Coronavirus: Interrogations au sujet de la maladie, les pouvoirs publics en alerte

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Le coronavirus (Covid-19), apparu en janvier dernier en Chine et vite propagé dans plus de 60 États, semble tarauder l’esprit de nombreux Algériens qui continuent à se poser moult interrogations sur la maladie, au moment où les pouvoirs publics, tout en se mettant en état d’alerte en préconisant un dispositif spécifique pour l’affronter, insistent sur l’impératif d’éviter l’alarmisme.

«Pourvu que le coronavirus se tienne loin de nous !», «Il ne nous manquerait plus que ce virus, nous sommes déjà préoccupés par une pluviométrie avare !», «Et si cette pathologie s’ajoutait à tous nos problèmes, réussirons-nous à lui faire face ?». Autant de questionnements relevés depuis que ce nouveau virus a mis la planète entière en branle. Des réflexions qui en disent long sur un état inhabituel, différemment ressenti et exprimé, selon que l’on soit plus ou moins serein ou pris de panique. D’aucuns préfèrent devancer les choses en s’informant sur les précautions d’hygiène à prendre, face au moindre signe suspect. C’est le cas de Malika, employée de bureau, qui se dit «abasourdie par le sentiment d’inconscience» qu’elle perçoit dans son entourage, au moment où, souligne-t-elle, «la menace est bien réelle, même si elle semble éloignée». Elle plaide, en outre, pour «davantage de propreté» de l’environnement, considérant qu’il s’agit de «la meilleure manière de se prémunir contre ce fléau». Son collègue, Ahmed, est d’avis que «le respect des règles d’hygiène soit de mise en tout temps et qu’il ne faille pas attendre ce type d’événements pour le faire». «Tant que je n’ai pas eu vent de cas dans mon entourage, je ne m’affole pas outre mesure. Je préfère pour l’heure me dire que c’est heureusement bien loin de nous !», renchérit Rachid, commerçant de son état à Alger-Centre. Une sérénité qu’affichent d’autres personnes qui, elles, ne s’en remettent qu’à la fatalité divine. «S’il est écrit que le virus nous atteigne et que l’on en meurt, on ne pourra y échapper, de toutes les façons !», font-ils observer. À la question de savoir si l’information et la sensibilisation sont correctement menées par les pouvoirs publics autour du coronavirus, les avis sont plutôt mitigés, au moment où certains avouent «méconnaître même les symptômes» devant les interpeler.

           Objet de dérision et de moquerie….

«Yakhi (espèce de) coronavirus !», lâche taquin un jeune homme, adossé à un mur du quartier populaire de Bab El Oued, à l’adresse d’un ami, provoquant les rires de l’assistance. À la question de comprendre pourquoi l’avoir hélé de la sorte, il rétorque en ces termes : «Il a pris, il y a quelques jours, un traitement antigrippal face auquel il s’est montré résistant. C’est juste une manière pour moi de le provoquer !». Mais c’est sur les réseaux sociaux, que les internautes férus d’humour corrosif, se défoulent par des réflexions aussi ingénieuses qu’hilarantes autour de ce virus, jusqu’à en faire «la star virtuelle» du moment. Toutes les associations drôlesses sont alors imaginées pour «accuser» le coronavirus d’être à l’origine des maux sociaux auxquels font face les Algériens. En revanche, déplorent quelques voix, ce virus ne doit pas être prétexte à moquerie, insulte ou toute forme de stigmatisation, citant deux vidéos, largement visionnées sur les réseaux sociaux et qui n’ont pas manqué de heurter la sensibilité de nombreux internautes lesquels ont dénoncé «une grave atteinte à la dignité humaine». Mais c’est surtout en se rendant au pavillon des urgences de l’Établissement hospitalier spécialisé (EHS) El Hadi-Flici d’El Kettar qu’on pourrait prendre le pouls de l’alarmisme de certains citoyens, tel que confirmé par son surveillant médical, Salim Ziane : «L’écrasante majorité des consultations reçues ces derniers jours pour d’ordinaires grippes saisonnières sont, en réalité, motivées par la hantise de contracter le coronavirus !», assure-t-il. Une assertion vite avalisée par une mère de famille, la cinquantaine, en attente d’être auscultée par l’un des médecins de permanence. «Je souffre depuis 2 jours d’un état fiévreux avec nez coulant et courbatures incommodantes. Je sais qu’il ne s’agit que d’une simple grippe, mais avec tout ce que l’on entend sur ce nouveau virus, il ne serait pas mal venu d’en être totalement rassurée après avoir vu le médecin», argumente-t-elle. C’est que, pour elle et ceux qui s’y déplacent, l’hôpital d’El Kattar représente l’Établissement de santé de référence,  s’agissant de la prise en charge des maladies infectieuses et a acquis, depuis de longues années, une solide réputation en la matière. Accompagnée de sa belle-fille, une vieille dame attend également son tour dans ce pavillon. Ce n’est pas la phobie du «Covid-19» qui l’y a amenée, mais elle n’en a pas moins entendu «fréquemment» parler depuis quelques jours. Ni elle ni son accompagnatrice n’arrivent à en retenir l’appellation exacte. «Pourvu que le bon Dieu nous en préserve», lâche-t-elle, déplorant les vies humaines fauchées jusque-là par «sa faute». Au bout de quelques minutes, une altercation se fait entendre entre le surveillant médical et un citoyen ayant accompagné un ressortissant étranger en vue de se faire vacciner contre le tétanos. À la demande du praticien de faire ausculter ce dernier en aparté, dans la salle expressément dédiée au coronavirus, le bonhomme a réagi en s’emportant, vociférant des réflexions à même d’irriter son vis-à-vis. «Figurez-vous qu’il s’imaginait que parce qu’il s’agit d’un ressortissant étranger, ce dernier devait bénéficier d’un traitement de faveur. Or, c’est précisément pour cela que l’on a préféré le faire passer par un examen particulier pour nous assurer qu’il n’est pas porteur du virus. Il était en voyage en bateau lorsqu’il a eu une blessure au pied causée par un clou, d’où sa venue dans notre service !», éclaire Salim Ziane, sur l’origine de la brouille. En somme, une scène comme tant d’autres vécues dans ce service et qui n’auraient pas eu lieu en «temps normal», soutient-il, avant d’assurer que depuis quelques semaines, le service est en état d’alerte : «D’ordinaire et même le week-end, je ne sors pas d’ici avant une heure avancée de la soirée pour reprendre tôt le lendemain. J’ai les nerfs épuisés», se plaint-il.

