Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a affirmé aujourd’hui que le 17 octobre 1961 « demeurera à jamais gravé » dans la mémoire de la nation algérienne.
Dans un message à l’occasion du 56ème anniversaire des massacres du 17 octobre 1961, M. Messahel a rappelé que lors de cette journée « des compatriotes, forts de leur droit à la dignité et nourris à l’école du patriotisme, sont sortis dans la rue pour marquer, de façon pacifique, leur rejet des mesures vexatoires et discriminatoires prises par les forces coloniales contre la communauté algérienne en France », ajoutant que « sans ménagement aucun et sans nul égard pour les droits attachés à la personne humaine, ils ont été victimes d’une répression autant brutale qu’aveugle et beaucoup d’entre eux devaient y laisser leur vie ». « Le 17 octobre 1961, Journée de l’émigration, demeurera à jamais gravé dans la mémoire de notre nation en ce qu’il représente, avec d’autres pages écrites du sang de tous ces martyrs tombés au Champ d’honneur, le lourd tribut payé par la communauté nationale à l’étranger à la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance », a-t-il affirmé.
Le ministre a indiqué que « ces événements dramatiques, dont le peuple algérien garde encore les stigmates, sont commémorés, chaque année, dans la dignité et en hommage à nos compatriotes, hommes, femmes et enfants, emportés par cette violence inhumaine ». « Les nouvelles générations sauront, comme celles qui les ont précédées, se rappeler de ce déchainement de violence et entretenir, dans une trajectoire intergénérationnelle, le souvenir des sacrifices consentis par le peuple algérien pour la réappropriation de sa souveraineté nationale, de tous ces chouhadas tombés au champ d’honneur et dont il convient, aujourd’hui, d’honorer la mémoire », a ajouté M. Messahel.
La répression particulièrement violente de centaines d’Algériens lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, a été occultée par les médias français, avait regretté Mohamed Tahar Bensaada, directeur général de l’institut Frantz Fanon, un centre d’études politiques et stratégiques pour la paix et le développement basé à Bruxelles.
Selon ce chercheur, l’Etat français s’est employé à recouvrir les massacres du 17 octobre 1961 du « voile de l’amnésie », reprochant à la presse française de l’époque d’avoir « dissimuler la vérité ». « Seul le journal ‘Libération’, un quotidien issu de la résistance française, a écrit sur les événements du 17 octobre 1961 et de la répression policière qui s’en est suivie », a-t-il indiqué. A quelques mois de la fin de la guerre d’Algérie, le 17 octobre 1961, Paris a été le théâtre d’un des plus grands massacres de manifestants pacifiques dans l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale. Ce jour-là, des dizaines de milliers d’Algériens, répondant à l’appel de la Fédération de France du FLN, manifestaient contre le couvre-feu qui les vise depuis le 5 octobre et la répression organisée par le préfet de police de la Seine, Maurice Papon. La manifestation devait être pacifique et les militants du FLN ne voulaient pas donner de prétexte permettant à la police de justifier une répression. Mais, la réponse de la police française a été extrêmement violente. Outre l’internement de milliers de manifestants et l’expulsion de centaines d’entre eux, plusieurs centaines d’Algériens sont portés disparus et nombre d’entre eux ont été exécutés et jetés dans la Seine, alors que des négociations s’ouvraient entre les autorités françaises et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
« L’enjeu en 1961 était le statut du futur Etat indépendant. Les autorités françaises voulaient faire de l’Algérie un Etat associé à la France », a-t-il indiqué, expliquant que les massacres du 17 octobre 1961 étaient destinés à « faire éloigner la perspective de l’indépendance », notamment par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) qui a tenté de contrecarrer le processus de négociation qui allait aboutir à l’indépendance de l’Algérie. « En dépit de cette violence, le FLN n’est pas tombé dans le piège et décida de poursuivre les négociations et de mener un combat ciblé », a-t-il ajouté, rendant hommage au « génie » des architectes de la révolution et du futur Etat indépendant qui ont « su mobiliser toutes les ressources » pour que la cause algérienne enregistre des succès « retentissants ».
Par ailleurs, le directeur général de l’institut Frantz Fanon a salué le soutien apporté par de nombreux belges à la cause algérienne, regrettant néanmoins que la Belgique ait été devenue, au début des années 1960, « une base arrière » de l’OAS dont les membres ont su profiter d’une convention entre ce pays et la France qui interdisait l’expulsion de personnes pour des délits politiques.
De son côté, l’universitaire Olivier Le Cour Grandmaison a souhaité que le président Emmanuel Macron passe aux actes « après sa déclaration à Alger qualifiant la colonisation France de crime contre l’humanité ». Lors d’un déplacement à Alger, le président de la République, Emmanuel Macron, a qualifié, alors qu’il était candidat, la colonisation de crime contre l’humanité. « Qu’il passe enfin de la parole aux actes en réitérant ses propos en France cette fois et pour l’ensemble de la période coloniale, Algérie comprise évidemment », a-t-il souligné. Mais il n’a pas caché son scepticisme quant à la volonté du chef d’Etat français d’aller au-delà de ses propos qui ont soulevé, rappelle-t-on, un tollé notamment auprès de la droite et de l’extrême droite et des associations anti-algériennes. « Dans un tel contexte, il est peu probable que le chef de l’Etat s’engage plus avant et il est à craindre que les déclarations du candidat Macron seront, hélas une fois encore, contredites par les actions du président Macron », a-t-il considéré, mettant par ailleurs l’incapacité des dirigeants de gauche, à l’image des ex-candidats à la présidentielle, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon, « à prendre la juste mesure du passé colonial de la France et à en tirer les conséquences qui devraient s’imposer, à savoir la reconnaissance des crimes commis à l’époque ». Toutefois, il a reconnu que c’est pour la première fois, qu’un candidat à l’élection présidentielle qualifie la colonisation de crime contre l’humanité. « Que la droite et l’extrême-droite aient été scandalisées, quoi de plus normal. Une telle réaction pavlovienne était attendue », dira-t-il. Au sujet de la campagne qu’il mène dans laquelle il a appelé à déboulonner les statues et débaptiser les rues portant le nom du général Bugeaud, l’auteur de « L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies » (Fayard, 2014) a rappelé que ce « bâtisseur sanglant de la France coloniale » a commis et fait commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en 1840 en Algérie.
Il a cité dans ce cadre les « prétendus grands hommes » comme Jean-Baptiste Colbert (1619-1683, un des principaux ministres de Louis XIV), à l’origine de la traite des noirs, considérée aujourd’hui comme un crime contre l’humanité, et le général Thomas Robert Bugeaud. « Au vrai, il s’agit plutôt d’une contribution aux débats actuels en France sur la place de certaines figures historiques considérées comme des +hommes illustres+, lesquels sont intégrés au grand roman national français. A cela s’ajoute, ceci est une des conséquences, le fait que certains de ces prétendus grands hommes comme Bugeaud et Colbert, d’autres pourraient être cités, ont des statues, des rues et des avenues à leur nom », a-t-il expliqué. Il a rappelé au sujet de ces deux personnages que le premier « a commis et fait commettre » des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au cours de la « pacification » de l’Algérie dans les années 1840, et le second est le père du Code noir de 1685, première codification de l’esclavage à l’époque du « prestigieux » Louis XIV. L’esclavage est désormais considéré en France, depuis la loi Taubira, comme un crime contre l’humanité.