Autosuffisance alimentaire : « La sécurité alimentaire en Algérie demeure fragile malgré les avancées réalisées » selon Amel Bouzid 

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La sécurité alimentaire en Algérie a connu des  avancées significatives durant les deux dernières décennies, mais reste  caractérisée par plusieurs fragilités liées notamment à la dépendance aux  marchés extérieurs et au recours aux subventions publiques, a indiqué une  étude présentée lundi à Alger.

Les résultats obtenus de cette étude réalisée par des chercheurs du Centre  de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) à la  demande du Programme alimentaire mondial (PAM), montrent que  « l’amélioration de l’état général de la situation de la sécurité  alimentaire et nutritionnelle est soumise à de grands risques sur le plan  de la durabilité », selon les explications de la directrice de la division  Agriculture et environnement au CREAD, Amel Bouzid. L’étude s’est intéressée particulièrement aux facteurs et stratégies  pouvant avoir une forte influence sur la disponibilité des aliments, les  possibilités d’accès à ces aliments pour l’ensemble des catégories  sociales, ses formes d’utilisation ainsi que la durabilité de l’état de  sécurité alimentaire. A ce propos, l’étude souligne que la croissance effective des  disponibilités en produits agricoles, par l’accroissement des rendements et  l’extension des superficies cultivées, est  encore « insuffisante » notamment  pour les produits de base tels que les blés, les légumineuses et le lait,  alors que ces déficits « structurels » constatés ont été comblés par des  importations de plus en plus massives. « L’accroissement de la production agricole, même s’il reflète l’effort  considérable engagé, reste toujours bien en-deçà d’une demande croissante  deux fois plus rapidement durant la même période, sous le double effet de  la reprise de la croissance démographique et de l’amélioration des revenus  moyens des ménages, d’où le creusement de l’écart entre offre et la demande  imposant une hausse continue des volumes de denrées alimentaires  importées », note cette étude. Le taux de la couverture de la production locale des besoins du marché  algérien sont de 30% seulement pour les céréales, 30% pour le lait, 5% pour  les huiles alimentaires et 0% pour le sucre, d’après les chiffres présentés  par M. Bouzidi, expliquant ce déficit par le caractère pluvial de  l’essentiel de l’agriculture algérienne et par la lenteur des progrès en  matière des rendements et de productivité. « Dans les décennies futures, l’Algérie sera de plus en plus dans  l’incapacité de poursuivre dans la même voie et de recourir aux mêmes  solutions, car, au-delà des risques liés à la volatilité des prix sur les  marchés internationaux qui constitue un variable externe non maitrisable,  il y aura un risque aggravé lié au changement climatique qui créera  davantage de difficultés au secteur agricole domestique pour garantir le  maintien des taux de croissance actuels », a-t-elle averti. Concernant les possibilités d’accès des ménages à l’alimentation, l’étude  note que celles-ci ont été renforcées par les politiques menées en vue de  favoriser l’emploi et donc les revenus pour les ménages, à travers des  investissements massifs dans les grands chantiers d’extension et de  modernisation des infrastructures, la promotion de l’habitat, le  développement du crédit à l’investissement et le soutien de projets de  développement rural dans les communes les plus pauvres et enclavées. Toutefois, des poches de pauvreté subsistent encore tant en milieu urbain  qu’en zone rurale, selon l’étude précisant qu’il y aurait 1.256.165 ménages  considérés comme démunis et nécessitant une aide directe, d’après les  données collectées dans 40 wilayas. En outre, l’accès à une alimentation suffisante et saine reste insuffisant  pour les titulaires de revenus faibles, vue le prix relativement cher des  viandes, fruits et légumes. S’agissant du critère de la qualité, la ration alimentaire est  déséquilibrée, car « la place occupée par les blés est très importante et  celle des protéines et de matières grasses encore trop basse », ce qui  conduit à la hausse des maladies non transmissibles mais lourdement  handicapantes telles le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Evoquant les subventions publiques, l’étude a mis en exergue leur rôle  important dans l’amélioration de l’accessibilité des produits alimentaires  durant les années précédentes, mais elle considère que les mécanismes de  soutien aux prix des biens alimentaires avaient un triple effet « pervers ».  Selon cette étude, ces mécanismes conduisent à une pénalisation forte du  développement de la production locale, à un gaspillage d’aliments dont le  prix payé par le consommateur n’est pas dépendant des coûts de production  réels, et ils bénéficient davantage aux catégories sociales titulaires des  revenus les plus élevés creusant ainsi les écarts en matière de niveau de  vie aux dépens des plus défavorisés. De plus, les mécanismes de soutien des prix exigent des efforts  budgétaires croissants de la part des pouvoirs publics alors que les  ressources utilisées proviennent des exportations d’hydrocarbures et  viennent réduire les capacités d’investissement du pays, en particulier  dans la diversification de l’économie. En matière de sécurité sanitaire des aliments, les politiques des pouvoirs  publics ont abouti à la mise en place d’un dispositif relativement complet  mais dont l’efficacité reste « très faible ». La présentation de cette étude a été suivie d’un débat durant lequel les  experts présents ont déploré la faible coordination des actions des  différents secteurs concernés par la sécurité alimentaire et le manque du  suivi et d’évaluation des stratégies. Soulignant que les avancées réalisées en matière d’agriculture durant les  dernières années étaient surtout le fruit du recours aux subventions  publiques et la mobilisation des ressources non renouvelables (eaux sous  terraines), ils ont appelé à une croissance construite sur des bases  durables. Dans ce sens, les intervenants ont plaidé pour une réelle diversification  de l’économie nationale, indépendante de la volatilité des prix des  hydrocarbures sur le marché international, comme impératif pour atteindre  la sécurité alimentaire.  Ils ont également appelé à la prise en charge des phénomènes liées au  changement du modèle alimentaire algérien avec l’explosion des fast-food,  la consommation excessive des boissons gazeuses et la généralisation du  pain amélioré.

Moussa O