L’écrivain journaliste, Mohammed Kali, a récemment publié L’œil et l’oreille, des langues aux langages dans le théâtre algérien», un ouvrage qu’il consacre essentiellement à la problématique de la langue intermédiaire dans la pratique du quatrième art en Algérie.
Nourri d’une bibliographie conséquente, ce bel ouvrage de 180 pages, paru aux éditions Chihab apparaît comme un essai, où l’auteur engage une réflexion profonde déployée en douze chapitres, sur la question du véhicule linguistique à utiliser dans le théâtre algérien, rappelant l’apport des différentes variations linguistiques par lesquelles il s’est jusque-là exprimé. Dressant un état des lieux sur l’évolution de ce théâtre et sa capacité à répercuter la réalité algérienne, en éternelle mutation, Mohammed Kali fixe le cap de ses recherches sur l’évolution du 4e art en Algérie dans ses contenus et ses formes, en liaison perpétuelle avec les faits historiques et sociaux de différentes époques. L’auteur poursuit en interrogeant les variations linguistiques utilisées dans le théâtre algérien (arabe littéraire, dardja, tamazight et français) sur leur efficacité sémantique et esthétique à découper et théâtraliser la réalité algérienne pour la répercuter ensuite sur les planches. A la question relative à l’expression théâtrale qui ne serait tributaire que des langues, l’essayiste relève d’abord, la primauté de l’action sur la langue, et que celle-ci, a été, à des époques différentes, «lieu de domination et de résistance», pour devenir un «élément du spectacle» parmi d’autres moyens esthétiques et techniques, mis en œuvre dans la traduction scénique d’un texte dramatique. Conséquence de toutes ces expériences dans un théâtre déjà établi, Mohammed Kali évoque l’éloignement progressif, à partir des années 1990, du Théâtre algérien de «ses tendances langagières» et son rapprochement des «standards contemporains» qui considèrent la langue dans un «dispositif créatif global». L’auteur aborde l’avènement novateur du théâtre en tamazight et la question de l’espace scénique comme miroir de la parole, pour revenir sur le dardja comme pur produit social, en perpétuelle évolution. Le théâtre de l’absurde, nouveau genre intervenant dans le théâtre algérien en réceptacle du sens et reflet de la réalité, la réécriture comme un acte hautement intellectuel, sont autant d’objets d’étude sur lesquels, la plume de l’auteur s’est penchée avec autant de persévérance. L’essayiste consacre ensuite plusieurs chapitres à la genèse du théâtre algérien, mettant en valeur l’influence socio-culturelle des lieux où il est pratiqué, ainsi que les nombreux courants et écoles qui l’ont traversé, renforçant ainsi, l’expression de l’action et de la parole sur les planches, à l’exemple des théâtres, classique avec William Shakespeare, de la Cruauté avec Antonin Arthaud, de l’Absurde avec Samuel Beckett, Eugène Ionesco et Peter Brook, ou encore, celui Existentiel avec Jean Paul Sartres. En couverture de l’ouvrage, l’auteur a choisi une scène du spectacle GPS, une pièce de théâtre sans texte mise en scène par Mohamed Cherchal qui renvoie au théâtre comme système d’expression global. Journaliste depuis 30 ans, Mohammed Kali est spécialisé dans la critique théâtrale et cinématographique avec, à son actif, plusieurs ouvrages et contributions dans des journaux et revues nationaux et étrangers.
M. Toumi /Ag.