Cancer: Une «maladie de vieux» qui frappe désormais les millennials

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Alimentation ultra-transformée, pollution chimique et rythmes de vie perturbés : une génération plus exposée que jamais. Longtemps associé au vieillissement, le cancer gagne désormais du terrain parmi les jeunes adultes, en particulier chez les millennials. Aux États-Unis, les diagnostics de cancer chez les 15-49 ans ont progressé de 10 % depuis l’an 2000, alors qu’ils reculent dans les populations plus âgées, révèle une enquête du Washington Post. Ce basculement interroge la communauté médicale et inquiète d’autant plus qu’il touche surtout les femmes : leur taux de cancer est 83 % plus élevé que celui des hommes dans cette tranche d’âge.

Une génération qui « vieillit » biologiquement plus vite

Pourquoi les générations nées à partir des années 1980 semblent-elles développer des tumeurs plusieurs décennies plus tôt que leurs aînés ? Les chercheurs rappellent que le facteur génétique reste stable. En revanche, ils mettent en avant ce qu’ils appellent une « nouvelle ère de l’exposome » – c’est-à-dire l’ensemble des expositions environnementales, depuis la période prénatale jusqu’à l’âge adulte. « Nous avons considérablement changé ce à quoi nous sommes exposés en quelques décennies », souligne Gary Patti, biochimiste à l’Université de Washington. Avec son équipe, il analyse les effets de centaines de substances chimiques sur des poissons-zèbres pour comprendre comment elles favorisent le développement tumoral. Les résultats pointent déjà la responsabilité de nombreuses molécules encore peu étudiées. Ces constats se confirment par des études à grande échelle. En 2023, une analyse portant sur plus de 150.000 personnes a montré que les millennials présentent un âge biologique supérieur à leur âge réel. Or, ce vieillissement accéléré est associé à une augmentation du risque de cancer pouvant atteindre +42 % pour certaines localisations, comme le poumon, le tube digestif ou l’utérus.

La révolution alimentaire au banc des accusés

Parmi les causes suspectées, l’alimentation occupe une place centrale. Depuis les années 1980-1990, les aliments ultra-transformés représentent plus de la moitié de l’apport calorique quotidien aux États-Unis. Une étude publiée en 2023 a démontré que leur consommation élevée accroît significativement le risque de cancers, notamment du sein et du côlon, dont l’incidence explose chez les moins de 50 ans. « Les aliments ultra-transformés auraient des effets métaboliques indépendants de la prise de poids, susceptibles d’altérer la santé humaine », confirme Andrew Chan, gastro-entérologue à Harvard. Additifs, sucres ajoutés, cuisson à haute température, emballages plastiques et perturbateurs endocriniens s’ajoutent à la liste des suspects. L’impact ne se limite pas à l’assiette. L’utilisation massive de médicaments pendant la grossesse est également évoquée. Certains traitements naguère banalisés, comme les cocktails d’antibiotiques, d’antidépresseurs ou d’hormones, pourraient avoir reprogrammé le développement embryonnaire. Le cas du Bendectin, un anti-nauséeux administré aux femmes enceintes, est particulièrement étudié : une exposition in-utero a été corrélée à un risque multiplié par 3,6 de cancer du côlon à l’âge adulte.

Une vie moderne sous haute exposition chimique

Un autre facteur majeur réside dans la perturbation des rythmes circadiens. Lumière artificielle, écrans omniprésents et horaires décalés bouleversent l’horloge biologique, compromettant la réparation de l’ADN, la régulation hormonale et l’immunité. L’OMS classe désormais cette « désynchronisation chronique » comme facteur cancérigène probable, en lien avec la hausse des cancers du sein, du côlon et du poumon chez les jeunes. Aux substances cancérigènes bien connues (amiante, plomb, pesticides) s’ajoutent aujourd’hui microplastiques et molécules de synthèse. Ces particules, désormais retrouvées dans le sang, le placenta et les poumons, alimentent l’inflammation chronique, un mécanisme central dans l’apparition des cancers. « On commence à comprendre à quel point la vie moderne est chimique », observe Gary Patti. « Nous sommes constamment exposés à un cocktail de substances dont la vaste majorité n’a jamais été vraiment testée. » Face à cette complexité, la recherche s’oriente vers de nouveaux outils : certains laboratoires développent déjà des tests capables, à partir d’une simple goutte de sang, de dresser une cartographie moléculaire très fine des expositions individuelles. Une avancée qui pourrait, à terme, permettre d’anticiper et peut-être de prévenir certains cancers.

Neila M.

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