L’objet de cette présente contribution opérationnelle loin des théories abstraites est de poser les véritables problèmes afin d’éviter les erreurs du passé en fonction de ma modeste expérience en tant que directeur général des études économiques à la Cour des comptes de 1980/1983 ayant eu à superviser la gestion des entreprise publiques , de président du conseil national des privatisations de 1996/1999/ et de directeur d ‘études au Ministère Industrie/Energie 1974/1979-1985-1990-2000/2008-2013/2015 et des organisations internationales de 2020 à 2024.
Il y a lieu de ne pas confondre cession partielle ou totale des actifs de la démonopolisation et du partenariat public privé. Or, chaque opération répond à des actions spécifiques. La cession totale ou partielle est une cession d’actifs soit par appel d’offres ou via la bourse à des agents privés. Dans le cadre d’un PPP, l’Etat verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures, l’Etat gardant la main, le contrat de gestion étant temporaire avec le secteur privé. Quant à la démonopolisation, cela consiste à encourager le secteur privé nouveau productif et concurrentiel en lui accordant une part importante du financement afin qu’à terme, il devient dominant dans la sphère économique et ne plus assainir les entreprises publiques moribondes
1.- L’économie algérienne a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques de 1963 à ce jour qui n’ont pas permis de dynamiser le secteur productif notamment industriel. Outre le niveau relativement faible de l’investissement direct étranger dans des projets structurants , 1,2 milliards de dollars en 2023 selon la CNUCED dont plus de 70% relevant des hydrocarbures, la faiblesse de la production interne, et notamment des exportations hors hydrocarbures étant passé de 7 milliards de dollars en 2022 à 5 milliards selon la banque d’Algérie et sur ces 5 milliards de dollars près de 67% étant des dérivées d’hydrocarbures. Car , l’économie algérienne est caractérisée par une désindustrialisation, alors que ce secteur est un des facteurs déterminant de la croissance de l’économie nationale. La part de l’industrie dans le PIB et le PIB hors hydrocarbures (source officielle APS) est sur une courbe décroissante entre 1965/2023, 1965/1977 près de 13% du PIB, 11% entre 1985/1999 et 6,6% en 2000/2005 et, selon le ministère de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, le secteur industriel national en Algérie contribue fin 2023 à 4,1% du PIB (source APS – 12 mai 2024) . Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons eu de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, il y a eu leur restructuration. Comme conséquence de la crise de 1986 qui vit le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’État crée 8 fonds de participation, chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat. En 1996, l’État crée 11 holdings en plus des 5 régionaux, avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 méga holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation : on crée 28 Sociétés de gestion des participations de l’État (SGP), en plus des grandes entreprises considérées comme stratégiques ; en 2004, ces SGP sont regroupées en 11 et 4 régionaux. En 2007, une nouvelle organisation est à nouveau proposée par le ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements, articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’État gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’État appelées à être privatisées à terme et, enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires. Cependant, en 2008, cette proposition d’organisation est abandonnée et est émise en 2009 l’idée de groupes industriels. Et entre 2019/2025 on semble revenir aux tutelles ministérielles alors que la fonction d’un ministre ou d ‘un Wali n’est pas d’être gestionnaire mais de régulateur laissant l’initiative aux seuls managers avec un contrat de réussite daté , où la dominance de la démarche administrative et bureaucratique , la dynamique rentière bloquant tout transfert de technologique et managérial devant faire place à la démarche opérationnelle économique . L’enseignement majeur pour les réformes structurelles à mener en Algérie , que l’on peut tirer à partir des expériences internationales, est qu’il n’y a pas de modèle universel. (Abderrahmane Mebtoul 2 volumes 500 pages réformes et privatisation – Office des publications universitaires OPU 1983- reproduit dans Amazon Paris 2018 et le programme de l’Association Nationale de Développement de l’Economie de Marché ADEM en arabe-anglais- français, en 1992, Car les résultats de l’ouverture du capital des entreprises publiques sont mitigés. Et pourtant l’opération bien menée en Algérie de la cessions d’actifs à des opérateurs privés , qu’elles soient totales ou partielles, présentent l’avantage de renforcer la capitalisation boursière d’une place, d’augmenter considérablement le nombre des transactions et d’améliorer la liquidité du marché et, partant de là , la capacité d’attraction de l’épargne étrangère. Cette stratégie est un levier nécessaire comme facteur d’ adaptation aux nouvelles mutations mondiales et notamment de répondre aux exigences des accords signés par l’Algérie concernant les accords de libre-échange avec le monde arabe, avec l’Afrique avec , comme récemment devenu partenaire avec les BRICS qui ont des incidences sur la gestion des entreprises publiques et privées. Un rapport officiel du premier ministère repris par l’APS montre que durant les trente dernières années à début de 2020, l’assainissement des entreprises publiques a couté au trésor plus de 250 milliards de dollars alors que de 80% sont revenues à la case de départ. Or, l’Algérie a d’excellents managers publics et privés devant leur faire confiance pour éviter cet exode massif de cerveaux qui constitue une hémorragie plus grave que la fuite de capitaux, étant urgent de libérer les initiatives créatrices bloquées par le carcan bureaucratique impliquant la dépénalisation de l’acte de gestion qu’il y a lieu de ne pas confondre avec corruption et donc de recourir aux véritables compétences, le savoir et la bonne gouvernance étant le fondement du développement du XXI-me siècle
