Contribution: Un Front national avec pour objectif, le redressement de l’économie nationale 2022/2025/2030

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L’épidémie du coronavirus et les tensions en Ukraine ont mis en évidence la vulnérabilité de l’économie algérienne assise essentiellement sur la rente des hydrocarbures qui irrigue toute la société, 98% des recettes en devises avec les dérivés dont plus de 33% proviennent du gaz naturel.

Par Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, Docteur d’Etat 1974, Expert international

Aussi, s’impose une forte mobilisation populaire pour  faire face aux nouveaux enjeux géostratégiques, une  nouvelle politique économique conciliant efficacité  et la nécessaire cohésion sociale et la moralisation de la société du fait que la bureaucratie et la corruption accentuent le divorce Etat-citoyens et constituent un frein à l’investissement national ou international créateur de valeur ajoutée (voir A. Mebtoul El Moudjahid du 12/07/2022). Actuellement deux segments garantissent le développement et la  sécurité nationale, Sonatrach sur le plan économique avec dérivées procurant 98% des recettes en devises  et  sur le plan sécuritaire  l’ANP/forces de sécurité, appartenant à la société de s’organiser en fonction d’affinités politiques et économiques, avec des propositions opérationnelles réalistes, pour être des  interlocuteurs crédibles.

1 – Selon le FMI,  l’Algérie a connu une croissance négative de 5% en 2020, en 2021, un taux positif de  4%  et des projections de croissance  pour l’année 2022 qui ont été révisées à la hausse  à 2,4% au lieu de 1,9% estimé précédemment. Le solde des transactions courantes de l’Algérie devrait être positif pour la première fois depuis plusieurs années, pour s’établir à 2,9% du PIB (contre -5,5% anticipé en octobre), avant de baisser à -0,2% du PIB en 2023. Le solde des transactions courantes représentait -2,8% du PIB en 2021, d’après le rapport, alors que le FMI tablait sur un taux de -7,6 % du PIB. La loi de finances 2022 a fixé le  prix de référence du baril de pétrole brut à 45 $ pour la période 2022  et le prix  de marché du baril de pétrole brut  à 50 $. Compte tenu des recettes et dépenses prévisionnelles, la LF 2022 ayant tablé sur des exportations d’hydrocarbures à 27,9 milliards de dollars qui pourraient doubler du fait de la conjoncture actuelle,  le déficit du budget,  selon la LF2022, représenterait par rapport au PIB, -18,1% en 2022, contre – 12,7% en prévision de clôture de 2021. Un montant d’environ 30 milliards de dollars au cours au moment de l’élaboration de la loi de finances.  Mais  le  constat renvoie au couple taux de croissance faible et pression démographique galopante, la population totale ayant a évoluée en 2000 de 30,87 millions d’habitants, à 45 millions d’habitants en 2021 avec une projection de 51,309 millions en 2030 , nécessitant de créer plus de 350 000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel devant avoir un taux de croissance sur plusieurs années entre 8/9% pour atténuer les tensions sociales, le taux de chômage étant estimé en 2021 à environ 14% de la population active qui devrait , selon le FMI, baisser entre 2022/2023 pour se situer  à 11,1% en 2022 et 9,8% en 2023. L’indice officiel de l’ONS  doit être pris avec précaution, la composition du panier n’ayant  pas été actualisé depuis 2011, donc sous estimant le taux d’inflation..  Selon le site international trading/economics 2022 pour l’Algérie,  le taux d’inflation  a été  en octobre 2021 de 9,2%  en novembre 2021 de 9,3% en décembre 2021 de 8,5%, en janvier 2022 de 9,0%, en février 2022 de 9,6%, en mars 2022 de 9,8% et en avril 2022 de plus de 10% alors que la  loi de finances 2022 a prévu un taux d’inflation de 3,7% en 2022  loin de  la réalité. C’est que plus de 85% des entrants des entreprises privées et publiques proviennent de l’extérieur ainsi qu’une grande partie de la consommation des ménages, la non-maîtrise du commerce extérieur par des restrictions sans analyse et  la dévaluation du dinar accélèrent  le processus inflationniste qui se répercute également sur le pouvoir d’achat. Ainsi, la cotation du dinar est passée en 1970, à 4,94 dinars un dollar 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro : -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro, le 12 juillet 2022 147, 1640 dinars un dollar  et 149,9463 dinars un euro et pour la LF 2022 :149,71 dinars un dollar en 2022 et 156 dinars en 2023. Cette instabilité monétaire couplée à l’instabilité juridique décourage tout opérateur qui veut investir dans les créneaux à valeur ajoutée dont la rentabilité est  à moyen et long terme. C’est que la   banque d’Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro  d’augmentant artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportations hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.  