Année 2019: Lutte contre la corruption par excellence

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L’année 2019 a été celle de la lutte contre la corruption par excellence, compte tenu des procès intentés contre d’anciens hauts responsables au sein de l’État, impliqués dans des affaires de corruption et de blanchiment d’argent, un fait inédit dans les annales de la justice algérienne.

Cette première dans l’Histoire de l’Algérie confirme les changements et les mutations que connaît le pays et prélude la fin de l’ère de l’impunité en ce sens que d’anciens hauts responsables, à leur tête les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ont été condamnés, respectivement à 15 et 12 ans de prison ferme, de même que d’anciens ministres et hommes d’affaires impliqués dans des affaires de corruption. La lutte contre ce phénomène est loin d’être une simple campagne de conjoncture, dans la mesure où le nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est engagé, au lendemain de son élection, à poursuivre la lutte contre la corruption. Il avait également renouvelé cet engagement dans son discours d’investiture, en précisant que «la grâce présidentielle ne touchera pas les personnes condamnées et impliquées dans des affaires de corruption». Ainsi, dans sa feuille de route, le président de la République a mis l’accent sur la lutte «organisée» contre la corruption, déplorant l’esprit de distribution «anarchique» de la rente. Mieux encore, il s’est engagé à restaurer l’autorité de l’État à travers la moralisation de la vie politique, la poursuite de la lutte contre la corruption, tout en soulignant la nécessité d’en finir avec «la politique d’impunité et les pratiques liées à la distribution anarchique des recettes pétrolières». En début de ce mois de décembre, le tribunal de Sidi M’hamed avait prononcé des peines allant de l’acquittement à 20 ans de prison ferme assorties d’amendes allant de 100.000 DA à  2 millions de dinars à l’encontre d’anciens ministres et hommes d’affaires impliqués dans l’affaire du montage automobile qui a causé une perte de plus de 128 milliards de dinars au Trésor public.

