La question de la récupération des fonds transférés illicitement à l’étranger par des hommes d’affaires, des politiciens et des parties influentes incarcérés pour corruption s’est imposée aux cinq candidats en lice pour la présidentielle du 12 décembre qui se sont, tous, engagés lors de leur campagne électorale à ne ménager aucun effort pour leur rapatriement.
Contrairement aux dossiers habituellement évoqués par les candidats lors de leurs campagnes électorales, la question de la récupération des fonds transférés illicitement, ces deux dernières décennies, estimés par les experts à des centaines de milliards de dollars, a été mise en exergue par les cinq candidats lors de leurs sorties médiatiques et leurs meetings. Cependant, la plupart d’entre eux n’ont pas dévoilé les détails techniques de ce dossier complexe. Dans l’une de ses sorties médiatiques, le candidat indépendant à la présidentielle, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé, avec une grande assurance, qu’il comptait «récupérer les fonds volés», déclarant «si je ne parviens pas à récupérer leur totalité, je veillerai à récupérer une bonne partie de ces fonds». Tebboune affirme «connaître les lieux de placement de ces fonds» qui permettront une fois rapatriés de couvrir une grande partie des dépenses programmées dans le cadre de son programme. Il refuse, néanmoins, de dévoiler «leurs lieux de placement» qui doivent rester «secrets» pour ne pas permettre aux parties concernées de prendre leur précautions. De son côté, le président du parti Talaie El Houriyet, Ali Benflis, s’engage, dans son programme électoral, à «lancer des initiatives à l’adresse des institutions financières et pays concernés pour récupérer les fonds transférés illicitement par des Algériens à l’étranger». Dans son programme, Benflis propose de constituer le Trésor public, les douanes, les banques et les collectivités locales, victimes d’une criminalité politique, économique et financière, partie civile pour la récupération des biens et fonds pillés.
Pour sa part, le candidat Azzeddine Mihoubi, président par intérim du Rassemblement national démocratique (RND), a promis la mise en œuvre de procédures rigoureuses afin de restituer les fonds pillés et ce, en poursuivant la traçabilité de leurs transferts à travers des canaux internationaux». Quant au président du Mouvement Bina, Abdelkader Bengrina, il a promis ses électeurs d’organiser des référendums pour trancher dans les affaires sensibles, notamment les modalités de restitution des fonds détournés. Il a fait savoir qu’il proposera aux mis en cause une remise en liberté en contrepartie de la restitution des fonds, cette mesure sera toutefois proposée aux Algériens qui devront y trancher par référendum. «C’est au peuple que reviendra la décision de maintenir les corrompus en prison pour les charges retenues contre eux ou de les libérer après avoir restitué les fonds détournés», a-t-il assuré. «Il est inutile de maintenir les corrompus en prison si nous perdons 200 mds de dollars de l’argent du peuple algérien», a-t-il poursuivi, ajoutant qu’il s’agit d’un montant suffisant pour couvrir le budget d’équipement des trois prochaines années. De son côté, le candidat, Abdelaziz Belaïd, président du Front Moustakbel a estimé inadmissible d’évoquer les fonds détournés avant que la justice ne statue sur le sort des personnes impliquées dans ces affaires», ajoutant que les personnes qui prétendent être capables de restituer ces fonds, «ne font qu’avancer des slogans politiques». Rapatriement de fonds détournés, juridiquement possible mais complex à appliquer Lors des différents séminaires tenus au préalable, plusieurs juristes et économistes ont affirmé que le rapatriement des fonds était possible sur le plan juridique mais complexe à appliquer, nécessitant de longues années de travail et un long souffle, une forte volonté politique, une expérience technique de pointe et une coopération internationale intense. Selon Me Hind Benmiloud, avocate à la Cour suprême et au Conseil d’Etat, l’Algérie dispose de l’outil juridique pour rapatrier les fonds détournés et transférés à l’étranger. La juriste propose également l’association des représentants de la société civile en tant que partie prenante pour réclamer, au nom de l’Etat, le rapatriement de ces fonds, estimant impératif pour les paradis fiscaux de ne plus sacraliser la confidentialité des banques face aux exigences, de plus en plus imposées, de la coopération internationale en matière de suivi du mouvement des fonds. De son côté, l’avocat Mohcine Amara affirme que la loi algérienne N° 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, permet la restitution des biens détournés à travers la coopération internationale dans le domaine de la confiscation. La même loi autorise le juge enquêteur de demander l’accès aux comptes bancaires des responsables impliqués dans la corruption à l’étranger, et ce, conformément aux conventions et lois internationales. Pour l’avocat Tarek Merah, le justice «peut proposer aux accusés de coopérer pour parvenir