Au Caire, la 10e Conférence mondiale de l’Ifta explore le rôle du mufti à l’ère de l’intelligence artificielle: Belmahdi met en garde contre les dérives technologiques et défend le rôle central du mufti humain

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Lors de la session inaugurale de la Conférence mondiale de l’Ifta, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Dr Youssef Belmahdi, a affirmé que le mufti « Al-Rasheed » ne doit pas être perçu uniquement comme un gardien du texte ou un simple émetteur de jugements, mais comme un érudit en droit islamique, conscient des réalités contemporaines, maîtrisant les outils de son époque et capable de proposer des avis religieux solides, fiables et conformes à l’intérêt public.

Le ministre a souligné que l’essor de l’intelligence artificielle (IA) représente une étape importante dans l’évolution des outils de la fatwa, grâce notamment à la création de bases de données regroupant des millions d’avis religieux, anciens et contemporains. Cependant, il a averti que les mutations technologiques et les transformations profondes de notre époque imposent aux institutions religieuses de repenser la fonction et la responsabilité du mufti. Selon Dr Belmahdi, l’intégration de l’IA dans le champ de la fatwa doit se faire en respectant scrupuleusement les preuves légales, tout en adoptant les technologies de gestion et de documentation des données pour renforcer les capacités institutionnelles. Il a insisté sur la nécessité d’adapter les structures religieuses aux outils numériques et d’utiliser ces technologies pour servir les objectifs de la charia, dans le respect des contextes humains, psychologiques et sociaux.

Le ministre a mis en garde contre les limites de l’IA, qui ne peut ni saisir la profondeur des situations humaines ni remplacer la diligence intellectuelle et juridique du mufti. La compréhension des finalités générales de la charia, et leur application dans des contextes nouveaux en tenant compte du temps et du lieu, reste l’apanage de l’expertise humaine. Dr Belmahdi a précisé que le mufti moderne doit être gardien de la pensée légitime, capable d’évaluer et de filtrer les contenus générés par l’IA, afin de distinguer ce qui est exploitable de ce qui ne l’est pas. Il a décrit ce rôle comme une nécessité légale et communautaire, essentielle à la préservation de la paix sociale, de la sécurité intellectuelle et du renouvellement du discours religieux.

Il a détaillé plusieurs missions clés pour le mufti à l’ère numérique : vérifier les sources et la fiabilité des applications intelligentes avant tout avis ; alimenter les espaces numériques d’un contenu religieux fiable pour prévenir les erreurs ; rendre les avis religieux accessibles à un public mondial dans ses langues et dialectes ; éduquer le public sur les manipulations du contenu religieux numérique ; créer de vastes bases de données d’avis religieux et analyser les tendances des questions posées.

Le ministre a souligné que l’intégration de l’IA dans l’Ifta pose des défis cognitifs, juridiques, éthiques et organisationnels, notamment les fatwas automatisées non réglementées, émises sans compréhension des principes ou à partir de sources non fiables. Pour y remédier, il a proposé un ensemble de règles de régulation : soumettre toute fatwa générée par IA à l’examen d’érudits qualifiés, utiliser des sources reconnues et fiables, interdire toute diffusion non supervisée par une autorité scientifique, protéger la confidentialité des données des demandeurs, former des modèles d’IA spécifiquement conçus pour le contexte islamique, intégrer des outils automatisés de vérification et d’audit, et relier les systèmes aux autorités religieuses accréditées. En conclusion, Dr Belmahdi a affirmé que la technologie ne doit pas être rejetée, mais encadrée et utilisée à bon escient pour renforcer la mission du mufti, en combinant la rigueur juridique avec les opportunités offertes par les outils modernes.

Nora Mohammedi

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