Après le 9 juillet:  S’inspirer de la Loi fondamentale pour éviter tout  risque de vide constitutionnel

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 La prolongation du mandat du chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, jusqu’à l’élection d’un président de la République  suivant l’avis du Conseil constitutionnel est, selon des juristes, une Fetwa (jurisprudence) procédant de « l’esprit même de la Constitution » dans  le but de garantir « la pérennité des institutions de l’Etat et d’éviter tout risque de vide constitutionnel ».

L’avis rendu par le Conseil constitutionnel portant prolongation du mandat  du chef de l’Etat, dont la durée de quatre-vingt-dix (90) à la tête de l’Etat pour « l’organisation de l’élection présidentielle » s’achève mardi, est une « mesure exceptionnelle pour situation exceptionnelle » intervenant  après la constatation de « l’impossibilité » de la tenue de la présidentielle, initialement prévue le 4 juillet, expliquent les spécialistes pour qui cette mesure vise à concrétiser « le principe de la continuité de l’Etat » et à « éviter le vide constitutionnel et le blocage  des institutions de l’Etat ». A ce propos, le professeur de droit à l’Université d’Alger, Amar Belhimer, a indiqué que le Conseil constitutionnel « en se prononçant pour la prolongation de la durée durant laquelle la charge de chef de l’Etat doit être assumée, s’est éloigné de la lettre du texte fondamental mais a  néanmoins respecté son esprit, et ce, en agissant dans le large cadre constitutionnel et dans le cadre des lois institutionnelles existantes afin d’éviter tout vide susceptible de mettre en péril la stabilité et la sécurité de l’Etat ». Réagissant aux critiques de certains juristes quant à la teneur de l’avis du Conseil constitutionnel, M. Belhimer affirme que « l’initiative du  Conseil constitutionnel est réputée être en marge de la Loi fondamentale en ce sens que qu’elle s’appuie sur les articles 7 et 8 qui confèrent la souveraineté au peuple, dans le but d’éviter le vide constitutionnel et d’élargir l’effet de l’article 102 pour éviter le recours à l’article 107 en cas de péril pour les institutions, la sécurité, la stabilité et la souveraineté nationale ». L’alinéa 6 de l’article 102 de la Constitution dispose que « le président  du Conseil de la Nation assume la charge de chef de l’Etat pour une durée de 90 jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées ». L’article 107 prévoit, quant à lui, l’état d’exception « lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions, dans son indépendance ou dans son intégrité territoriale…l’état d’exception habilite le président de la République à prendre les mesures exceptionnelles que commande la sauvegarde de l’indépendance de la nation et des institutions  de la République ». Pour cet expert « le maintien de Bensalah à la tête de l’Etat après le 9 juillet conformément aux stipulations de l’article 102 de la Constitution dénote la faiblesse de l’édifice institutionnel et juridique de tout le système algérien et montre clairement les défaillances du système présidentiel exclusif, ayant abouti à un vide qui représente un danger pour le pouvoir central et l’Etat en général », en raison « d’une unicité du pouvoir exécutif qui a marginalisé l’action gouvernementale basée sur une majorité parlementaire fictive ».  La décision du Conseil Constitutionnel du 1er juin dernier « a confié au chef de l’Etat la mission de convoquer à nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et sa prestation de serment. Par cette mesure, le Conseil Constitutionnel proroge le mandat du chef de l’Etat sans tenir compte des dispositions de l’article 102 qui fixe à 90 jours au maximum ce délai, ce qui pose la question du respect par le Conseil Constitutionnel des prérogatives qui lui sont conférées en vertu de l’article 182, à savoir +le  respect de la Constitution+ ». 

     

Pour une sortie de crise, la solution optimale doit être politique et  constitutionnelle

 Commentant la crise politique que traverse le pays, M. Belhimer considère  que la solution optimale doit être politique et constitutionnelle, soulignant « l’impératif, dans les deux cas, d’une réforme radicale ».  Dans ce sens, il s’interroge sur « comment réaliser la revendication d’une transition et d’une assemblée constituante sans éloigner les partis des  anciennes influences et pratiques, alors qu’ils prônent la démocratie, la transparence et le respect des droits de l’Homme? ». De même qu’il s’interroge sur « la possibilité de réaliser cette  revendication sans la levée des restrictions limitant l’activité des associations et entravant l’émergence d’une société civile libre et dynamique et sans la révision du champ médiatique en général?  Pour sa part, la constitutionnaliste Fatiha Benabaou considère que la Conseil constitutionnel a rendu sa décision en vue de « préserver les institutions de l’Etat » et de « garantir l’organisation de l’élection  présidentielle ». Elle estime que « L’Etat ne doit pas rester sans institution constitutionnelle pour gérer ses affaires et un chef de l’Etat garant de sa pérennité ». Me Benabou a mis en garde contre « les risques » induits par le vide  constitutionnel « que le pays n’a jamais connu depuis son indépendance ». La Constitution « ne prévoit aucune prorogation pour le chef de l’Etat, néanmoins la crise politique que traverse le pays a requis une disposition juridique exceptionnelle prorogeant le mandat du chef de l’Etat jusqu’à  l’élection d’un président de la République », a rappelé Me Benabou. Pour elle « un dialogue sérieux et civilisationnel est la seule voie pour l’édification d’un Etat démocratique sur des fondements solides et ainsi éviter le vide constitutionnel qui menace la sécurité et la stabilité de l’Etat », appelant les parties qui rejettent le dialogue à « la raison » et à  s’exprimer autour d’une table qui doit « réunir tous les Algériens sans exclusive, car seules les solutions consensuelles sont à même de mener le pays à bon port ». Le Conseil constitutionnel s’était prononcé, par décision du 1er juin 2019, pour le rejet des dossiers de deux postulants à la candidature, en vue de l’élection d’un président de la République prévue le 04 juillet , et  conclu « à l’impossibilité d’organiser cette élection présidentielle et la réorganisation de celle-ci de nouveau », précisant « il revient au Chef de l’Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du Président de la République et la prestation du serment constitutionnel ». Dans les attendus de sa décision, le Conseil constitutionnel se réfère au  préambule de la Constitution qui prévoit en son 12ème paragraphe que « la Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple, confère la légitimité à l’exercice des pouvoirs, et consacre l’alternance démocratique par la voie d’élections libres et régulières ». Le Conseil constitutionnel s’est également référé aux articles 7,8, 102 alinéas 6, 182 et 193 de la Constitution. Ainsi, l’article 7 stipule que « le peuple est la source de tout pouvoir »  et que « la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple ». L’article 8 dispose que « le pouvoir constituant appartient au peuple » qui « exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne ». L’article 182 définit les prérogatives du Conseil constitutionnel, à savoir, qu’il veille 

Bouzned. T / Ag