Sahara Occidental: La question Sahraouie en débat au Conseil de sécurité

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En dépit des divergences  profondes sur une solution acceptable du Sahara occidental , le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres pousse toujours  au référendum d’autodétermination Guterres a appelé les parties au conflit à des gestes prouvant leur volonté de progresser vers une solution. L’ONU ne s’attend toutefois pas à un résultat rapide.

Alors qu’une troisième table ronde sur le Sahara occidental est attendue avant l’été à Genève, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appellé toutes les parties impliquées dans le conflit à « des gestes » pour progresser vers une solution qui « est possible ».

« Une volonté politique forte« 

Dans un rapport transmis le 1er avril au Conseil de sécurité, il ne précise pas quelle pourrait être cette solution, mais elle doit, selon ses observations, permettre d’aboutir à une « auto-détermination de la population du Sahara occidental ». Pour cela, il faut une « volonté politique forte » des parties et de l’ensemble de la communauté internationale, indique Antonio Guterres dans ses commandations.

Regrettant un « manque de confiance » général dans « la volonté de l’autre de s’engager sérieusement et équitablement dans le processus », le Secrétaire général reconnaît que « bâtir de la confiance prend du temps », mais tous peuvent y contribuer. « J’exhorte les parties à montrer activement des gestes de bonne foi démontrant leur volonté de faire des progrès », dit-il, en se félicitant à cet égard de la décision du Front Polisario de se débarrasser de son dernier stock de mines. »Le coût du conflit au Sahara occidental, en termes de souffrance humaine, de manque de perspectives pour les jeunes et de risques sécuritaires est trop élevé pour être accepté », estime-t-il.

Guterres propose un budget pour la Minurso jusqu’en 2020

Le Secrétaire général indique avoir proposé à l’Assemblée générale de l’ONU un budget pour la Minurso de 56,4 millions de dollars pour la période allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, alors que le budget des opérations de paix de l’ONU est adopté chaque année en juin. La Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental compte 235 employés. Elle garantit un cessez-le-feu dans cette région depuis 1991.

Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination pour le Sahara occidental, une étendue désertique de 266 000 km² dans une région riche en phosphates et bordée d’eaux poissonneuses. Le Maroc, qui a annexé en 1975 cette ancienne colonie espagnole, refuse toute solution autre qu’une autonomie sous sa souveraineté.

Devant  une situation complexe ,le Conseil de sécurité vient de  proroger pour six mois le mandat de la Mission de l’ONU au Sahara occidental avec les abstentions russe et sud-africaine

Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de proroger de six mois le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO.La résolution 2468 (2019), adoptée par 13 voix pour, prévoit notamment que le mandat de la MINURSO prendra fin le 31 octobre 2019.  Le texte souligne qu’il convient de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis, et qu’il importe d’adapter l’action stratégique de la MINURSO et d’affecter les ressources des Nations Unies à cette fin.

En outre, par ce texte, le Conseil demande aux parties de reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts consentis depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le contexte d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.

Porte-plume de la résolution, les États-Unis se sont dit déçus que certains membres du Conseil continuent de faire le choix de l’abstention « malgré nos efforts sincères pour renforcer l’unité du Conseil dans le processus politique en cours ».  L’objectif du Conseil de sécurité, ont-ils argué, devrait être de soutenir une solution politique opportune et mutuellement acceptable. Ils ont aussi rappelé que les opérations de maintien de la paix de l’ONU doivent soutenir les solutions politiques et c’est à cette aune qu’il faut « continuer d’évaluer les résultats de la MINURSO ».

La France a douté de cette façon de voir les choses: l’existence et le mandat de la Mission ne doivent pas être conditionnés aux progrès dans les discussions politiques, à la bonne tenue desquelles la MINURSO contribue en créant les conditions propices sur le terrain.  Face à une « question délicate », l’Indonésie a estimé que la résolution proposée par les États-Unis est équilibrée. La République dominicaine n’a pas dit autre chose, tout en jugeant qu’un renouvellement de 12 mois aurait permis une bonne planification des ressources de la MINURSO.  « Les mandats de 12 mois doivent rester la norme et ceux de six mois l’exception », a renchéri la France pour laquelle une période d’un an permet la continuité et une plus grande prévisibilité dans la gestion de la Mission, tout en réduisant les incertitudes quant à son futur. La France a voulu qu’en octobre prochain, le renouvellement d’un an soit acquis.  Un avis partagé par la Guinée équatoriale et la Côte d’Ivoire, cette dernière pensant qu’un an est nécessaire pour « poser les bases d’une projection et d’une organisation sur la durée de la Mission ».

