Une équipe australienne a découvert que l’allaitement laisserait une empreinte durable dans le tissu mammaire: des cellules immunitaires capables de freiner la croissance de tumeurs, même des décennies après la grossesse. Si l’on sait depuis longtemps que l’allaitement est associé à une réduction du risque de cancer du sein le deuxième dans le monde en 2022 les mécanismes à l’origine de cette protection restaient jusqu’ici flous.
Des chercheurs australiens du Peter MacCallum Cancer Centre, dans l’État de Victoria, viennent d’identifier une piste prometteuse: les femmes ayant allaité conserveraient, dans leur tissu mammaire, des cellules immunitaires capables de repérer et de freiner la croissance de cellules cancéreuses. Selon des études antérieures, le risque de cancer du sein diminuerait d’environ 4,3% pour chaque année d’allaitement, avec un effet protecteur plus marqué chez les mères plus âgées. Comme le rapporte le média New Scientist, l’équipe de la professeure et oncologue Sherene Loi a analysé des échantillons de tissu mammaire provenant de 260 femmes âgées de 20 à 70 ans, dont certaines avaient allaité et d’autres non. Aucune d’entre elles n’avaient déjà eu de cancer du sein auparavant.
Il a été constaté que les femmes ayant allaité possédaient une grande quantité de cellules immunitaires spécialisées, dites «lymphocytes T CD8 +», protégeant l’organisme contre tout type d’infection virale ou bactérienne. Les chercheurs ont mis en évidence le fait que ces lymphocytes restaient présents dans l’organisme jusqu’à cinquante ans après l’accouchement et agissaient comme des gardiens de l’immunité, capables de reconnaître et d’attaquer d’éventuelles cellules malignes.
L’équipe a poursuivi l’expérience sur un lot de souris. Seules celles ayant mené à terme un cycle complet de grossesse et d’allaitement présentaient une accumulation de ces cellules T dans leurs glandes mammaires, contrairement aux souris n’ayant jamais été enceintes. Lorsqu’on leur a implanté les cellules d’un cancer du sein particulièrement agressif, dit «triple négatif», la croissance des tumeurs s’est révélée beaucoup plus lente chez les souris allaitantes.
En revanche, dès que les cellules T étaient retirées des glandes mammaires, les tumeurs se développaient rapidement. Pour confirmer leurs observations, les chercheurs se sont appuyés sur les données cliniques de plus d’un millier de femmes atteintes de cancer du sein triple négatif post-grossesse. Ainsi, celles qui avaient allaité présentaient des tumeurs avec une densité plus élevée de cellules T CD8 +, signe d’une réponse immunitaire efficace.
Après ajustement prenant en compte d’autres facteurs de risque comme l’âge, les femmes ayant allaité avaient une espérance de vie significativement plus longue. En effet, ces cellules s’accumuleraient dans le sein pendant l’allaitement pour prévenir les infections susceptibles de provoquer des inflammations de ces cellules, à l’instar de la mastite, une infection courante chez les femmes qui allaitent. Pour le professeur et biologiste Daniel Gray de l’institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall de Victoria, l’étude permet d’ouvrir la voie vers de nouvelles recherches sur le fonctionnement de la mémoire immunitaire des cellules T CD8 +.
Néanmoins, comme le souligne Sherene Loi, certaines femmes ne sont pas forcément en mesure d’allaiter et l’allaitement ne garantit évidemment pas l’absence de cancer.






