Les Algériens, notamment les millions de fans de l’équipe nationale, sont désormais sûrs de pouvoir suivre les éliminatoires de la Coupe du monde gratuitement sur la chaîne de télévision publique terrestre. Une information confirmée par les médias officiels selon laquelle le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, «a signé récemment un décret présidentiel pour allouer un budget à la télévision algérienne afin d’acquérir les droits de diffusion de l’ensemble des matchs des Verts du 2e tour des éliminatoires pour le Mondial qatari auprès de la FIFA».
Le même décret précise qu’un «crédit de 405 millions de dinars applicable au budget de fonctionnement du ministère de la Communication et au chapitre Administration centrale – Dépenses liées à l’acquisition des droits de retransmission TV des matchs qualificatifs à la coupe du monde de football 2022 (Dotation à verser à l’établissement public de télévision)». Mais est-il vraiment raisonnable de payer plus de 40 milliards de centimes pour seulement trois matchs, voire deux, si les Verts ne se qualifient pas au dernier tour comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2022 ? Sachant que les rencontres à domicile sont retransmis gratuitement de facto sur le territoire national, seules celles disputées à l’extérieur sont concernées par l’acquisition des droits de diffusion. Or, l’équipe nationale n’a plus que deux déplacements à effectuer dans son groupe au Niger et probablement au Maroc pour y affronter le Djibouti. Si elle se qualifie au troisième tour, elle disputera un match barrage en aller et retour décisif pour la qualification au Mondial. Elle n’aura donc qu’un déplacement à effectuer. C’est chèrement payé, même si les pouvoirs publics ont apparemment voulu faire plaisir aux supporters des Verts. Pour eux, c’est aussi une question de souveraineté. Mais il y avait d’autres moyens de montrer sa souveraineté, beaucoup moins coûteux, si on s’était pris à temps pour régler une fois pour toutes le problème lancinant des droits de diffusion propriétés exclusifs de groupes de médias privés et étrangers. Il faut savoir en effet que les pays européens parmi les plus riches dont la population peut se permettre des abonnements à des chaînes cryptées, exige que tous les matchs de leurs équipes nationales, mais aussi les grands événements sportifs soient diffusés par une chaîne en clair à travers leurs territoires. Si l’on prend le cas de la France, il est stipulé dans l’article L 333-9 du Code du sport que «les événements d’importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d’une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre […] sur un service de télévision à accès libre». Mieux, le législateur français précise que «l’exercice par un éditeur de services de télévision des droits de retransmission acquis à titre exclusif sur l’un des événements d’importance majeure, ne peut faire obstacle à la retransmission de cet événement par un service de télévision à accès libre, laquelle doit alors être intégrale et assurée en direct. Les chaînes payantes sont dans l’obligation de proposer la retransmission de ces événements aux chaînes gratuites à un prix raisonnable». Or, chez nous, c’est le contraire qui se produit, puisque souvent les responsables de la télévision publique sont confrontés au niet catégorique des détenteurs des droits de diffusion. Ces derniers se font même un malin plaisir de demander un prix astronomique pour céder leurs droits. On leur a en quelque sorte donné le bâton pour nous faire battre. Car nos hautes instances juridiques n’ont pas su promulguer une loi similaire afin de de ne pas léser leurs concitoyens et surtout de les protéger de la voracité de ces diffuseurs sans foi ni loi.
Ali Nezlioui