La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) a estimé mardi à Paris que la croissance de l’Algérie reste « modérée » en 2019, tout en maintenant pour la troisième année consécutive la note « C » dans son guide annuel des risques pays. Classée depuis 2009 à la catégorie A4, l’Algérie a reculé d’un cran en 2016 pour être classé, à partir de janvier 2017, dans la catégorie « C ».
Cette catégorie classe les pays où les perspectives économiques et financières sont très incertaines, l’environnement des affaires comporte d’importantes lacunes et la probabilité moyenne de défaut des entreprises est élevée. En Afrique du Nord, l’Algérie est classée avec la Tunisie, qui a perdu une catégorie, à la troisième place derrière le Maroc (A4) et l’Egypte (B). Derrière elles, viennent la Mauritanie (D) et la Libye (E) en raison de la crise. Sur les 48 pays africains évalués, elle partage la 15ème place avec l’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Djibouti, l’Ethiopie, le Gabon, la Guinée, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, le Congo (RD), le Sao-Tomé-Et-Principe, la Tanzanie, le Togo et la Tunisie. Dans son « Guide Risques Pays & Sectoriels 2019 », présenté lors de son 23ème forum, la Coface a estimé que la croissance de l’économie algérienne restera « modérée » en 2019, relevant que l’augmentation du cours du pétrole a permis à l’économie algérienne de reprendre de l’allant en 2018. « Les recettes d’exportations d’hydrocarbures, qui représentent 93 % des volumes exportés, se sont accrues allégeant la pression sur les recettes budgétaires, permettant, ainsi, à l’Etat de poursuivre sa politique de soutien à l’activité », a expliqué cet organisme d’assurance du commerce extérieur, notant qu’à contrario, les volumes exportés ont baissé au cours de l’année, à cause du recul de la production. Cette dernière, a-t-on souligné, reste « pénalisée » par le « manque d’investissement et l’arrivée à maturité des champs », ajoutant qu’afin de répondre à ces enjeux, le gouvernement devrait mettre en place une nouvelle loi pétrolière qui serait effective en 2019 qui aura pour objectif d’attirer les investissements étrangers. La Coface évoque également la diversification des sources et modes de production avec le développement de l’offshore et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, estimant que ça « devrait permettre au secteur de retrouver un nouveau souffle ». Cependant, a-t-elle relevé, qu’en dépit d’un marché pétrolier qui devrait rester « favorable » aux exportateurs d’hydrocarbures, l’activité algérienne « devrait légèrement ralentir en 2019 ». « L’Etat devrait bénéficier de marges de manœuvre budgétaire supplémentaires, mais (…) ces dernières seraient axées sur des mesures sociales. Les transferts sociaux devraient en effet augmenter, ce qui soutiendrait la consommation des ménages, mais les dépenses d’investissements publics devraient marquer le pas », a-t-elle fait remarquer, considérant que le ralentissement de l’économie hors hydrocarbures, notamment des secteurs fortement dépendants de la dépense publique et un climat des affaires « peu favorable », « devraient continuer à pénaliser l’investissement privé ». Concernant la politique budgétaire du gouvernement, le rapport a considéré que l’amélioration de la conjoncture pétrolière « a favorisé une légère diminution du déficit public en 2018, qui devrait se poursuivre en 2019 ». Pour cet organisme, les dépenses de fonctionnement et les transferts sociaux (notamment en soutien des familles), « devraient augmenter au détriment des dépenses d’équipement », ajoutant que la dette publique devrait augmenter en conséquence, « mais elle restera majoritairement domestique ». « Le recours à l’endettement extérieur reste pour le moment exclu par les pouvoirs publics », a-t-on affirmé, relevant que le déficit courant s’est « nettement contracté » en 2018. Par ailleurs, la Coface estimé que les réserves de change « continuent de s’éroder, mais à un rythme moins rapide, prévoyant une augmentation des IDE, « notamment grâce la nouvelle loi d’investissement dans le secteur pétrolier ». Parmi les points forts de l’économie algérienne, la Coface cite les importantes réserves de pétrole et de gaz, le potentiel dans les domaines des énergies renouvelables et du tourisme et la situation financière extérieure solide (très faible endettement extérieur, importantes réserves de change). Parmi les points faibles, elle évoque entre autres la forte dépendance aux hydrocarbures, le taux de chômage des jeunes « élevé », le poids « excessif » du secteur public, les lourdeurs bureaucratiques, les faiblesses du secteur financier et un environnement des affaires « problématique ».