Nous sommes dans un cercle vicieux : étant une loi économique, il faudra forcément augmenter le taux d’intérêt des banques, notamment publiques qui accaparent plus de 85% des crédits octroyés si on veut éviter leur faillites et comme par le passé des recapitalisations via la rente des hydrocarbures et sur le plan social  les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui à leur tour en cas de non-productivité accélère l’inflation, la dérive salariales étant suicidaire car une Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle ne produit. Aussi, l’on  devra éviter de faire un bilan sans passion de tous les organismes chargés de l’emploi, ainsi que tous les  avantages accordés récemment aux start-up, sachant que selon les déclarations officielles plus de 70% des micro- entreprises sont  en difficultés  devant éviter le  saupoudrage social. Il en est de même  de l’assainissement des grandes entreprises publiques, qui, selon le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective le 3 janvier 2021 avait annoncé l’équivalent de près de 250 milliards de dollars ayant été alloué par l’Etat au secteur public marchand sur les 25 dernières années, sans compter les différentes réévaluations avec un impact mitigé .. Pour éviter des remous sociaux, l’Etat généralise les subventions. La loi de finances  2022, prévoit un budget de 1 942 milliards de dinars quant aux transferts sociaux, représentant 8,4% du produit intérieur brut (PIB), en baisse de 131,2 milliards de dinars (-6,3%) par rapport aux prévisions de la loi de finances complémentaire pour 2021. «Aussi, comparé à la loi de finances complémentaire pour 2021, le poids des transferts sociaux dans le budget de l’État prévu pour l’année 2022 enregistrerait une baisse, en passant de près de 24% en 2021 à 19,7% en 2022. La structure des transferts sociaux pour 2022 fait ressortir que le soutien de l’État en direction des familles et celui consenti aux secteurs de l’Habitat et de la Santé représentent 62% de l’ensemble des transferts.  Mais cette politique  de subventions généralisées est intenable dans le temps et la réussite d’une politique  des subventions ciblées  suppose la maîtrise de la sphère informelle qui représenterait,  selon la déclaration du président de la République entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars  soit entre 30 et 45% du PIB , écart énorme du fait de la non maîtrise su système d’information. Car , l’Algérie,  selon le FMI, le prix d’équilibre est estimé de 104,6 $ en 2019 et à plus de 110 $ pour les lois de finances 2020/2022. Cependant, l’Algérie possède encore quelques marges de manœuvres encore que  la dette publique totale globale (intérieure et extérieure) est nette augmentation, 10,5% du PIB en 2015, 22,9% en 2016, 37% en 2018 et 48,6% en 2019, 50.7% du PIB en 2020 et  selon les projections, du FMI à 59.2% du PIB en 2021 et 65.4% en 2022, le stock de la dette extérieure étant  relativement faible, selon le rapport International Debt Statistics 2022 étant  passée de 7,253 milliards de dollars en 2010 à 5,463 milliards de dollars en 2016, en 2019 5,492 et fin 2020 à 5,178 milliards de dollars. Quant à l’évolution des réserves de change elles ont évolué de – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars, fin 2019 : 62 milliards de dollars, – fin 2020, et 44 milliards de dollars fin 2021, étant prévu par le FMI sous réserve  du maintien  du cours du pétrole supérieur à 110 $ le baril , un cours du gaz supérieur à 15 $ le MBTU, une recette de Sonatrach d’environ 58 milliards de dollars pour fin 2022. Mais attention il faudra dresser la balance devises dans la mesure où avec l’inflation, outre  le lancement de nouveaux projets qui nécessitent des devises, il faut pondérer la valeur  importations de 2021 entre 30/40% par rapport  qui ont dépassé les 40 milliards de dollars inclus  les  services  qui ont été  de 6 milliards de dollars, selon le FMI en 2021.

