L’Arabie saoudite a nommé samedi, pour la première fois une femme au poste d’ambassadrice aux Etats-Unis, alors que les relations entre les deux alliés ont été mises à mal ces derniers mois par l’affaire Khashoggi, journaliste saoudien tué en Turquie.
La princesse Rima bint Bandar va remplacer à Washington le prince Khaled ben Salmane, frère cadet du puissant prince héritier Mohammed ben Salmane, nommé ministre adjoint de la Défense. Elle sera la première femme à occuper ce poste-clé au sein de la diplomatie saoudienne. La princesse Rima est la fille du prince Bandar ben Sultan, qui fut ambassadeur aux Etats-Unis de 1983 à 2005. Elle a été pratiquement élevée aux Etats-Unis et elle est l’une des rares princesses impliquées dans la vie publique. Considérée comme une avocate des droits des femmes, elle a notamment fait campagne pour une participation accrue de ces dernières dans le sport saoudien.
Détentions jugées arbitraires
Dans le même temps, son pays fait toutefois face à de nombreuses critiques de défenseurs des droits humains en raison de la détention jugée arbitraire d’une dizaine d’activistes des droits des femmes et d’accusation de mauvais traitements et de tortures qu’elles auraient subis. « La princesse Rima sera la première ambassadrice de l’histoire saoudienne », a tweeté le fondateur de l’Arabia Foundation, un think-tank pro-saoudien, Ali Shihabi, estimant qu’il s’agit d’un « signal fort pour l’intégration des femmes dans le gouvernement et la force de travail » du royaume ultraconservateur. Sa nomination intervient alors que l’image des dirigeants saoudiens a été profondément ternie par l’assassinat par un commando venu de Ryad du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. L’affaire embarrasse l’administration américaine de Donald Trump, soucieuse de préserver son alliance stratégique avec le royaume. Le Sénat américain a de son côté jugé que Mohammed ben Salmane, alias « MBS », était « responsable » du meurtre de Khashoggi, qui collaborait notamment avec le Washington Post. L’Arabie saoudite a toujours nié l’implication de son prince héritier, mettant en cause des responsables moins haut placés, présentés comme des éléments « incontrôlés » et actuellement devant la justice saoudienne. Une autre résolution adoptée par les sénateurs américains en décembre appelait le président Donald Trump à « retirer les forces armées américaines des hostilités au Yémen ou affectant le Yémen, sauf les forces américaines engagées dans des opérations visant Al-Qaïda ou des forces associées ».
« Nouveau départ »?
« La nomination d’une nouvelle ambassadrice est une tentative de Ryad pour donner un nouveau départ à sa relation avec Washington et faire oublier l’affaire Khashoggi », a déclaré à l’AFP Kristian Ulrichsen, chercheur à l’Institut Baker de la Rice University aux Etats-Unis. Mais, « dans la pratique, cela n’arrivera probablement pas, au moins avec le Congrès », a-t-il ajouté. Le prince Khaled, fils du roi Salmane et ancien pilote de chasse, occupait le poste d’ambassadeur à Washington depuis 2017. Il prendra ses nouvelles fonctions de ministre adjoint de la Défense alors que Ryad est depuis quatre ans à la tête d’une coalition internationale qui soutient les forces progouvernementales au Yémen contre les rebelles Houthis. « Le prince Khaled hérite d’un portefeuille qui est difficile, mais aussi crucial pour son père, pour son frère et pour le royaume », a estimé Becca Wasser, analyste politique à la Rand Corporation aux Etats-Unis. Selon elle, le nouveau poste du prince Khaled en tant que numéro deux du ministère de la Défense, que dirige le prince héritier lui convient néanmoins « parfaitement », compte tenu de ses qualifications au sein de l’armée de l’air saoudienne. Il aura, souligne cette analyste, à relancer une réforme de l’appareil militaire initiée par son frère ainé et qui a du mal à se matérialiser alors que l’intervention au Yémen ne semble pas sur le point de prendre fin. Les deux décrets annonçant ces nominations ont été signés par le prince héritier, agissant en sa qualité de souverain par intérim en l’absence de son père, le roi Salmane, qui se trouve en Egypte pour participer au premier sommet entre l’Union européenne et les membres de la Ligue arabe.Un troisième décret, également signé par le prince héritier, accorde un mois de salaire supplémentaire aux militaires participant à l’opération au Yémen.