L’activité politique récente concernant le Sahara occidental est la réunion tenue en décembre dernier à Genève, sous les auspices de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, M. Horst Köhler.  Le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie se sont ainsi vus pour les premières discussions directes depuis 2012. Aujourd’hui au Conseil, tous les orateurs se sont félicités de ce développement, la France souhaitant que les quatre délégations poursuivent leurs discussions dans un état d’esprit constructif et de compromis en vue de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatiques, juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.  La France a du reste estimé que « le plan d’autonomie marocain de 2007 est une base sérieuse et crédible de discussions ». Le Koweït a rappelé son soutien à la souveraineté et l’intégrité territoriale du Maroc.

L’Allemagne, qui a salué le travail de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, a invité le Maroc et le Front Polisario à adopter des mesures de confiance.  Par exemple, a-t-elle suggéré, « accueillir sur le terrain les observateurs des droits de l’homme pourrait être une bonne mesure à prendre ». Avec l’Allemagne, le Royaume-Uni a regretté que le Conseil n’ait pu « parler d’une même voix ».  La Chine a souhaité qu’à l’avenir, le Conseil tienne des consultations plus approfondies avant le renouvellement du mandat de la MINURSO.

L’Afrique du Sud et la Fédération de Russie ont en effet longuement critiqué le processus de négociations.  La première a avoué avoir pensé sérieusement voter contre. Les projets de résolution sur la MINURSO, a reproché l’Afrique du Sud, continuent d’être traités dans l’opacité et en excluant les autres.  Les membres du Conseil, a-t-elle tranché, n’ont pas eu assez de temps pour discuter de la résolution. L’Afrique du Sud a dénoncé des méthodes de travail dont est chargé un « Groupe des Amis », non représentatif puisqu’aucun pays africain n’y siège.

Elle en a profité pour souligner que la MINURSO a été créée pour organiser le référendum d’autodétermination au Sahara occidental, et c’est sa seule raison d’être.  L’Afrique du Sud a relevé quelques paragraphes auxquels elle n’adhère pas, dénonçant par exemple le fait que le libellé semble favorable à l’une des deux parties en conflit.  Elle a aussi parlé du manque de clarté des termes

« réaliste, réalisme ou encore compromis ».  Nous devons nous garder de diluer le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui dans un langage « vague et ambigu », a demandé l’Afrique du Sud qui a refusé l’idée qu’une résolution essaye d’influencer la direction politique du processus et encore moins de préjuger du statut final.

Poursuivant sur ses réserves, l’Afrique du Sud a aussi accusé le Conseil de refuser d’intégrer un « volet droits de l’homme » dans le mandat de la MINURSO, en dépit du fait que plusieurs de ses États membres aient insisté sur cet aspect dans le mandat des autres missions.  On a le sentiment, s’est étonnée l’Afrique du Sud, que les droits du peuple du Sahara occidental ne sont pas comparables à ceux des autres peuples. En outre, a-t-elle relevé, le texte ne fait pas de distinction entre les parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, d’une part, et les pays voisins que sont l’Algérie et la Mauritanie, d’autre part.  L’Afrique du Sud a rappelé que le Sahara occidental est la dernière colonie en terre africaine et a invité le Conseil de sécurité à prendre ses responsabilités, par une approche équilibrée et neutre pour aider les parties à avancer vers un accord négocié et mutuellement acceptable.

En la matière, l’Union africaine a un potentiel considérable, a argué la Fédération de Russie qui s’est inscrite en faux contre un texte qui essaye de « modifier certains paramètres déjà établis ».  Elle a, à son tour, appelé le Conseil à la neutralité, une neutralité qu’il semble avoir oubliée dans les derniers renouvellements des mandats de la MINURSO. Nous sommes contre certains libellés et pour ce renouvellement comme pour les précédents, notre avis n’a pas été pris en compte, alors que nous voulions tout simplement le retour des libellés agréés par le Conseil, s’est expliquée la Fédération de Russie.  Cette situation, a-t-elle tranché, met en lumière le rôle du porte-plume qui a introduit des concepts qui créent l’ambiguïté et sapent le travail même du Conseil. Les influences extérieures sur le processus politique au Sahara occidental pourraient faciliter le jeu des extrémistes, ce qui aurait un impact négatif sur toute la région, a prévenu la Fédération de Russie.

                                                                                                       Ahsene Saaid/Ag