De Paris, par Albert Farhat
La situation préoccupante des finances publiques libanaises a déjà donné lieu à des tentatives de réformes administratives et sociales, dont une réforme des droits de douanes en 2000, l’introduction de la TVA en 2002 ainsi qu’à une importante conférence internationale de soutien financier, la conférence de Paris en novembre 2002.
À l’issue de cette conférence, le gouvernement libanais a obtenu : des financements internationaux, à des conditions préférentielles et un programme de réformes et de privatisations visant une stabilisation des finances publiques, un soutien de la Banque du Liban sous la forme d’une annulation d’une partie du portefeuille de bons du Trésor qu’elle détenait et de la restructuration du solde et une souscription par les banques commerciales libanaises, en liquide ou de bons du Trésor à deux ans sans intérêts. La dette dite « externe », libellée en devises étrangères, passe de 11 % à près de 56 % de la dette nette totale, cette dollarisation de la dette publique.
En l’absence de données officielles concernant les grandes variables macroéconomiques libanaises, en particulier le PIB, il faut avoir recours aux estimations d’institutions internationales ou d’organismes privés, ou la Banque Audi.
Compte tenu de l’enjeu en termes d’affichage et d’atteinte des objectifs de Paris la différence n’est pas anecdotique. Mais au-delà de cette querelle de chiffres, le fait qui nous intéresse ici est que l’économie libanaise se trouve bel et bien prise dans la dynamique explosive de la dette publique, la Banque du Liban à contribuer au financement monétaire du déficit public.
La Banque du Liban publie les bilans mensuels agrégés des institutions financières libanaises, à l’actif desquels on peut lire le montant des créances sur le secteur public qu’elles détiennent et en déduire à la fois leur contributions respectives au financement du secteur public et la place relative de ce financement dans leur activité.
La Banque du Liban remplace, dans le financement du secteur public, les crédits directs par des bons du Trésor. L’avantage essentiel de cette opération est d’augmenter la liquidité des marchés financiers.
La crise économique est avant tout une crise de gouvernance émanant d’un système dysfonctionnel qui a entravé l’élaboration de politiques rationnelles et permis une culture de corruption et de gaspillage. Le secteur public, a vécu pendant des décennies bien au-dessus de ses moyens. Cela s’est notamment traduit par une dette publique extrêmement élevée et un secteur bancaire hypertrophié.
L’augmentation de la dette a inévitablement entraîné celle du fardeau de son service, créant des besoins de plus en plus importants en matière de financement extérieur et rendant le pays plus vulnérable aux chocs externes et régionaux. Lorsque ces flux financiers ont ralenti, la Banque du Liban (BDL) a eu recours à des procédés de plus en plus coûteux pour attirer de nouvelles entrées de capitaux. En fin de compte, cette politique monétaire s’est avérée insoutenable : depuis octobre, les entrées de capitaux ont pratiquement cessé, tandis que les sorties ont connu une forte accélération.
Dans ce contexte, la continuation des politiques économiques actuelles conduira le pays sur la voie de l’implosion économique et sociale et de la désintégration politique.
Les dépenses publiques sont actuellement inefficaces, souvent inutiles et perméables à la corruption. Le secteur de l’électricité n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette réalité. Un programme global de réforme de la gouvernance et de la réglementation est nécessaire pour enrayer la culture rentière des agents économiques. La réduction des gaspillages et dépenses , conjuguées aux économies résultant de la baisse du service de la dette, devraient permettre une augmentation des dépenses dans les secteurs sociaux et les infrastructures. Une vaste réforme est également nécessaire sur le plan des recettes, en concentrant moins les efforts sur l’augmentation des taux d’imposition, et davantage sur l’amélioration significative de la collecte et la lutte contre la dépendance fiscale vis-à-vis de quelques secteurs spécifiques.
La BDL est un l’un des principaux créanciers du gouvernement et a une position de change nette négative estimée à 30 milliards de dollars, la rendant très vulnérable aux dévaluations. Tant que cette situation ne sera pas réglée, il est difficile d’anticiper un retour de confiance dans la livre libanaise.
Le Liban et son nouveau gouvernement sont face a une situation difficile à gérer, la réputation du Liban comme la Suisse du proche orient est de mise, Beyrouth tablait sur une aide d’urgence des pays amis, mais ces derniers ont conditionné leur aide à des reformes profondes, Hausses d’impôts, baisses des dépenses.
L’association des Banques du Liban à demander au nouveau gouvernement de rembourser ces euro bonds, et par la suite une négociation de reprogrammation ou de rééchelonnement de la dette.