2 – Dès lors de  profondes réformes doivent-être menées pour relancer l’économie entre 2022/2025 où  l’Algérie ne peut revenir à elle- même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences, de loyauté et d’innovation sont instaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale. Les réformes à venir doivent tenir devra tenir compte d’une révision de l’actuelle politique socio-économique, au niveau international,  notamment de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’Accord d’Association avec l’Europe, non pas de l’Accord-cadre, notre principal partenaire, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant, d’autres zones de libre échange, notamment avec l’Afrique dont les échanges sont dérisoires moins de 2 milliards de dollars, ne devant pas vendre des utopies, supposant des entreprises compétitives (coût/qualité). Tout projet de société étant porté forcément par des forces politiques, sociales et économiques, les réformes étant fonction des rapports de force au niveau de la société et non au sein de laboratoires de bureaucrates déconnectés de la société. C’est pourquoi, il faut insister sur l’effort d’une information de vérité, accessible à toute la population, pour montrer l’opérationnalité de l’action gouvernementale au profit des générations présentes et futures. Le défi 2022/2030 pour l’Algérie est la refondation de l’Etat passant renvoyant à un nouveau mode de gouvernance dont le fondement est la liberté au sens large pour une société participative et citoyenne, impliquant une réelle décentralisation autour de grands pôles régionaux. Les responsables algériens s’adapteront –ils à ce nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, n’existant pas de modèle statique ? L’action gouvernementale doit définir clairement les objectifs stratégiques : comment se pose le problème ; quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l’Algérie) ; quels sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes ; quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix, quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long terme) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe. Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? Comment faire ? L’on devra distinguer dans la hiérarchisation les projets capitalistiques dont le seuil de rentabilité, si le projet est lancé en 2022, ne sera réalisable horizon 2028/2030, des projets moyennement capitalistiques, avec un seuil de rentabilité au bout de cinq années et des projets faiblement capitalistiques (PMI/PME) au bout de 2/3 années, mais devant tenir compte des nouvelles mutations mondiales. C’est dans ce cadre qu’est intéressante les propositions de Jacques Attali sur les industries d’avenir qu’il nomme les industries de la vie : la santé, l’alimentation, l’écologie, l’hygiène, l’éducation, la recherche, l’innovation, la sécurité, le commerce, l’information, la culture ; et bien d’autres, ces segments étant capables d’augmenter leur productivité, et donc d’améliorer sans cesse leur capacité de satisfaire la demande sociale nouvelle.  Dans le cadre, la structure de l’action en faveur des réformes est globalement formée de cinq segments qui fondent le processus opérationnel de mise en œuvre : l’administration qui constitue la cheville ouvrière par son importance stratégique, – la société civile/syndicats, les citoyens dans leur diversité, les partis politiques et les opérateurs publics et privés. C’est une entreprise d’envergure consistant principalement à réorganiser : premièrement, le champ des partis politiques qui ont de moins en moins d’audience auprès de la société ainsi que la réforme des institutions centrales et locales impliquant la débureaucratisation, la numérisation étant un des solutions, et une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux ; deuxièmement, le système information avec la numérisation qui en ce XXIe siècle n’est plus le quatrième pouvoir, mais le cœur du pouvoir même ; troisièmement, réorganiser le mouvement syndical et associatif dont la promotion de la femme signe de la vitalité de toute société ; quatrièmement, la réforme de la justice par l’application et l’adaptation du Droit tant par rapport aux mutations internes que du droit international ; cinquièmement, adapter le système éducatif, centre d’élaboration et de diffusion de la culture et de l’idéologie de la résistance au changement et à la modernisation du pays où la déperdition du primaire au secondaire et la baisse du niveau devient alarmant ; sixièmement la réforme du foncier agricole et industriel, du secteur de l’Énergie avec le primat à l’efficacité énergétique et un nouveau modèle de consommation, dont un nouveau management stratégique de Sonatrach, lieu de production de la rente pour plus transparence dans sa gestion ; septièmement, la réforme du système financier qui est un préalable essentiel à la relance de l’investissement public, privé national et étranger, les banques publiques et privées étant au cœur d’importants enjeux de pouvoir entre les partisans de l’ouverture et ceux de préservation des intérêts de la rente. En conclusion, l’Algérie est un grand pays reconnu par la communauté internationale comme un acteur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Dans ce cadre, notre pays a besoin de plus de morale afin de favoriser un large front national mobilisant tous les acteurs sans exclusive, la priorité étant le combat contre la corruption et  le terrorisme bureaucratique condition du  redressement national. Pour cela, s’imposent de nouvelles intermédiations politiques, sociales, culturelles et économiques, loin des aléas de la rente. Aussi, un regard critique et juste doit être posé sur sa situation, ni sinistrose, ni autosatisfaction,  sur ce qui a déjà été accompli de 1962 à 2021 et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2022/2025/2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays.