Des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont vivement appelé la junte au pouvoir au Mali à abroger le décret suspendant les activités des partis politiques et des associations, qualifiant cette mesure de grave atteinte aux droits humains et à la démocratie.
Ce décret, rendu public mercredi dernier et signé par le chef de la junte, le général Assimi Goïta, a été dénoncé comme une violation directe des droits fondamentaux. Les experts, qui ne s’expriment pas au nom officiel de l’ONU, ont mis en garde contre l’impact d’un tel acte sur les libertés d’association et d’expression. « De plus, s’il est adopté, le projet de loi du 30 avril mettra le Mali en contravention avec ses obligations en matière de droits humains », ont déclaré les experts, soulignant le danger que représente l’abrogation des protections de participation politique pour la stabilité du pays. Le groupe d’experts, dont Eduardo Gonzalez, expert indépendant sur la situation des droits humains au Mali, a rappelé que le décret du 8 mai, tout comme le projet de loi adopté par le « Conseil des ministres » fin avril, s’inscrivent dans une logique de répression et de restriction des libertés. Ils estiment qu’aucune consultation réelle ne peut avoir lieu dans un climat où l’espace civique est supprimé, où les opposants et journalistes craignent pour leur sécurité. La junte justifie ces mesures par des « raisons d’ordre public » au moment où une coalition d’opposition appelle à manifester pour s’opposer à leur dissolution et réclamer un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Les experts remettent en cause l’argument de la junte selon lequel ces mesures viseraient à contenir la prolifération des partis politiques, rejetant également l’idée qu’elles découleraient des recommandations issues de dialogues nationaux. En prévision des manifestations prévues ce vendredi, les experts ont réaffirmé que le droit de réunion pacifique est essentiel dans toute société politique saine. Ils ont appelé les autorités de transition à garantir ce droit, à éviter toute intimidation ou répression et à préserver l’intégrité physique et les droits des manifestants. Dans le même contexte, Amnesty International a également publié un communiqué appelant les autorités militaires à revenir sur leur décision, qualifiant cette suspension d’inconstitutionnelle. L’ONG rappelle que la Constitution de 2023, adoptée sous l’autorité de transition elle-même, garantit l’existence et la liberté d’activité des partis politiques dans le respect de la loi. Amnesty a également insisté sur le fait que cette mesure est incompatible avec les engagements internationaux du Mali, notamment ceux découlant de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Mali traverse actuellement une grave crise politique. À la fin avril, une concertation nationale convoquée par les autorités de transition à Bamako — boycottée par la plupart des partis politiques — a recommandé la suppression pure et simple des partis. Les autorités ont ensuite annoncé leur intention d’abroger la loi encadrant leur fonctionnement.
Craignant une dissolution, une coalition de plus de 100 partis politiques s’est constituée pour exiger la fin de la transition politico-militaire d’ici au 31 décembre 2025, et la mise en place urgente d’un calendrier de retour à l’ordre constitutionnel. Cette coalition a déjà réussi à mobiliser plusieurs centaines de manifestants samedi dernier à Bamako, et une nouvelle manifestation de protestation est prévue ce vendredi dans la capitale malienne.
Sonia Stambouli/Communiqué