… Le prix du baril de Brent atteindra 75 dollars en moyenne
La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) prévoit également dans son évaluation de l’économie mondiale que le prix du baril du Brent atteindra 75 dollars en moyenne en 2019, soit un niveau « similaire » à celui de 2018. Dans son « Guide Risques Pays & Sectoriels 2019 », présenté mardi à Paris lors de son 23ème forum, la Coface reconnaît cependant que l’exercice de prévision est « d’autant plus difficile » au moment où la volatilité des cours a nettement augmenté depuis le début du 4ème trimestre 2018. Pour elle, le niveau d’un prix à 75 dollars est « suffisant » pour éviter à de nombreux pays exportateurs de pétrole de « devoir couper dans leurs dépenses publiques afin de compenser de moindres recettes liées aux matières premières », relevant que l’accord de l’Opep sur la réduction de la production pour contenir les prix a été respecté par la Russie et l’Arabie saoudite. « Les prix mensuels du Brent à fin octobre 2018 avaient augmenté de 28 % par rapport à fin décembre 2017, avant de chuter en fin d’année. Avant que les perspectives de demande mondiale se détériorent, les préoccupations géopolitiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, conjuguées à la hausse de la consommation, avaient provoqué une flambée des prix », a expliqué la compagnie d’assurance. Elle constate également que la production du brut et d’autres liquides au troisième trimestre a augmenté de 24 % en glissement annuel, notant que la hausse des prix a incité les producteurs américains à produire plus pour capter des liquidités. Par ailleurs, la Coface a estimé que l’environnement mondial de l’économie, dans lequel l’industrie « marque le pas », a des effets « contrastés » sur les économies émergentes. « Le ralentissement de la croissance en zone euro (+1,6 % prévu en 2019) et aux Etats-Unis (+2,3 %) exposent les marchés émergents à des effets de contagion, en premier lieu à travers les flux commerciaux », a-t-elle expliqué, avertissant que, dans ce contexte, la croissance du commerce mondial devrait continuer de ralentir cette année (+2.3% seulement attendu cette année). La croissance des économies émergentes était, en décembre, au plus bas depuis avril 2016, d’après l’indicateur avancé de l’Institut de Finance Internationale, rappelle-t-on. Elle a relevé aussi que la modération de la croissance aux Etats-Unis a un « effet positif ». « En réduisant les anticipations de hausses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine, elle limite les risques de sorties de capitaux des marchés émergents », a-t-elle expliqué, faisant observer que le ralentissement de l’économie chinoise est une source de risque « supplémentaire ». « Si, jusqu’ici, ce ralentissement traduisait les difficultés des entreprises de secteurs d’activité liés aux infrastructures et contraints par un endettement élevé (construction, métaux notamment), la consommation privée a commencé à montrer des signes d’essoufflement, dans un contexte d’endettement des ménages en progression rapide et de maturation de certains marchés », a-t-elle précisé. Sur un autre plan, elle attire l’attention sur de « nombreux risques politiques » qu’on devra surveiller cette année dans le monde émergent, « en particulier en Afrique, où les populations ont désormais davantage de moyens d’exprimer leurs frustrations (triplement du taux d’accès à internet depuis 2010) dans un contexte de calendrier électoral chargé (Nigeria, Afrique du Sud et Algérie notamment) ».
Moussa O / Ag