n’étant qu’un moyen , la solution redonner confiance sans laquelle aucune mesure et aucun développement fiable  ne peut se concrétiser .

En conclusion, face à un monde turbulent et instable et à des besoins sociaux internes croissants, l’Algérie étant fortement connectée à l’économie mondiale -importation/exportation, le taux de croissance via la dépense publique, le taux d’emploi, les réserves de change, le corps social étant irrigué essentiellement par la rente des hydrocarbures, une Nation ne pouvant distribuer plus que ce qu’elle produit, afin d’éviter de vives tensions sociales à terme, cela rend urgent, la nécessité de gérer efficacement les finances publiques pour assurer la stabilité et le développement économique à moyen et long terme    Or,  force est de constater la forte dépendance de l’économie algérienne face aux aléas  du cours des hydrocarbures dont les  prix volatils  échappent à la décision interne. Aussi, le   défi principal de l’Algérie pour asseoir une économie diversifiée et attirer les IDE créateur de valeur ajoutée implique de profondes réformes structurelles renvoyant à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, renvoyant à l’urgence d’une planification stratégique qui fait cruellement défaut .

Professeur des universités, expert international docteur d’Etat 1974  Abderrahmane MEBTOUL

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