En vue d’une sortie rapide de la crise: L’instance du forum plaide pour la mise en place des mécanismes du dialogue

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Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre de la culture et de la communication. Ph :Fateh Guidoum / PPAgency

 

 

 L’instance du forum de dialogue continue à plaider, par la voix de son coordinateur, en l’occurrence l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, pour la nécessité de mettre en place les mécanismes devant permettre d’aller vers une élection présidentielle libre et transparente comme cela est revendiqué par le hirak populaire depuis plusieurs semaines, en vue de sortir le pays de la crise actuelle. 

Pour Rahabi, seules les élections peuvent donner de « l’expression réelle à la volonté populaire », estimant qu’il était temps de mettre en place les mesures arrêtées par le Forum national du dialogue pour aller à l’élection présidentielle. Pour le coordinateur de l’instance du forum, « seules les élections peuvent donner de l’expression réelle de la volonté populaire. Ce n’est pas un accord politique qui va refléter la volonté des Algériens », soulignant que le pays se trouve dans « un vide constitutionnel qui s’aggrave et l’impasse politique devient chaque jour plus grande ». « Nous avons convenu de sortir avec une plateforme qui pose les mesures de confiance et d’apaisement que le gouvernement doit prendre avant d’aller au dialogue et qui propose également une instance qui organiser les élections, révise le fichier électoral, gère les élections et leur contrôle et la proclamation des résultats par cette instance qui se substituerait, dans ce cas précis, au Conseil constitutionnel qui a perdu toute forme de crédibilité », a-t-il expliqué. Cependant, estime-t-il, l’élection présidentielle ne se réalisera pas à toutes les conditions. « Il faut qu’il y ait une ambiance, un environnement favorable et il faut que les Algériens soient convaincus que leurs voix ne seront pas volées. Il faut que les Algériens soient convaincus de la transparence, de la régularité du scrutin, et ça n’est pas encore acquis », a-t-il soutenu. 

La « véritable » lutte contre la corruption « se fera quand le système de gouvernement changera ». 

Appelé à citer les mesures de confiance, Abdelaziz Rahabi a évoqué, entre autres, la libération de l’audiovisuel public, la levée des entraves faites à l’exercice de la politique par les partis, l’arrêt des poursuites pour des délits d’opinion, la libération de certains jeunes arrêtés pour des délits d’opinion. Il a considéré qu’il y a des gestes « très forts » qui sont faits dans la lutte contre la corruption, mais il reste, a-t-il observé, que la « véritable » lutte contre la corruption « se fera quand le système de gouvernement changera ». L’ancien ministre et diplomate pense, toutefois, que dans les conditions actuelles, les Algériens « n’iront pas voter ». Pour lui, ils sont devenus « plus vigilants, plus exigeants et il est difficile d’établir aujourd’hui la confiance rompue entre le pouvoir et les citoyens ». Mais il ne perd pas espoir en estimant que tout le monde « y travaille » dans ce sens et se disant « conscient » qu’il y a une « volonté partagée » aussi bien dans le discours politique officiel que dans celui de l’opposition « d’aller vers une solution politique et de retourner vers le processus électoral ». En ce qui concerne la plateforme issue du Forum national du dialogue, Abdelaziz Rahabi a indiqué que des résistances existent « surtout dans les administrations ». « Elles sont réticentes aux changements parce qu’il y a des situations de rente, des intérêts qui sont touchés par cette dynamique de changement », a-t-il expliqué, soutenant que le hirak « a créé chez nous une sorte de demande très forte de transparence », notant entre autres que les slogans, qui reviennent le plus souvent lors des marches, concernent la corruption. « Les Algériens veulent contrôler les richesses nationales et ils savent qu’ils ne peuvent contrôler ces richesses que dans un système démocratique, avec une justice indépendante et une volonté politique de refaire », a-t-il ajouté, soulignant que « la volonté politique a toujours manqué dans la lutte contre la corruption ». A propos des jeunes ayant participé au forum, il a reconnu qu’il a été « très agréablement » surpris par leur niveau de maturité et leur niveau de conscience politique. « C’est impressionnant. Leurs demandes sont essentiellement politiques, claires, bien structurées, bien formulées. Ils envoient un message très clair si à l’opposition qu’au pouvoir « la transition est dans nos têtes, nous savons ce que nous voulons, et nous sommes en mesure de gérer cette période », a-t-il expliqué. Pour rappel, des partis politiques, des personnalités nationales, des élites universitaires ainsi que des associations se sont rencontrés récemment au sein d’un forum national pour tenter de promouvoir le dialogue, en vue de parvenir à une solution à la crise politique que traverse le pays depuis près de cinq mois. Lors de ce forum, les participants ont échangé leurs visions et leurs points de vue sur la base d’un dialogue global qui doit aboutir à la mise en place des garanties pour un scrutin transparent, régulier et crédible. Ils ont également souligné que seule la satisfaction de ces exigences est de nature à amener les Algériens à voter et que les hommes de bonne volonté dans la classe politique au sein du pouvoir doivent accepter d’aller vers un compromis solide, estimant que l’histoire du passage d’une démocratie formelle à une démocratie réelle « se construit maintenant ». C’est la gravité de la situation et le devoir de patriotisme qui ont motivé des chefs de partis, les principaux syndicats autonomes, des personnalités politiques, des élites universitaires, des associations, corporations et des organisations estudiantines à engager une initiative politique destinée exclusivement à proposer au peuple algérien et à ses dirigeants une plate-forme visant à amorcer un dialogue inclusif et responsable, a-t-on expliqué, relevant que cet effort de participation à la concrétisation des aspirations des Algériens, sortis en masse pour réclamer une véritable transformation politique, « n’est pas porté par une motivation partisane ou idéologique, mais par la prise de conscience de la gravité du moment, des perspectives économiques inquiétantes et des menaces réelles aux frontières ». 

