Culture en berne

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Il y a assurément un pincement au cœur à voir s’ouvrir le festival de Cannes, car on ne peut s’empêcher de se remémorer cet âge d’or du cinéma algérien quand il faisait autorité dans le monde entier. La palme d’or du fabuleux film Chronique des années de braise remportée par Lakhdar Hamina, est déjà vieille de plus de quarante ans. C’est dire la grande régression que ne cesse de connaître le cinéma en particulier et la culture en général dans un pays où toute activité se rapportant à la culture est considérée comme secondaire, superflue et parfois même subversive. Pour en revenir au cinéma, il fut donc un moment où la production était riche et variée, mettant sur l’écran chaque année des films d’excellente facture. Faut-il citer juste quelques longs métrages pour se rappeler cette période bénie ? De Les déracinés, L’opium et le bâton, Omar Gatlato et tant d’autres, le cinéma algérien a, selon un critique connu, su marier le néo-réalisme italien et la rigueur soviétique qui, rappelons-le, sont deux grandes écoles du septième art. Ensuite, vinrent les années quatre-vingt qui signèrent le début du déclin du cinéma avant que celui-ci ne disparaisse dans les années 90 sous l’impulsion et les menaces de l’islamisme pour qui tout art est impie et donc il faut le combattre. Le théâtre se porte-t-il mieux, lui qui a connu ses années d’or dans cette décennie 70 ? Les grands metteurs en scène furent assassinés dans les années 90 comme pour leur signifier qu’ils s’adonnaient à une activité haram et des virtuoses comme Abdelkader Alloula et Azzedine Medjoubi demeurent irremplaçables. Il reste la littérature qui a échappé à la grande régression et paradoxalement, des auteurs talentueux et prolifiques ont vu le jour durant la décennie 90, se réfugiant dans «le maquis des lettres». Même la musique ne cesse de manger son pain noir et les mélodies qui faisaient jadis le bonheur des mélomanes et animaient les fêtes, sont aujourd’hui remplacées par des disc-jockeys qui passent en boucle des chansons de caniveau. C’est sans doute là le tribut de la culture festivalière adoptée depuis de nombreuses années et qui nécessite des budgets faramineux pour des résultats dérisoires. Quels souvenirs ont donc laissés les fameuses années de la culture et autres années islamiques ? Aucun, sinon ceux d’une immense gabegie.