2- Je recense sept contraintes essentielles de l’ouverture du capital des entreprises publiques en Algérie . Premièrement, sur le plan politique, la faiblesse de vision stratégique amplifiée par une bureaucratie étouffante qui produit d’ailleurs la l’extension sphère informelle favorisant la corruption , qui selon le rapport officiel de la Banque d’Algérie dans sa note de février 2024 sur la conjoncture économique relative aux tendances monétaires et financières des 9 premiers mois de l’année 2023, les sommes d’argent qui circulent en dehors du circuit bancaire ont atteint 8026,19 milliards de dinars, soit au cours de 134 dinars un dollar, cours officiel de la banque d’Algérie, 59,89 milliards de dollars contre 55,17 milliards de dollars enregistrés à fin décembre 2022 et dans dernier rapport de novembre 2024 le montant de la sphère informelle représente environ 8 273 milliards de dinars sur un total de 24 330 milliards de dinars en circulation, soit au même cours pour une comparaison correcte de 134 dinars un dollar 61,73 milliards de dollars sur un total de 181,56 milliards de dollars soit 33,99%. Deuxièmement, le processus complexe de cession des actifs permettant un nouveau management stratégique des entreprises, suppose la transparence qui est une condition fondamentale de l’adhésion tant de la population que des travailleurs à l’esprit des réformes liées où nous avons assisté à la non-préparation de l’entreprise à l’ouverture du capital , certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales, ceci étant d’ailleurs lié à une profonde démocratisation de la société et à un consensus social afin d’aplanir les divergences profondes entre les conservateurs rentiers qui ont peur de perdre leurs privilèges et les réformateurs. Il s’agira de montrer grâce à une communication intelligente que les gagnants de demain grâce aux réformes seront plus nombreux que les perdants d’aujourd’hui. Troisièmement, nous avons assisté à des filialisations non opérantes dont l’objectif était la sauvegarde du pouvoir rentier bureaucratique et par ailleurs, le patrimoine dans le bilan est souvent imprécis (absence de cadastre actualisé, numérisé) pose la problématique des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. Il s’agira de revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété, pouvant entraîner des conflits interminables d’où l’urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Quatrièmement outre des mécanismes pour régler les fluctuations du taux de change qui se répercute sur les comptabilités des entreprises, le dinar algérien étant passé d’environ 4,20 dinars un dollar vers les années 1980 , 71,50 en 2000, et à 134 -137 dinars un dollar de janvier à décembre 2024. Cinquièmement souvent les entreprises publiques ont des comptabilités défectueuses ce qui explique la faiblesse de la bourse d’Alger. Bon nombre d’entreprises publiques croulent sous le poids des dettes et créances douteuses, les banques publiques étant malades de leurs clients, la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, tant pour la partie libellée en dinars qu’en devises. La comptabilité analytique pour déterminer exactement les centres de coûts par sections est pratiquement inexistante ne répondant pas aux normes internationales, ce qui rend difficile les évaluations d’où l’urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté et la dynamisation de la bourse d’Alger qui est actuellement une bourse administrative non reliée aux réseaux internationaux . Sixièmement , les délais sont trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l’entreprise à l’ouverture du capital, les évaluations, les avis d’appel d’offres, le transfert, et la délivrance du titre final de propriété alors qu’en ce monde, les capitaux mobiles vont s’investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs, le temps étant de l’argent. Septièmement , les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l’engagement d’une opération de cession des actifs , de préparer la transaction, d’organiser la sélection de l’acquéreur, d’autoriser la conclusion de l’opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s’assurer de leur bonne exécution.
En conclusion, au-delà de tout nouvelle organisation des entreprises publiques ou de tout code d’investissement, les impacts sont limités sans une cohérence et vision stratégique, évitant le replâtrage et le juridisme car c’est tout l’éco-social du pays qu’il faut adapter aux nouvelles exigences, pour être compétitif Et dans ce cadre que l’on ne doit pas pas oublier la gestion des administrations centrales et locales et des services collectifs ignorant pour la majorité les règles élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires, dont l’État met à leur disposition des montant importants. C’est le cas pour la majorité des lois de finances : ainsi pour la loi de finances prévisionnelle 2025, le déficit devrait s’accentuer,par rapport à 2023 et 2024 passant de (19,8 % du PIB) en 2024 à (21,8 % du PIB) en 2025, soit 61,72 milliards de dollars, au taux de change de 134 dinars pour un dollar. Or, selon le FMI pour assurer l’équilibre budgétaire, l’Algérie a besoin d’ un cours du baril de plus de 140 dollars pour la loi de finances 2023, plus de 150 pour celle de 2024/2025 contre 110 pour celles de 2021/2022 ,le prix fiscal et le prix du marché contenu dans les lois de finances 2023/2024 de 60/70 dollars étant simplement un artifice comptable . Concernant l’ ouverture du capital des entreprises publiques c’ est un processus éminemment politique et chaque pays, en fonction de ses réalités et des contraintes, se doit de mettre en place les politiques économiques les plus adaptées, avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur, pour éviter les effets pervers du tout marché qui n’existe nulle part ailleurs. Ce qui est stratégique aujourd’hui ne peut pas l’être demain, devant être appréhendé, non en statique mais en dynamique en fonction des nouvelles mutations tant internes que mondiales L’égalité n’est pas celle du modèle de 1963-2024 mais recouvre la nécessité d’une transformation entre 2025/2030, de l’Etat providence par la formulation d’un nouveau contrat social qui devra concilier les principes de l’efficacité économique et la cohésion sociale.