Il s’agit notamment de l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, contre lequel un mandat d’arrêt international a été lancé et qui a été condamné par contumace à 20 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million de dinars pour «octroi d’indus avantages», «abus de fonction», «dilapidation volontaire de deniers publics», «blanchiment d’argent» et «fausse déclaration». L’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a été, quant à lui, condamné à une peine de 15 ans de prison ferme assortie d’une amende de 2 millions de  dinars pour les mêmes charges retenues contre Bouchouareb, avec la confiscation de tous ses biens saisis, l’obligation pour lui de restituer le profit illicite, qu’il soit chez ses ascendants, descendants ou parents par alliance, et sa privation de ses droits civils et politiques. Pour sa part, l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a écopé d’une peine de 12 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars pour «octroi d’indus avantages lors de la passation de marchés», «abus de fonction», «dilapidation volontaire de deniers publics», «fausse déclaration» et «participation au financement occulte de la campagne électorale de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika». Le tribunal a également ordonné à Sellal la restitution du profit illicite même s’il se trouve chez ses ascendants, descendants ou parents par alliance. La même juridiction a, par ailleurs, condamné les deux anciens ministres de l’Industrie, Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda, à des peines de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de 500.000 DA pour «octroi d’indus avantages lors de la passation de marchés», «abus de fonction» et «dilapidation volontaire de deniers publics». Le juge a prononcé, en outre, une peine de 5 ans de prison ferme assortie d’une amende 200.000 DA à l’encontre de l’ancienne wali Nouria Yamina Zerhouni pour délit d’abus de fonctions, tandis que l’ancien ministre des Transport et Travaux publics Abdelghani Zaâlane a été acquitté du délit de financement occulte de la campagne électorale de l’ex-président. Des peines de prison ferme de 7 ans de prison et une amende de 500.000 DA ont été également infligées à l’homme d’affaires, Ali Haddad, condamné pour le délit de participation au blanchiment d’argent et financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat. L’homme d’affaires, Ahmed Mazouz, a écopé, de son côté, de 7 ans de prison ferme et d’une amende ferme d’un million de dinars avec confiscation des fonds saisis, pour incitation d’agents publics en vue d’obtenir un indu privilège, de bénéficier de l’influence des agents de l’État, de blanchiment d’argent avec dissimulation de son origine et de financement des partis politiques. La lutte contre la corruption n’atteindra ses objectifs qu’après la récupération des fonds détournés Poursuivi pour «bénéfice de l’autorité des agents de l’État en vue de la conclusion de marchés publics» et de «blanchiment d’argent», l’homme d’affaires, Hassan Larbaoui a été condamné à 6 ans de prison ferme et d’une amende d’un million de dinars  avec confiscation des fonds saisis. L’homme d’affaires, Mohamed Baïri, poursuivi pour le délit d’«incitation d’agents à exploiter leur influence en vue de conclure des marchés publics», a écopé, de son côté, d’une peine de prison ferme de 3 ans assortie d’une amende de 200.000 DA, tandis que Fares Sellal, fils de l’ancien Premier ministre, a été condamné à 3 ans de prison ferme assortis de 200.000 DA d’amende pour délit de «participation à l’incitation d’agents publics à conclure les marchés publics». En plus de ces condamnations, d’autres anciens ministres et hauts responsables sont actuellement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, notamment Amara Benyounes (ancien ministre du Commerce), Djamel Ould Abbès (ancien ministre de la Solidarité nationale et de la Famille), Saïd Barkat (ancien ministre de la Solidarité nationale et de la Famille), Amar Ghoul (ancien ministre des Travaux publics), Abdelghani Hamel (ex-DGSN), Abdelhafidh Feghouli (ancien vice-président de Sonatrach), Hamid Melzi (ex-DG de l’Etablissement public Sahel et ex-PDG de la Société d’investissements hôteliers SIH), Mourad Oulmi (homme d’affaires), Mahieddine Tahkout (homme d’affaires), les frères Réda, Abdelkader, Karim et Tarek Kouninef (hommes d’affaires) et Issad Rebrab (homme d’affaires). D’autres procès sont également prévus, ce qui dénote de profondes ramifications du phénomène de la corruption en Algérie. L’État mobilise tous les moyens pour éradiquer la corruption La lutte contre la corruption, intervenue dans la sillage du mouvement populaire du 22 février 2019, était l’une des principales revendications des Algériens. En ce sens, cette revendication a été inscrite parmi les priorités de l’État avec la mobilisation de tous les moyens nécessaires pour éradiquer ce fléau qui a pris des proportions alarmantes ces dernières années et porté atteinte à l’économie nationale. Cette volonté d’en finir avec ce phénomène a été concrétisée par les changements opérés au niveau institutionnel, à l’instar de la nomination, en mai 2019, d’un nouveau président de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC), Tarek Kour en remplacement de Sebaïbi Mohamed. L’ONPLC est une autorité administrative «indépendante«, dont la mission est, entre autres, de «proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption, consacrant les principes de l’État de droit et reflétant l’intégrité, la transparence ainsi que la responsabilité dans la gestion des biens et des deniers publics». Doté de moyens humains et matériels nécessaires à l’accomplissement de ses missions, il est habilité à demander aux administrations, institutions et organismes publics ou privés ou à toute personne physique ou morale de lui communiquer tout document ou information qu’il juge utile pour la détection des faits de corruption. Les changements ont concerné également l’Office central de la répression de la corruption (OCRC), dont le directeur général, Mokhtar Rahmani, a été remplacé le même mois, par Mokhtar Lakhdari. Cet organisme est chargé de constater les infractions dans le cadre de la lutte contre la corruption avec la possibilité d’intervenir dans un territoire de compétences élargi au niveau national. Parmi ses objectifs, figure également le renforcement des outils de lutte contre la corruption et toute forme d’atteinte à l’économie nationale et aux deniers publics. Il est chargé aussi de procéder à des enquêtes sur des faits de corruption et d’en déférer les auteurs devant la juridiction compétence. Le Département de la justice a également connu des changements avec la nomination, en juillet 2019, de Belkacem Zeghmati au poste de ministre de la Justice, garde des Sceaux, en remplacement de Slimane Brahmi, dont il a été mis fin aux fonctions. Le même jour (31 juillet), le chef de l’État sortant,  Abdelkader Bensalah, avait nommé Mohamed Zoughar, secrétaire général du ministère de la Justice, en remplacement de Samir Bourehil, dont il a été mis fin à ses fonctions. Des changements qui s’inscrivent dans le sillage de l’opération de poursuite du processus de lutte contre la corruption à tous les niveaux. Même l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh est cité dans des affaires de corruption puisqu’il se trouve actuellement en détention préventive. Il est poursuivi pour «abus de fonction, entrave à la justice, incitation à la partialité et incitation à faux en écriture officielle». L’Armée nationale populaire s’est également engagée à accompagner la justice dans l’opération de lutte contre la corruption. En ce sens, le défunt général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) s’était engagé à lutter contre ce fléau avec «résolution, rigueur et constance avant et après les présidentielles». «Aucun espoir que la corruption persiste dans notre pays. Point d’horizons aux corrupteurs et notre pays reprendra son chemin de nouveau sur des fondements solides où la loi règnera et la légitimité constitutionnelle prévaudra», avait-il affirmé.

À cet effet, le regretté n’avait pas cessé d’appeler le peuple algérien à faire montre d’une «extrême vigilance» et à demeurer «solidaire» avec son Armée afin d’empêcher les instigateurs des plans pernicieux de s’infiltrer dans ses rangs «quelles que soient les conditions et les circonstances», mettant en avant «le défi majeur que constitue la lutte contre la corruption, qui possède, aujourd’hui,  des ramifications politiques, financières et médiatiques, ainsi que de nombreux lobbies infiltrés au sein des institutions du pays». Les propos du défunt Ahmed Gaïd Salah sonnent désormais comme un testament pour la poursuite de la lutte contre la corruption jusqu’à son éradication totale.

  1. T.M. / Ag.