Les violences inouïes infligées aux populations locales par l’armée coloniale française en réponse à leur révolte exprimées pourtant pacifiquement à travers des rues de la ville éponyme, mais aussi, dans d’autres localités limitrophes, notamment Amoucha, Tizi n’Bechar et Djermouna, ont été mis en exergue par les participants au colloque national sur les massacres du 8 mai 1945 organisé, samedi à Kherrata.
«C’est un crime contre l’humanité», diront des intervenants, notamment l’universitaire de Béjaïa Mohamed Kadoumi qui en (crimes) a fait une présentation basée sur le droit et les dispositions émises par les instances et les tribunaux internationaux. La France coloniale, a-t-il indiqué, «a commis des infractions et des délits innommables» à l’endroit des civils, mettant l’accent sur nombre de méfaits dont les exécutions, les tueries collectives et les tortures, entre autres crimes abjects commis sous la bannière d’une politique d’Etat. «Oui, la répression a été ignoble et sauvage», enchaînera, pour sa part, Loucif Sofiane, de l’université de Sétif, qui fort de documents en sa possession a livré le patronyme d’une centaine de personnes condamnées à mort sans procès ou avec des procès expéditifs. Dans un décompte macabre, il rebondira sur l’histoire plus que tragique de la famille Allik, exterminée presque dans son intégralité, dont un bébé de six mois. «Tous les poils du corps se dressent lorsqu’on évoque cet épisode», a-t-il relevé, visiblement encore plus ému en regardant l’unique survivant de la tuerie, Saïd Allik en l’occurrence, assis aux premières loges en train d’essuyer discrètement, 77 ans après, ses larmes. Abondant dans le même sens, Ali Benharrat, de l’Ecole normale supérieure de Sétif, a estimé, pour sa part, que «toute la débauche de violences et de crimes infligés alors par l’armée coloniale française relevait d’un plan savamment orchestré qui ne visait rien d’autre sinon l’assassinat de la fibre patriotique des Algériens afin qu’il ne contrarient pas le projet de colonisation de la région de Kherrata déjà gagnée au soulèvement libérateur et ce, à un moment où tout était fait pour l’accueil et l’installation en son sein de nouvelles communautés de colons».
«L’administration coloniale avait achevé la réalisation de la RN 9 reliant le port de Béjaïa à Sétif, mis en construction du barrage d’Ighil Emda, sorti de terre un ensemble de structures dont un hôpital, un tribunal, un siège de gendarmerie et une école, le tout dédié à l’accueil et à l’implantation, dans les meilleures conditions, de nouveaux colons», a-t-il expliqué, soulignant «la détermination de l’armée (coloniale) à empêcher toute forme de contrariété, a fortiori de nature ou à consonance indépendantiste». Abdelaziz Fillali, historiographe à l’université de Constantine, en apportera, dans ce contexte, une preuve fulgurante, en focalisant sur «les charmes déployés par les colons et les militaires pour attirer, dans la région, une forte communauté suisse. On s’est même adonné à des opérations d’évangélisation pour +civiliser+ les populations locales. Mais elles furent vaines, d’autant qu’en parallèle, Cheikh El Ibrahimi et son compère Cheikh Sid Ahmed Ben Driss, faisaient chorus pour multiplier les medersas et semer la bonne parole». En fait pour le conférencier, cette campagne a concerné autant Kherrata et ses environs que Jijel et Sétif qui, toutes, ont riposté pour «faire échec à ce plan diabolique qui tendait à célébrer les funérailles de l’Islam». «Henri Doral, pourtant Saint-Simonien et de réputation gauchisante en Europe, a tout fait pour dénier le droit à la liberté des nationaux et renforcer, sous l’inspiration du généra St-Arnaud, le colonialisme en allant chercher lui-même en Suisse les candidats au voyage en Algérie», a souligné le conférencier. Pas moins de treize conférences ont ainsi été animées à l’occasion du colloque dont l’une a été animée par l’historien Mohamed El Korso, lequel, en focalisant sur la naissance et la création de la fondation du 8 mai 45 en 1989, a exhorté à renforcer l’écriture de l’histoire et à veiller à la préservation de la mémoire collective.