Réouverture de  l’enquête sur le scandale de l’autoroute Est-Ouest: La lutte contre la corruption s’accélère

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Le Conseil de la nation a lancé hier la procédure de levée de l’immunité parlementaire du sénateur Amar Ghoul, ex-ministre des Travaux publics, et ce à la demande du ministère de la Justice. 

Le président par intérim du Sénat Salah Goudjil a présidé en effet une réunion du bureau de la chambre haute du Parlement pour examiner la demande du ministère de la Justice, qui a ensuite été transmise à la Commission des Affaires juridiques, administratives, des droits de l’Homme, de l’organisation locale, de l’aménagement du territoire et du découpage territorial, selon un communiqué du Conseil de la nation. Cette commission va établir un rapport sur la question pour permettre au bureau du Sénat de répondre au ministre de la Justice. La demande de lever l’immunité parlementaire d’Amar Ghoul survient après la décision de la justice de rouvrir l’enquête sur le scandale de l’autoroute Est-Ouest.

La Cour suprême avait ordonné le réexamen de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest

Des peines de prison allant d’un an avec sursis à 20 ans de réclusion ainsi que trois acquittements ont été prononcées en mai 2015 contre 23 personnes morales et physiques impliquées dans cette affaire de corruption, dont le procès s’est déroulé au tribunal criminel d’Alger. Quinze personnes et 7 entreprises étrangères étaient impliquées dans cette affaire dont le procès a été tenu après deux reports et une tentative de la défense de le requalifier, en 2014, en correctionnelle. Une demande rejetée par la Cour suprême qui a confirmé que cette affaire devait être traitée par le tribunal criminel d’Alger. Une amende de 5 millions de DA a été infligée à chacune des 7 entreprises étrangères impliquées dans cette affaire: Citic Crcc (Chine), Cojaal (Japon), Pizarroti et Caraventa (Suisse), Isolux Corsan (Espagne), SMIN (Canada) et COBA du Portugal. Une peine de 20 ans de réclusion a été prononcée par contumace à l`encontre de Kouidri Tayeb (en fuite) à la fin du procès. Une peine de 10 ans assortie d’une amende de 3 millions de DA ont été prononcées contre le principal accusé, Chani Medjdoub (conseiller de Citic Crcc) pour corruption et blanchiment d’argent. Une peine de prison ferme de 10 ans et une amende de 3 millions de DA ont été également prononcées contre Khelladi Mohamed (directeur des nouveaux programmes de l’Agence nationale des autoroutes) pour trafic d’influence, corruption perception de présents injustifiés et dilapidation de deniers publics. Par ailleurs, Hamdane Rachid Salim (ex-directeur de la planification au ministère des travaux publics) a été condamné à 7 ans de réclusion et un million de DA d’amende pour trafic d’influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et blanchiment d’argent. La même peine (7 ans) de réclusion et 3 millions de DA d’amende ont été infligées à Adou Tadj Eddine, homme d’affaires pour trafic d’influence, abus de fonction, blanchiment d’argent et corruption.  L’ancien SG du ministère des travaux publics Bouchama Mohamed a été acquitté, ainsi que Allab El Khier, investisseur, et Ferrachi Belkacem, ex-cadre au ministère des Transports. Adou Sid Ahmed a été condamné à 3 ans de prison dont 1 année ferme pour trafic d’influence, blanchiment d’argent et corruption. Trois ans de réclusion criminelle et 500.000 DA d’amende ont été prononcées contre Ouezane Mohamed, dit Colonel Khaled, fonctionnaire au ministère de la Justice pour trafic d`influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et corruption. Ghazali Ahmed Rafik, ex-directeur des études à l’Agence nationale des autoroutes (ANA) a été de son côté condamné à une année de prison avec sursis pour trafic d’influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et corruption. Les trois sœurs Ghrieb ont été condamnées à une année de prison avec sursis et une amende de 500.000 DA pour complicité dans le blanchiment d’argent. 