                       État d’alerte «permanente»…

Depuis le retour, début février, des étudiants algériens de la Chine, l’hôpital d’El Kettar se trouve en «état d’alerte permanente» pour faire face aux éventuelles contaminations», avance son Directeur-adjoint, Toufik Kadem. Une «salle de soins pour le coronavirus» y a été aménagée pour les auscultations et autres prélèvements naso-pharengés sur «toute personne ayant été au contact, de loin ou de près, avec le ressortissant italien ayant été diagnostiqué porteur de virus». «Nous avons reçu tout l’équipage ainsi que les voyageurs qui étaient à bord du même avion que celui pris par ce dernier. Les prélèvements effectués ont été envoyés à l’Institut Pasteur d’Alger et les résultats reçus au bout de 24 heures. Un laps de temps durant lequel les concernés sont gardés à l’hôpital à l’unité d’hospitalisation et n’en ressortent qu’après confirmation que les analyses sont négatives», a expliqué  le même responsable. Par ailleurs, poursuit-il, l’Établissement hspitalier de Bab El Oued a vu se présenter des citoyens ayant été en voyage en Italie les semaines écoulées et qui, au retour, ont préféré «avoir le cœur net», en se soumettant aux examens nécessaires. Il s’agit, informe-t-il, de ceux résidant dans les villes de Milan et de Naples où le «Covid-19» s’est manifesté. Afin de sensibiliser les personnels paramédical et médical sur l’approche à adopter face à cette pathologie, une conférence a été programmée à leur attention par la Direction de l’Établissement hospitalier, le 13 février dernier. À mardi soir, 8 cas confirmés de coronavirus ont été enregistrés en Algérie. Outre, un 1er cas présenté par un ressortissant italien, 7 autres notifiés chez une même famille sont venus s’ajouter à ce décompte. Lors d’une réunion du Haut Conseil de sécurité, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait donné, ce dimanche, des instructions «fermes» pour maintenir un haut degré de vigilance et une mobilisation «active» de l’ensemble des secteurs concernés, pour faire face à toute éventualité.

De son côté, le ministère de la Santé a, en collaboration avec Algérie Télécom, mis en place un Call center joignable via un numéro vert «3030» pour répondre aux questionnements des citoyens quant à la situation épidémiologique en Algérie suite à l’apparition des cas de coronavirus dans le pays. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avait instruit, lui, toutes les parties concernées à l’effet de «prendre les mesures nécessaires, en application des instructions du chef de l’État, pour garantir la protection sanitaire de tous les citoyens et éviter la propagation du coronavirus». Auparavant, il avait appelé à une communication «sereine, réfléchie et responsable, s’éloignant de toute forme d’alarmisme».