62 ème anniversaire de la grève des huit jours: Quelle lecture peut-on faire ?

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Le déclenchement de la grève  de huit  jours du 28 janvier 1956 au 4 févier 1957, devait coïncider avec l’introduction du dossier algérien dans le débat à l’Assemblée générale des Nations unies.

 L’objectif de la grève était de porter la question algérienne à l’ONU et également d’affirmer que le FLN était le seul représentant légitime du peuple algérien. Lorsque la  direction du FLN installée à Alger à partir de septembre 1956 a demandé à ses cadres ceux qu’ils pensent de  la durée de la grève, la réponse était que 8 jours, c’était beaucoup, qu’il fallait opter plutôt pour 24 ou 48 heures. Mais les ordres étaient déjà donnés l’avis des dirigeants  par cette grève, est de  transformer toutes les villes algériennes en villes mortes. L’objectif était  de créer un grand événement qui mobiliserait tout le peuple algérien autour du FLN, confirmer le caractère populaire de la Révolution de Novembre et internationaliser la question algérienne, coïncidant avec l’ouverture de la session de l’ONU prévue le 6 décembre 1956, puis reportée au 20 décembre pour être fixée finalement au 28 janvier 1957, le CEE composé de Mohamed Larbi BenM’hidi, Abane Ramdane, Krim Belkacem, Benyoucef Benkhedda, Saad Dahleb  avait pris la décision d’organiser une grève de 8 jours à  travers l’Algérie. En effet, le communiqué du CCE, le 28 janvier 1957, les Algériens étaient appelés à observer «une grève générale de huit jours sur l’ensemble du territoire national algérien «   à l’occasion du débat à l’ONU sur la question algérienne.  Il s’agissait, entre autres, d’appuyer l’initiative du groupe afro-asisatique qui sollicitait le débat sur la question — apparaît bien comme  stimulant  immédiat de l’appel à la grève, celui-ci procède d’abord de l’aggravation de l’état de guerre dont le vote, en mars 1956 des pouvoirs spéciaux, constitue l’un des tournants décisifs. C’est, en effet, au titre de ces pouvoirs spéciaux que Robert Lacoste, ministre résident à Alger, fait attribuer à la XXe division de parachutistes du général Massu l’ensemble des pouvoirs de police sur le territoire de la capitale. Cette même unité de l’armée française revenait de l’expédition, qui avait tourné court, contre le régime du Colonel Nasser coupable aux yeux de la coalition triangulaire Grande-Bretagne, France, Israël d’avoir nationalisé le canal de Suez et pour les autorités françaises d’être le soutien du FLN. Dans une correspondance datée du 24 juillet 1956, Abane Ramdane relève qu’«en réalité, il s’agit pour Lacoste et son gouvernement d’obtenir une victoire militaire pour imposer leur loi avant la session de novembre de l’ONU», qui appelle aussi à la vigilance quant aux contacts avec les autorités françaises «car le gouvernement est encore loin du dialogue ». Au contraire, il accentue la répression alors qu’il fait croire à une amorce de détente.

L’inscription de la question algérienne à l’ONU

L’intérêt de l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de la XIe session des Nations unies procède de la nécessité pour la direction du Front d’assurer une internationalisation qui batte définitivement en brèche les thèses du gouvernement français sur une dimension interne du conflit et du refus d’une ingérence extérieure. Le 25 novembre 1955, l’assemblée générale de l’ONU décide de «ne pas poursuivre l’examen du point de son ordre du jour» consacré à la question algérienne. Cette décision intervient aussi au lendemain de la spectaculaire sortie du ministre français des Affaires étrangères, Antoine Pinay, quittant les travaux de la session et martelant la menace de la France de quitter l’ONU. Alors que le FLN dispose, de son côté, à compter d’avril 1956, d’un bureau à New York, dirigé par Hocine Aït Ahmed et où devraient s’illustrer M’hamed Yazid, Abdelkader Chanderli, Toufik Bouattoura. C’est dans ce contexte que le CCE, réuni en novembre 1956, en son siège du 133, Bd Télemly, évalue la situation dans le pays et conclut à la nécessité d’une action d’envergure. «Il nous fallait engager une action qui, par sa portée, aurait un retentissement considérable sur l’opinion à la fois en Algérie, en France et dans le monde», note Benyoucef Benkhedda