Ce dialogue est urgent, parce que le pays doit recouvrer au plus vite sa normalité politique et institutionnelle

Les propositions émanant de ce forum ont été soumises au pouvoir, ainsi qu’aux élites et aux autres forces politiques pour pouvoir trouver des convergences entre toutes les offres de dialogue faites jusque-là. Lors de son dernier discours à la nation, le chef de l’Etat Abdelkader Bensalah a lancé un nouvel appel pour « un dialogue national inclusif » sur la prochaine échéance présidentielle, assurant que l’Etat, y compris l’institution militaire, ne sera « pas partie prenante à ce dialogue ». M. Bensalah les a invités, ainsi, à participer à ce dialogue destiné à « débattre de toutes les préoccupations portant sur la prochaine échéance présidentielle » afin qu’ils apportent « leur contribution à l’organisation du scrutin dans un climat d’entente et de sérénité ». Jugeant ce dialogue « plus que nécessaire », le chef de l’Etat a estimé qu’il constitue également « la meilleure voie pour parvenir aux formules consensuelles nécessaires sur l’ensemble des questions en rapport avec l’élection présidentielle. « Ce dialogue est urgent, parce que le pays doit recouvrer au plus vite sa normalité politique et institutionnelle, qui le mettrait en position de faire face aux incertitudes économiques et sociales et aux menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale du fait d’un environnement extérieur particulièrement complexe », a-t-il soutenu. M. Bensalah a invité, à ce titre, toutes les parties à « mettre de côté les calculs marginaux et les exigences irréalistes », soulignant que celles-ci « sont de nature à prolonger la situation actuelle et d’entrainer notre pays dans une situation de vide constitutionnel, source d’incertitude et d’instabilité. Détaillant sa nouvelle offre politique, le chef de l’Etat a affirmé que le processus de dialogue qui sera lancé incessamment, « sera conduit et mené en toute liberté et en toute transparence par des personnalités nationales crédibles, indépendantes, sans affiliation partisane et sans ambition électorale ». Il s’est engagé, à cet égard, à ce que l’Etat dans toutes ses composantes, y compris l’institution militaire, ne sera pas partie prenante à ce dialogue et observera la plus stricte neutralité tout au long du déroulement de ce processus ». L’Etat, a-t-il poursuivi, « se contentera de mettre tous les moyens matériels et logistiques à la disposition du Panel de personnalités, qui décidera lui-même des modalités de son fonctionnement ». M. Bensalah a assuré, à ce propos, que « les participants au dialogue auront la liberté de discuter et de débattre des conditions à réunir pour garantir la crédibilité du scrutin et aborder l’ensemble des aspects législatif, réglementaire et organisationnel de cette élection, y compris le déroulement du calendrier électoral, ainsi que les mécanismes de son contrôle et de sa supervision ». Il a insisté, dans ce contexte, sur le fait que le dialogue « devra nécessairement se concentrer sur l’unique objectif stratégique que constitue l’organisation de l’élection », qui « devrait se tenir à une date la plus rapprochée possible » et se dérouler « dans le cadre de la Constitution qui impose la préservation de l’Etat, respect des Institutions et la prévalence de l’intérêt supérieur de la Nation ». Le dialogue devrait, en outre, axer ses discussions sur « l’organe ou l’autorité électorale indépendante à mettre en place » et qui « aura pour mandat d’organiser et de contrôler le processus électoral dans toutes ses étapes ». « Il s’agira de débattre et d’arrêter la configuration de cette entité et de fixer ses missions et attributions, son mode d’organisation et de fonctionnement ainsi que sa composante, y compris, éventuellement, les personnalités consensuelles devant la diriger », a-t-il détaillé. Pour le chef de l’Etat, cette entité qui va se substituer à l’administration publique « sera appelée à intervenir sur tout le territoire national et aura, en conséquence, des démembrements au niveau des wilayas, des communes et des circonscriptions électorales de notre communauté à l’étranger ». Une loi spécifique devrait être adoptée pour permettre la mise en place de cet organe, a affirmé M. Bensalah qui a souligné, en outre, la nécessité d’adapter, en conséquence, le dispositif législatif et règlementaire, notamment la loi électorale. Il a relevé ainsi la nécessité de réviser cette loi pour « y introduire toutes les garanties, à même de faire en sorte que ce scrutin puisse répondre à toutes les exigences d’impartialité, de régularité et de transparence ». « Comme il sera également nécessaire d’examiner l’articulation entre cet organe qui sera créé et la Haute instance indépendante de surveillance des élections, prévue par la Constitution, dont il est possible de revoir la composition », a-t-il ajouté. Pour le chef de l’Etat, l’élection présidentielle « reste la seule solution démocratique viable et raisonnable » pour transcender les écueils de cette étape cruciale de l’histoire de l’Algérie ».

T. Benslimane