Contribution: L’Algérie face aux trafics à ses frontières et au terrorisme dans la région sahélienne

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Aux impacts de l’épidémie du coronavirus, du réchauffement climatique et les enjeux aux frontières de l’Algérie préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques mondiales entre 2022/2030 rendant urgentes des stratégies d’adaptation. C’est que la région sahélienne connaît d’importants trafics qui alimentent le terrorisme facteur de déstabilisation.

 Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, Dr d’Etat 1974 – expert international

1.-Trois facteurs permettent de comprendre les liens entre trafic et terrorisme:

Premièrement,  l’existence de mouvements communautaires, ethniques et religieux, qui permettent une collaboration entre terroristes et criminels, sur la base de normes et d’intérêts partagés ; Deuxièmement, la survenance d’un conflit armé et troisièmement   les contraintes qui jouent lors d’échanges transnationaux complexes de marchandises illégales ; des échanges qui impliquent souvent d’autres parties intermédiaires et de certains segments de l’administration corruptibles.

Les récentes investigations dans le cadre de la lutte antiterroriste menées par les services de renseignements révèlent de nouvelles données au niveau de la région sahélienne inséparable des conflits au Moyen-Orient et dans certaines contrées d’Afrique. La Libye n’est plus la seule menace potentielle, le Mali qui gagne du temps pour appliquer les accords d’Alger. Au Sahel, les groupes armés ont proliféré, accru leur capacité de nuisance, se sont diversifiés en terroristes, insurgés, criminels et milices, selon des variables complexes. Désormais, une coopération et une convergence rassemblent ces groupes. L’exemple le plus évident de ce type de coopération-convergence, c’est le narco-terrorisme, dont le commerce de la drogue illégale sape les efforts pour poursuivre les réformes politiques et le développement, nécessaires pour endiguer la radicalisation et la montée des groupes terroristes.  Pour lutter contre le terrorisme et les trafiquants en tous genres, il s’agit de mettre l’accent avant tout sur l’échange de renseignements qui doit se faire de manière instantanée, pratiquement en temps réel, et harmoniser des politiques de lutte contre le terrorisme, car sans sécurité, point de développement. Le Sahel est également une zone de transit pour les passeurs. 50 à 60% de ceux qui traversent la Libye vers l’Europe passent par la région. C’est pourquoi il y a lieu d’accorder une attention particulière aux tensions au niveau du Sahel où la ceinture sahélienne recouvre, entièrement ou en partie, les pays suivants : l’Algérie (à l’extrême sud), le Sénégal, la Mauritanie (au sud), le Mali, le Burkina Faso (au nord), le Niger, le Nigeria (à l’extrême nord), le Tchad (au centre). Le Sahel est un espace sous-administré et souffrant d’une mauvaise gouvernance chronique et sa vulnérabilité est amplifiée par une forte croissance démographique. Le Sahel devrait doubler sa population d’ici 25 ans, et comptait plus de 100 millions d’habitants en 2020. Cette croissance affectera certainement la sécurité humaine et notamment alimentaire de la région dans son ensemble. A cela se greffent d’importantes inégalités tant internes aux pays développés qu’entre le Nord et le Sud.  L’intensification de la radicalisation est le produit d’une conjonction de facteurs liés à l’individu, ses relations, sa communauté et son rapport à la société. Il est clair qu’identifier un processus de radicalisation ne se fait pas sur la base d’un seul indice, mais d’un faisceau d’indicateurs. Ces indicateurs n’ont, par ailleurs, pas tous la même valeur et seule la combinaison de plusieurs d’entre eux permet d’établir un constat. Il existe, toutefois, des enjeux économiques, le Sahel étant un espace recelant d’importantes ressources minières, d’où les ingérences étrangères manipulant différents acteurs afin de se positionner au sein de ce couloir stratégique et prendre le contrôle des nombreuses richesses. L’arc sahélien est riche en ressources : après le sel et l’or, pétrole et gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium sont autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances désirant en assurer le contrôle. Le commerce des stupéfiants, par exemple, a le potentiel de fournir aux groupes terroristes un bonus supplémentaire : les recrues et les sympathisants parmi les agriculteurs appauvris, négligés et isolés, et qui non seulement peuvent cultiver pour le compte des trafiquants mais aussi populariser et renforcer les mouvements dissidents. Les différents trafics sont liés à l’importance de la sphère informelle, produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat, en fait de la gouvernance, du poids de la bureaucratie qui entretient des relations diffuses avec cette sphère et des distorsions des taux de change, représentant en Afrique sahélienne plus de 80% de l’emploi et plus de 50% du produit intérieur brut (voir A. Mebtoul- quotidiens gouvernementaux EL Moudjahid  et arabophone Ech-Chaab  du 12/07/2022).