Une action d’envergure

Cette action devrait ainsi, entre autres objectifs, crédibiliser aux yeux de l’opinion internationale le fait que le FLN conduisait bien une guerre de libération et à valider sa légitimité et son statut d’interlocuteur exclusif en cas de négociations. «En revanche, la discussion sur sa durée fut plus vive. Ben M’hidi était pour une grève d’un mois», Saad Dahlab plaida pour une durée de trois jours et le compromis retenu par le CCE fixait le mouvement à huit jours. «Je ne sais plus qui a proposé huit jours. La discussion s’est éternisée là-dessus et nous avons fini par admettre la durée de huit jours parce que Ben M’hidi défendait avec fougue l’idée de faire la grève pendant un mois ; jamais je ne le vis me regarder avec autant de mépris ou peut-être de pitié — il m’avait toujours traité avec sympathie et chaleur — que lorsque je m’aventurais à proposer plutôt un ou deux jours. Personne d’ailleurs ne me répondit et je battis en retraite sans discussion», témoigne Saad Dahlab. Il s’agissait d’une démonstration de force, non violente, se voulant un défi à la France coloniale avec des objectifs politiques et diplomatiques. L’appel à la grève, suivi par le peuple algérien tout entier, a prouvé à l’opinion internationale l’adhésion du peuple à la démarche du Front de libération nationale et sa détermination à poursuivre sa Révolution jusqu’au recouvrement de son indépendance. L’objectif de la grève était essentiellement politique et diplomatique tendant à faire entendre la voix du peuple algérien à l’opinion internationale à la veille de la tenue de l’Assemblée générale des Nations unies et l’examen de la question algérienne. Il fallait montrer à l’opinion internationale la lutte d’un peuple épris de liberté. C’est ainsi que l’option d’une grève de huit jours décidée par le CCE (Comité de Coordination et d’Exécution), haute instance de la Révolution issue du congrès de la Soummam, devait être le point de cristallisation. Le déclenchement devait coïncider avec l’introduction du dossier algérien dans le débat à l’Assemblée générale des Nations unies. C’est ainsi que la date de la grève a été reportée à deux reprises, car la tenue de la 11e session de l’AG de l’instance onusienne a été décalée deux fois de suite.  Aujourd’hui, Quelle lecture peut-on faire de la grève des huit jours, qui avait commencé le 28 janvier 1957 et s’était terminée le 4 février ?, le mouvement a atteint son objectif, celui d’exprimer la volonté de l’indépendance. La décision du FLN de jeter la Révolution dans la rue, comme le voulait Larbi Ben M’hidi, ne s’était pas avérée vaine, et avait permis au monde entier de voir que ce peuple luttait pour sa liberté. La grève avait également détruit l’argument de la France coloniale qui refusait de négocier avec le FLN, sous prétexte qu’il s’agissait de groupuscules de brigands qui n’exprimaient pas la volonté du peuple algérien. Et même si la France avait encore de l’influence à l’ONU, la Révolution de Novembre a réussi à avoir une dimension internationale. Il faut dire aussi que la grève des 8 jours a été suivie sur tout le territoire algérien, et même en France. Le mérite de la réussite de la grève revient au peuple et surtout aux organisateurs de cette action qui avait surpris la France coloniale par son organisation. La grève, il y avait alors 23.000 détenus et 4.000 disparus. Mais la grève des 8 jours avait des aspects très positifs. Le FLN s’est imposé comme le seul représentant du peuple.» En effet, la grève a montré la représentativité du FLN, le triomphe de l’idée d’indépendance. Sur le plan diplomatique, un grand succès du FLN. Car, après discussion, l’ONU décide, le 15 février 1957, d’une résolution de compromis votée à l’unanimité (sauf la France) : pour une solution pacifique, démocratique et juste conformément à la charte de l’ONU. C’est dire que la grève des 8 jours avait atteint pleinement ses objectifs.

Ahsene  Saaid