Devant le refus de plusieurs personnalités de rejoindre le Panel : Le dialogue peine à démarrer

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Conçu et réalisé par la Présidence de la République, le dialogue inclusif pour lequel six personnalités nationales ont été choisies, peine à démarrer. Et pour cause, la majorité des personnalités sollicitées pour rejoindre l’Instance nationale de dialogue et de médiation, ont décliné l’invitation d’adhérer au Panel, alors que d’autres ont émis des réserves et des préalables.

Dans ce contexte, l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, a réitéré sa position de ne pas être candidat à d’éventuelles instances de transition ou élection. Il considère que « le mouvement unitaire et pacifique du peuple a, depuis le 22 février dernier, neutralisé, momentanément, une série de facteurs de déstabilisation et stoppé d’imminentes menaces ». Ces menaces « n’ont pas disparu pour autant et sont toujours en gestation. Il revient à ceux qui sont aux commandes d’agir, de répondre au Hirak et de mobiliser le pays pour lui éviter les pièges d’un chaos », a-t-il souligné. Pour sa part, l’avocat et militant des droits de l’Homme, Mokrane Ait-Larbi, a affirmé ne pas participer à aucun dialogue rejeté par la « révolution pacifique », rappelant que le dialogue « est un moyen de rapprocher des opinions dans le but de régler des crises, mais le seul objectif de ce dialogue, tracé par le pouvoir, ne dépasse pas la préparation de l’élection présidentielle ». Ait Larbi a souligné qu' »aucun dialogue ne peut aboutir avant la prise par le pouvoir de mesures d’apaisement tangibles et des garanties suffisantes de respect des droits et des libertés », citant, entre autres la libération des prisonniers d’opinion, le respect des libertés publiques individuelles et collectives, le respect de la libre circulation, l’exclusion de tous les symboles de la corruption issus du système et l’ouverture des médias. Pour sa part, l’avocat et ancien député Mustapha Bouchachi a décliné l’invitation à rejoindre le panel du dialogue et de la médiation, en estimant sur son compte Facebook, que « les données et conditions de la tenue d’un dialogue national ne sont pas réunies ». Il a expliqué que parmi les préalables à sa participation à ce dialogue figuraient, notamment la libération des « détenus d’opinion et la cessation du harcèlement exercé sur les manifestants pacifiques ».

De son côté, Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), également membre de la Confédération des syndicats algériens (CSA), s’est dit « honoré » que son nom soit cité pour une mission « aussi noble » afin de contribuer à une sortie de crise, indiquant, toutefois, que la décision définitive d’intégrer ce Panel revient à son syndicat et à la CSA. M. Merabet a ajouté que le dialogue « ne doit pas être focalisé uniquement sur les élections présidentielles » et les réformes qui seront initiées « doivent marquer une rupture avec les anciennes pratiques de gestion des affaires publiques ». « Le dialogue doit être ouvert pour que les revendications populaires soient réellement concrétisées », a-t-il martelé. Le porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste), Messaoud Boudida, a précisé, quant à lui, qu’il s’exprimait au nom de son syndicat qui est également membre du Forum de la société civile et de la CSA. « Ces deux Organisations disposent déjà d’une feuille de route pour une sortie de crise. De ce fait, il est inconcevable d’adhérer à une autre feuille de route qui ne serait pas acceptée par ces deux Organisations », a-t-il dit. Il a, en outre, indiqué avoir appris par le biais de la presse que son nom figurait dans la liste émise par le Panel, niant tout contact direct avec les membres de ce Panel. En revanche, le coordonnateur du Panel, Karim Younes, a défendu hier son rôle et nié être l’émissaire du pouvoir, affirmant être seulement un citoyen appelé à apporter sa contribution au règlement de la crise politique que traverse le pays. « Même si je dois encore être victime de mise en accusation, je continuerai à agir de façon équitable en dépit de la manière inique dont certains opèrent, car je me suis engagé dans ce processus qui vise à prendre à bras le corps la réalité telle qu’elle est », a-t-il ajouté.

L’Etat devra  prendre des mesures d’apaisement à même de créer un climat devant conduire nécessairement à un dialogue sincère qui exprime les vœux et les revendications populaires et qui mènerai à l’organisation d’une élection présidentielle transparente, régulière et libre

L’ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN) s’est dit « triste » de constater que son appel à l’action « se transforme en appel à la réaction ». Pour lui, « l’homme instruit par l’Histoire sait que la société est transformée par l’opinion, que l’opinion ne se modifiera pas toute seule et qu’un seul individu est impuissant à la changer… mais il sait que plusieurs hommes opérant ensemble dans le même sens peuvent modifier l’opinion. Cette connaissance lui donne le sentiment de son pouvoir, la conscience de son devoir et la règle de son activité qui est d’aider à la transformation de la société dans le sens qu’il regarde comme le plus avantageux », a-t-il écrit. Le coordonnateur du Panel a nié être le pouvoir ou son émissaire, affirmant être seulement un citoyen « appelé à apporter sa contribution aux côtés des hommes et des femmes de bonne volonté pour faire aboutir la lutte enclenchée de longue date, impulsée par la révolution de février 2019 ».

« Que ceux qui pensent détenir la vérité, en s’installant dans le confort du censeur fassent mieux. J’applaudirai à leurs succès », a-t-il insisté. Le Panel de personnalités, composé de Mme Fatiha Benabbou, M. Lalmas Smaïl, M. Lazhari Bouzid, M. Abdelwahab Bendjelloul et M. Benaïssa Azzedine, a fait savoir qu’il était « conscient de l’ampleur du blocage politique que vit le pays actuellement », mettant en avant toutes les précédentes initiatives pour un dialogue. Ces personnalités ont tenu à souligner qu’elles n’étaient pas représentantes du Hirak populaire, ni ses porte-parole, affirmant avoir accepté cette mission « en toute liberté ». Les membres du Panel des personnalités appelées à conduire et à mener le dialogue national ont mis l’accent sur l’impératif pour l’Etat de prendre des mesures d’apaisement à même de créer un climat devant conduire nécessairement à un dialogue sincère qui exprime les vœux et les revendications populaires et qui mènerai à l’organisation d’une élection présidentielle transparente, régulière et libre dans les plus brefs délais ».

Parmi les mesures auxquelles elles ont appelé: « la libération de tous les détenus du hirak », « la levée de toutes les formes de pression sur les médias », et « la garantie de toutes les conditions et les facilitations à même de permettre aux citoyens d’exercer leurs droits constitutionnels dans les manifestations et les rassemblements pacifiques ». Lors de cette rencontre, plusieurs questions relatives aux revendications populaires dont celles liées au Gouvernement ont été évoquées, a fait savoir M. Karim Younes. Le chef de l’Etat, Abdelakder Bensalah, a fait part de sa « disponibilité » à prendre des mesures d’accompagnement et d’apaisement en réaction aux préoccupations soulevées par le Panel. En réaction à une sollicitation des membres du Panel sur les mesures d’accompagnement et d’apaisement qu’il y a lieu de prendre, le chef de l’Etat a fait état de sa disponibilité à œuvrer pour inviter la justice à examiner la possibilité d’élargissement des personnes, dont l’interpellation s’est faite en lien avec le déroulement des marches populaires, à envisager l’allègement du dispositif mis en place par les services de sécurité pour garantir la liberté de circulation dès lors que cet allègement ne porte pas préjudice à l’impératif de préserver l’ordre public, et la protection des personnes et des biens lors des marches populaires ».