à un règlement qui leur permette de bénéficier d’une remise de peine pouvant aller jusqu’à la moitié de la durée initiale». «On y a recours dans d’autres affaires comme celles liées à la drogue», a-t-il fait savoir. La justice algérienne dispose actuellement d’une carte, en ayant l’ensemble des accusés en détention provisoire, ce qui facilite le processus de négociations avec eux. Quant à l’enseignent universitaire en droit constitutionnel, Allaoua Layeb, il relève que les fonds détournés vers l’étranger est un délit imprescriptible et que le fait que le mis en cause dans des affaires de pillage de l’argent public détienne autre nationalité, n’influe pas sur les voies et les mécanismes de leur restitution, grâce à la prééminence du droit international dans de tels cas, la nationalité d’origine. L’article 54 de la loi N° 06-01 stipule «Nonobstant les dispositions du code de procédure pénale, l’action publique et les peines relatives aux infractions prévues par la présente loi sont imprescriptibles dans le cas où le produit du crime aurait été transféré en dehors du territoire national». Mais l’enseignant en économie, Abou Bakr Salami considère que la restitution de ces fonds est une opération très complexe, car les fonds détournés ne sont pas détenus sous les noms des individus, plutôt sous de prête-noms. Un avis partagé par l’expert économiste Kamel Rezig qui estime que pour les fonds détournés vers l’étranger, leur restitution est difficile, étant donné que beaucoup de ces mêmes fonds sont à titre de prête-nom et l’accès à leurs propriétaires est tout autant difficile. le Dr Rezig cite, à titre d’exemple, l’affaire Khalifa traitée par l’Etat algérien qui n’a pas pu récupérer plus de 12 milliards USD ayant été pillés à travers leur transfert à titre de prête-nom et ce, en dépit du fait que l’accusé principal est incarcéré. L’expert propose, comme alternative à l’application à la lettre de la loi, de prendre exemple des expériences russe, égyptienne et saoudienne qui ont tenté de restituer des fonds ayant été pillés et détournés vers l’étranger, à travers le recours à un accord tacite avec les individus impliqués dans le vol, le pillage de l’argent public, en vue de récupérer une partie de ces fonds. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, avait déclaré, l’été dernier, que «l’Algérie dispose de l’outil juridique pour rapatrier les fonds détournés et transférés à l’étranger», affirmant que «la lutte contre la corruption ne saurait être accomplie qu’en récupérant ces fonds, à travers la poursuite des avoirs des individus coupables».Pour une politique étrangère basée sur les principes de la lutte de libération nationale Le candidat à la présidentielle du 12 décembre, Ali Benflis, a plaidé, ce samedi depuis Bou Saâda (M’sila), pour une «politique étrangère fondée sur les principes de la Guerre de Libération nationale». Dans un meeting populaire animé à l’hôtel Le Caïd, au 7e jour de la campagne électorale, Benflis a indiqué que «la politique étrangère de l’Algérie trouve ses fondements dans la diplomatie de la Révolution de Novembre, avec ses éléments relatifs à la libération des peuples, l’égalité, la coopération internationale et la non-ingérence dans les affaires internes des Etats». Soulignant qu’il poursuivra, s’il venait à être élu président de la République, la même voie de la diplomatie étrangère fondée par la Révolution, Benflis a indiqué que «l’Algérie traitera avec les Etats en tant qu’Etats souverains avec le principe de réciprocité», fustigeant à ce propos, la politique étrangère de l’ancien régime qui a conduit à «une personnalisation des relations extérieures de l’Algérie avec les autres Etats». Le président du parti Talaie El Houriyet a, par ailleurs, réaffirmé le choix «le plus rapide et le plus viable» pour sortir de la situation actuelle du pays, à savoir la tenue des élections. Pour Benflis, les anciennes pratiques ont poussé les jeunes à émigrer, en quête de travail et de dignité, ajoutant que son programme électoral renfermait un axe dédié à la promotion de cette catégorie et à l’amélioration de sa situation. Revenant sur sa candidature à la présidentielle, Benflis a souligné que l’objectif n’était pas de se mettre au service de sa personne ou de sa famille, mais s’inscrivait dans le cadre d’une démarche tendant à fonder «un Etat démocratique social souverain dans le cadre des principes islamiques et ce, au service de la souveraineté du peuple». Abordant l’actualité locale de la ville de Bou Saâda, le prétendant à la magistrature suprême a salué la population de la région, dénonçant, toutefois, «l’injustice» concernant certaines revendications relatives à la création d’une zone industrielle et d’un complexe sportif et à d’autres revendications. Tout en promettant la création d’«un ministère qui se chargera des territoires, du dossier du nouveau découpage administratif et de l’introduction de la modernisation», Benflis s’est engagé à «examiner la promotion de la daïra de Bou Saâda en une wilaya et à sa valorisation».
Ahsene Saaid /Ag.






