Cocaïne: Le football algérien sombre dans la dépendance

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En début de semaine, la JS Kabylie a confirmé la suspension de Lyes Benyoucef et Juba Oukaci après leur arrestation samedi dernier à Cheraga pour possession et consommation de drogues dures.

Ainsi, le championnat algérien connait cette saison son quatrième cas de joueur épinglé pour affaire de cocaïne et s’enfonce dans une dépendance à un fléau qui dépasse le cadre du football.  Ces dernières années, l’Algérie fait face à une augmentation substantielle de la consommation de stupéfiants (cocaïne, psychotropes et ecstasy), donnant lieu à de multiples faits divers mêlant  saisies spectaculaires et phénomène de société. Depuis 2015, cette tendance n’échappe pas au football qui voit se multiplier les cas de joueurs contrôlés positifs à ces substances illicites et dangereuses pour la santé des athlètes. Cette saison, on compte quatre joueurs suspendus suite à une consommation de cocaïne et/ou ecstasy : Cherif El Ouazzani (MCA), Lyes Benyoucef, Juba Oukaci (JSK) et Bilel Naili (USMH). Pour retrouver une situation comparable, il faut remonter à la saison 2015/2016 où Belaili (USMA) et Boussaid (RC Arbâa) furent suspendus pour le même motif (NDLR : Belaili ayant fait appel de sa suspension de 4 ans infligée par la FAF auprès du TAS et obtenu gain de cause). D’autres joueurs comme Gaha (US Biskra) cette saison ou encore Merzougui (MCA), Abdelli (MC Saïda), Ghessiri et Amrous (JSM Skikda) furent contrôlés positifs à des substances dopantes et suspendus par la Ligue au cours des quatre dernières saisons.  Mais comment expliquer cette multiplication des cas de dopage et/ou consommation de cocaine au sein de nos championnats professionnels. Pour un médecin du sport interrogé à titre anonyme : « La consommation de cocaine est liée à une sorte d’oisiveté de jeunes joueurs riches et adulés baignés dans un entourage peu consciencieux. Ces jeunes peuvent sombrer dans une dépendance extrêmement néfaste pour leur santé, conséquence d’un manque d’autorité parentale et professionnelle ». Les réseaux sociaux algériens ont ainsi vu défiler nombre de videos de joueurs se droguant dans le cadre de soirées privées ayant lieu parfois à la veille de matchs de championnat. En janvier dernier, Hichem Cherif El Ouezzani a écopé de quatre ans de suspension après un contrôle positif à la cocaine lors d’un match face au CRB le 17 du même mois. Le joueur aura fini par reconnaître dans un communiqué publié par la Ligue, avoir consommé de la cocaïne la veille du match avec ses amis, sans se rendre compte de sa présence dans le tabac de la chicha qu’il fumait. Face à la multiplication des cas contrôlés positifs, il convient de pointer les responsabilités de chaque acteur du football national dans la lutte contre le dopage et la consommation de produits stupéfiants.

Des clubs faiblement armés et une fédération passive dans la lutte contre le dopage

Le rôle des clubs dans le suivi médical des joueurs face à ces cas de dopage est primordial, tant leur travail au quotidien doit permettre la sensibilisation à la dangerosité du dopage et l’obligation pour chacun de suivre une hygiène de vie conforme à celle d’un joueur professionnel. Dès lors, la multiplication de ces cas montre une sévère défaillance des clubs algériens qui disposent de faibles moyens alloués au suivi médical de leurs athlètes. « En Algérie en dehors d’un ou deux clubs  qui ont tenté d’avoir un département médical organisé et conforme aux normes de la CAF, aucun club n’a réellement su se structurer dans le registre médical. » nous confie le médecin du sport ayant accepté d’évoquer le sujet. L’absence d’organisation médicale interne demeure parfois plus liée à une absence de prise de conscience des présidents de clubs disposant pourtant des moyens logistiques et financiers suffisants pour exercer un suivi quotidien de la santé de leurs joueurs. Ce manque de structure médicale suivant les normes et procédures réglementaires les impactent aussi en termes de performances sportives notamment par la multiplication de blessures musculaires de longue durée.   Du côté de la FAF, la lutte contre le dopage s’inscrit pourtant dans les statuts en prenant comme référence les règlements FIFA et intégrés au règlement des championnats de Ligue 1 et Ligue 2 par les articles 126, 127 et 31.Un chapitre fait même référence aux contrôles médicaux institués aux débuts des années 2010 (en parallèle de la mise en place du dossier médical PCMA), et dont la reprise a été décidée par le BF au cours de la réunion d’octobre 2017.Ces contrôles avaient étés précédemment suspendus suite à leur coût jugés trop élevés (NDLR : 200 000$/an payés à un laboratoire suisse). Cela est-il suffisant pour  estimer la fédération consciente de l’enjeu que représente la lutte contre le dopage dans nos championnats ?La réponse semble négative tant la lutte contre ce fléau nécessite des actions autres que celle du contrôle, à l’image de la prévention. « Le contrôle doit être une arme dissuasive de dernier recours, se réjouir parce qu’ils sont positifs et donc efficaces est un échec pour notre football » ajoute notre interlocuteur interrogé sur cette question.  Dans le cas de la prévention, il est difficile de ne pas observer un lourd retard de la fédération tant sur la communication et la décision d’actions concrètes pour endiguer ce phénomène. Sa passivité aggrave la présence de ces pratiques néfastes et pose question sur les moyens déployés pour mettre fin à cette hécatombe. Si la fédération semble passive face au sujet, elle ne peut constituer le seul acteur en mesure de lutter efficacement contre le dopage et la prise de stupéfiants chez les joueurs professionnels. Pour notre interlocuteur : « Il faut revenir à l’organisation des clubs qui doivent être astreints à mettre les moyens sur l’encadrement médical et la prévention auprès des joueurs sur la dangerosité du dopage et de la consommation de produits stupéfiants ». Si l’atmosphère actuelle du football algérien met la fédération entre plusieurs feux (corruption, révélations sur une potentielle ingérence politique), il demeure que la lutte contre le dopage et la prise de stupéfiants se doit d’être une priorité au risque de voir le football algérien plonger davantage dans la poudre blanche.

B.N