Un homme a délibérément ouvert le feu, jeudi, dans la salle de rédaction d’un journal à Annapolis, la capitale de l’Etat américain du Maryland, tuant cinq personnes, un drame qui a jeté l’effroi dans cette petite ville tranquille à une heure de route de Washington.
La fusillade est une «attaque ciblée contre le Capital Gazette», a déclaré Bill Krampf, un responsable de la police locale, ajoutant que le quotidien avait reçu des menaces sur les réseaux sociaux. Le policier n’a pas été en mesure de confirmer si l’auteur de la fusillade visait le journal ou des employés en particulier. Les enquêteurs s’intéressent à des liens passés entre l’auteur présumé et le quotidien. Quatre des victimes sont mortes sur le coup, la cinquième est décédée à l’hôpital. L’attaque a également fait deux blessés légers. La porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Sanders a dénoncé sur Twitter une «violente attaque contre des journalistes innocents faisant leur travail (qui) est une attaque contre tous les Américains». Le Président Donald Trump, qui critique régulièrement les médias, a adressé ses «pensées et (ses) prières» aux victimes et à leurs familles dans un message sur Twitter.
«Rien de plus terrifiant»
L’individu armé d’un fusil a ouvert le feu dans la salle de rédaction du Capital, quotidien d’Annapolis, à 14h40 locales (18h40 GMT), selon le Baltimore Sun, propriétaire du journal depuis 2014. Il s’est ensuite caché sous un bureau avant de se rendre aux forces de police, selon Steve Schuh, responsable local du comté Anne Arundel où est situé Annapolis. «Il n’y a rien de plus terrifiant que d’entendre plusieurs personnes se faire tirer dessus alors que vous êtes caché sous votre bureau et que vous entendez le tireur recharger son arme», a tweeté Phil Davis, journaliste qui a raconté la fusillade dans une série de messages. Le suspect est un «adulte blanc» qui approche la quarantaine, selon la police. Il était interrogé, jeudi soir, par les enquêteurs. «Il n’est pas particulièrement coopératif», a commenté sur CNN M. Schuh. Annapolis, à une heure de route de la capitale fédérale Washington, est une ville de 38 000 habitants sur la côte Est américaine. Elle est connue pour ses bâtiments historiques et pour abriter l’académie de la Marine. Le journal partage cet immeuble avec d’autres entreprises. Il a été rapidement évacué et les locaux entièrement fouillés par la police. «Nous avons vu les équipes du SWAT (unités spéciales de la police, NDLR) et on a vraiment commencé à paniquer», a expliqué à la presse Sean Robinson, salarié d’une compagnie d’assurance au 4e étage. «J’ai envoyé un SMS à ma femme qui disait «prions», a-t-il dit. Le Capital, qui fait partie du groupe Capital Gazette, est un petit journal fondé en 1727. Il emploie six reporters, deux photographes et 5 secrétaires de rédaction. Ses locaux sont protégés par une porte fermée en permanence, a dit à la presse un de ses journalistes. «Je suis OK physiquement, mais mentalement c’est le foutoir», a écrit sur Twitter le photographe Paul W. Gillespie. «Nous avons perdu des gens vraiment biens aujourd’hui. Je suis sous le choc en essayant de surmonter cet horrible drame», a-t-il ajouté. Malgré la tragédie, les journalistes ont assuré que le quotidien est sorti, hier. «Je peux vous le dire : on sort une édition aujourd’hui», a tweeté Chase Cook. «Nous sommes tous très choqués parce que nous connaissions ces journalistes», a pour sa part dit le maire d’Annapolis, Gavin Buckley.
Un débat récurrent
Les fusillades endeuillent régulièrement les Etats-Unis. Ces derniers mois, ce sont surtout dans des établissements scolaires, en Floride ou plus récemment au Texas, que des tireurs ont fait parler les armes. La multiplication de ces tueries suscite un débat récurrent sur la dissémination des armes à feu dans le pays. Le port d’arme est un droit garanti par la Constitution. Il est extrêmement rare que des rédactions de journaux soient visées aux Etats-Unis. A New York, un porte-parole de la police a annoncé que des agents avaient été déployés par précaution dans les principaux médias de la ville. En 2015 cependant, un homme avait tué Alison Parker, journaliste d’une chaîne locale de l’Etat de Virginie de 24 ans, et son cameraman Adam Ward, lors d’une émission en direct. «Toute attaque armée comme celle-là est atroce, mais quand elle se déroule dans un lieu de journalisme, c’est particulièrement révoltant et cela me renvoie aux souvenirs de ce jour tragique», a déclaré à la presse son père Andy Parker. L’Organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) s’est dite «profondément choquée» par cette «nouvelle tragédie pour le journalisme».