De 6 milliards de dollars au départ  le projet est revenu à 13 milliards de dollars, selon le ministre des travaux publics, Abdelkader Kadi

Les frères Bouznacha ont été quant à eux condamnés à un an de prison avec sursis pour violation de la législation relative aux changes. Le tribunal criminel d`Alger a par ailleurs ordonné la saisie de tous les biens mobiliers, immobiliers et comptes bancaires de Chani Medjdoub et Khelladi Mohamed. Plusieurs ministres ont été cités, dans cette affaire, dont l’ancien ministre des transports et des travaux publics, Amar Ghoul. Ce dernier qui était ministre des transports au moment de l’ouverture du procès, a répondu par écrit à des questions que lui avait transmises le président du tribunal. En 2006, le marché de réalisation de l`autoroute Est-ouest a été attribué au groupe chinois Citic-Crcc, avec un coût de 6 milliards de dollars. Mais, de réévaluation en réévaluation, le projet a coûté 13 milliards de dollars, selon le ministre des travaux publics, Abdelkader Kadi. Récemment, le chef d’état-major de l’ANP est revenu sur la corruption qui a gangréné tous les secteurs réaffirmant que « partant du fait que la lutte contre la corruption n’admet aucune limite et qu’aucune exception ne sera faite à quiconque, cette voie sera celle que l’institution militaire veillera à entreprendre avec détermination, posant ainsi les jalons de l’affranchissement de l’Algérie du vice de la corruption et des corrupteurs avant la tenue des prochaines élections présidentielles ».  « Il y a lieu d’affirmer encore une fois la détermination de l’institution militaire à accompagner la justice, avec une ferme conviction et un sens élevé du devoir, ainsi que de la protéger de façon à lui permettre d’exécuter convenablement ses missions et s’acquitter judicieusement de son rôle de moralisateur, en déterrant tous les dossiers et en les traitant en toute équité quelles que soient les circonstances, de façon à faire comparaitre devant la justice tous les corrompus quels que soient leur fonction ou leur rang social », a-t-il souligné. « Permettre à la justice de traiter les lourds dossiers de corruption et mener ses missions à terme, est un devoir national dont l’institution militaire ressent, devant Allah, l’histoire et le peuple, l’impératif d’accomplir, quelles que soient les circonstances », a fait savoir M. Gaïd Salah. Pour lui, il apparait « clair aujourd’hui » au peuple algérien à travers tous ces dossiers présentés devant la justice qu’ »il a été procédé par le passé et de manière délibérée, à la mise en place des conditions propices à la pratique de la corruption ». « Il apparait également à travers cela que ce qu’on appelait à l’époque réforme de la justice n’était malheureusement que des paroles en l’air et des réformes creuses qui, bien au contraire, ont encouragé les corrompus à persister dans leurs méfaits et ont été parrainés pour empiéter les droits du peuple et enfreindre les lois délibérément sans crainte et sans aucune conscience », a déploré le chef d’état-major de l’ANP. Il a, dans ce cadre, estimé que « l’heure des comptes est arrivée et le temps d’assainir notre pays de toute personne malhonnête qui s’est laissée tentée de troubler la vie quotidienne du peuple algérien par de telles pratiques et de tout ce qui a obstrué les horizons face aux Algériens et semé la peur, voire le désespoir en l’avenir ». Par ailleurs, le général de corps d’Armée a souligné que tous les indices confirment que la crise économique que traverse le pays est due, « en premier lieu, à la mauvaise gestion de la part de quelques responsables qui ont bafoué le devoir et le sens de l’engagement et de la responsabilité dont ils sont tenus de porter le fardeau ». La cause fondamentale de la crise économique dont souffre le pays « est un problème de gestion en premier lieu, à savoir que les deniers publics étaient pour certains gestionnaires, de l’argent commun, voire permis, où ils se servaient à volonté quand ils voulaient en toute impunité et sans contrôle ou considération envers le poids de la responsabilité dont ils portent le fardeau ». Pour lui, la responsabilité dans sa définition la plus large, la plus exhaustive et la plus correcte est « d’honorer sa parole et avoir bonne conscience et c’est une qualité qui permet à l’homme d’être à la hauteur de son engagement ». « La responsabilité, dans son sens le plus profond, c’est tenir également son engagement et rester fidèle au serment. Mais ce qui parait étrange, c’est que le gravité des dossiers présentés devant la justice aujourd’hui démontre que les concernés par ces dossiers ont perdu tous les attributs de l’engagement, et les exigences de la responsabilité, du fait de la mise à profit de leurs fonctions, leur influence et leur pouvoir pour transgresser les lois et enfreindre leurs limites et leurs règles », a relevé M. Gaïd Salah.Il a relevé que « cette gestion illégale a permis de créer des projets stériles et sans intérêts réels pour l’économie nationale. Ils ont été octroyés de manière sélective, et à des montants astronomiques sous forme de crédits, ce qui a perturbé la cadence du développement en Algérie. Ces pratiques viciées et immorales sont en parfaite contradiction avec la teneur des discours hypocrites de ceux qui les tenaient ».

T. Benslimane