Soudan: Le Premier ministre civil Hamdok démissionne et reconnaît l’impasse politique

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Le Premier ministre civil soudanais, Abdallah Hamdok, a reconnu avoir échoué à parvenir à un «consensus» pour «mettre fin à l’effusion de sang» dans le pays, et annoncé dimanche soir sa démission, laissant les militaires seuls aux commandes alors que la rue continue à réclamer leur départ.

Après une nouvelle journée meurtrière marquée par des manifestations contre le régime en place, Abdallah Hamdok a annoncé sa démission, alors qu’il était revenu au pouvoir il y a moins de deux mois, dans le cadre d’un accord politique conclu avec les militaires, et après un coup de force suivi de troubles ayant fait 56 morts dans le pays. Hamdok, qui ne se présentait plus à son bureau depuis des jours, a expliqué sur la télévision d’Etat avoir tout tenté mais avoir finalement échoué dans un pays dont la «survie» est, selon lui, «menacée» aujourd’hui.

«J’ai tenté de mon mieux d’empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu’aujourd’hui, il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie (…) au vu de la fragmentation des forces politiques et des conflits entre les composantes (civile et militaire) de la transition. (…) Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus (…) cela ne s’est pas produit», a-t-il notamment argué. Cet ancien économiste onusien a en outre ajouté qu’une réunion était nécessaire pour parvenir à un nouvel accord pour la transition politique du pays. «Le mot clé de la solution à cette impasse, qui a duré plus de six décennies dans l’histoire du pays, est de recourir à une table ronde impliquant toutes les parties de la société soudanaise et de l’Etat pour parvenir à une charte nationale et établir une feuille de route pour achever la transformation démocratique civile», a-t-il recommandé. Et de souligner encore que les camps civil et militaire sont trop irréconciliables pour qu’un «consensus» vienne «mettre fin à l’effusion de sang» et donner aux Soudanais le slogan phare de la révolution anti-Bachir de 2019 : «Liberté, paix et justice». On ignore pour l’instant qui succédera à M. Hamdok, étant donné qu’il ne semble pas y avoir de candidats visibles.

2022, «l’année de la poursuite de la résistance» La démission de Hamdok vient compliquer davantage la situation au Soudan, en proie à des troubles et manifestations notamment depuis le coup de force militaire du 25 octobre. Ce jour-là, son principal partenaire, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, l’a fait placer en résidence surveillée puis l’a réinstallé, un mois plus tard, dans ses fonctions tout en ayant préalablement remplacé bon nombre de responsables notamment au sein du Conseil de souveraineté qu’il chapeaute. Toutefois, les partisans d’un pouvoir civil qui manifestent depuis le 25 octobre ne veulent «ni partenariat, ni négociation» avec l’armée. Dimanche, de nouveau, parmi les milliers de Soudanais sortis dans les rues scandant «Les militaires à la caserne» et «Le pouvoir au peuple», au moins deux ont été tués, rapporte un syndicat de médecins. En tout, depuis le 25 octobre, 57 manifestants ont été tués et des centaines blessés. Par ailleurs, les militants appellent à faire de 2022 «l’année de la poursuite de la résistance», réclamant justice pour les dizaines de manifestants tués depuis le coup de force militaire, mais aussi pour les plus de 250 civils morts lors de la «révolution» de 2019. Face à cette situation de blocage et aux troubles au Soudan, les Européens ont exprimé leur indignation, de même que le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et les Nations unies. Tous plaident pour «un retour au dialogue» comme préalable à la reprise de l’aide internationale coupée après les évènements du 25 octobre dans ce pays, l’un des plus pauvres au monde.

Les USA appellent à «un pouvoir civil» après le départ de Hamdok Les Etats-Unis ont exhorté les dirigeants soudanais à assurer un pouvoir civil et à mettre fin à la violence contre les manifestants après la démission d’Abdallah Hamdok de son poste de Premier ministre. «Après la démission du Premier ministre Hamdok, les dirigeants soudanais devraient mettre de côté les divergences, trouver un consensus et garantir le maintien d’un pouvoir civil», a déclaré le Bureau des affaires africaines du département d’Etat américain dans un tweet. Hamdok, un économiste et ancien fonctionnaire des Nations unies, avait été Premier ministre dans le cadre d’un accord de partage du pouvoir entre militaires et civils qui a suivi le renversement de l’ancien président Omar Al-Bachir en 2019. L’armée a dissous son gouvernement en octobre, mais il est revenu un mois plus tard en vertu d’un accord qui l’a chargé de former un gouvernement de technocrates avant les élections de 2023. Hamdok a annoncé dimanche qu’il démissionnait et a appelé au dialogue pour parvenir à un nouvel accord pour la transition. La démission de Hamdok est intervenue quelques heures après une série de rassemblements. Au moins 57 civils ont été tués alors que les forces de sécurité se sont déplacées pour contenir les manifestations depuis le changement opéré au pouvoir le 25 octobre, selon des médecins. D’autres manifestations sont prévues mardi. Le département d’Etat américain a déclaré que «toute nouvelle nomination devrait suivre l’accord de partage du pouvoir conclu en 2019». Le prochain Premier ministre et le prochain cabinet du Soudan devraient être nommés conformément à la déclaration constitutionnelle pour atteindre les objectifs de liberté, de paix et de justice du peuple», a-t-il déclaré.