2.- Le terrorisme international profite des dysfonctionnements de régulation des Etats et a au moins cinq caractéristiques en commun :premièrement, les réseaux souvent établis dans de vastes zones géographiques où les personnes, les biens et l’argent circulent ; deuxièmement,  / le contrôle par le commandement et la communication ; troisièmement, leur besoin de traiter de grandes quantités d’argent, de les blanchir et les transférer à travers les pays et les continents ; quatrièmement,   criminels et terroristes ont tendance à se doter d’armées privées, d’où le besoin de formation, de camps et de matériel militaire et cinquièmement, terroristes et criminels de la zone sahélienne partagent les caractéristiques communes : pratique fréquente d’opérations clandestines cherchant la légitimité dans le soutien des populations, avec usage de guérillas durables pour pouvoir contrôler un territoire et des populations. Enfin, ces guérillas créent des cellules spécialisées dans l’usage des médias et d’internet pour diffuser leur propagande et leurs revendications. Ainsi, nous avons différentes formes de criminalité transnationale organisée qui forme une industrie en constante évolution, qui s’adapte aux marchés et crée de nouvelles formes de délinquance, s’agissant d’un commerce illicite qui transcende les frontières culturelles, sociales, linguistiques et géographiques. La combinaison de ces divers éléments, selon des schémas extrêmement complexes, induit un climat d’insécurité croissant, propice à la déstabilisation des Etats sahéliens, faute d’une bonne gouvernance. Il existe  les différents éléments de trafics liés à la compréhension de la sphère informelle : premièrement,  nous avons le trafic de marchandises. Pour l’Algérie, existent des trafics de différentes marchandises subventionnées comme le lait et la farine achetés en devises fortes, le trafic de carburant ; deuxièmement,   nous avons le trafic d’armes. Tandis que le trafic de drogue est réprimé internationalement, le trafic d’armes est réglé par les Etats qui en font leurs bénéfices.

La vente d’armes s’effectue régulièrement entre plusieurs partenaires privés et publics ; troisièmement, nous avons le trafic de drogue. La montée en puissance du trafic de drogue au niveau de la région sahélienne. Afin de sécuriser le transit de leurs marchandises, ces narcotrafiquants recourent à la protection que peuvent apporter, par leur parfaite connaissance du terrain, les groupes terroristes et les différentes dissidences, concourant ainsi à leur financement ; quatrièmement, nous avons la traite des êtres humains. C’est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle ou à l’exploitation par le travail. Nous avons le trafic de migrants qui est une activité bien organisée, dans laquelle des personnes sont déplacées dans le monde en utilisant des réseaux criminels, des groupes et des itinéraires ; cinquièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortelle pour les consommateurs ; sixièmement,  nous avons la cybercriminalité, liée à la révolution dans le domaine des systèmes d’information et qui peut déstabiliser tout un pays tant sur le plan militaire, sécuritaire qu’économique. Il englobe plusieurs domaines exploitant notamment de plus en plus internet pour dérober des données privées, accéder à des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des données stratégiques pour le pays. Le numérique a transformé à peu près tous les aspects de notre vie, notamment la notion de risque et la criminalité et comme résultante de ces trafics, nous avons septièmement, le blanchiment d’argent. C’est un processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s’agit en fait de voiler l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi Offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent.

En conclusion, l’épidémie du coronavirus et les tensions en Ukraine préfigurent un bouleversement mondial, où le monde ne sera plus jamais comme avant ce qui interpelle l’Algérie situation complexe et en perpétuelle mutation. La stratégie diplomatique et militaire de l’Algérie est guidée par des principes fondamentaux hérités de sa longue histoire de libération nationale : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité ; l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins ; le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Champ ; la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Pour l’Algérie, l’objectif stratégique est de traduire en termes concrets ses potentialités, pour être en mesure de relever avec succès les défis innombrables qui nous sont lancés par le monde moderne, étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur les nouvelles technologies et les défis de la transition numérique et énergétique. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée et en Afrique. De Saint-Augustin à l’Émir Abdelkader, les apports de l’Algérie à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que nous prédisposer à être attentifs aux récentes fractures contemporaines. C’est pourquoi, je tiens à considérer que la stabilité de l’Algérie et la reconquête de notre cohésion nationale passe par la construction d’un front intérieur solide et durable en faveur des réformes. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, et à trouver les raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, toujours ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.

  1. M.