La mise en place effective de l’Académie algérienne de la langue amazighe, avec la nomination de son président et de ses membres, représente un nouvel acquis dans la démarche de la promotion et du développement de la langue Amazighe dans ses différentes variétés.
Cette Académie a vu le jour à la faveur d’un long processus de l’officialisation de cette langue, élevée au rang de langue nationale et officielle par la Constitution de 2016. Depuis la création du Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA), le 27 mai 1995, l’enseignement de la langue amazighe a connu des avancées indéniables, ce qui a abouti à la création de l’Académie qui s’inscrit dans le prolongement de la promotion et du développement de cette langue. La création de cette Académie demeure aussi un acquis pour Tamazight, dont l’enseignement au niveau national est assuré actuellement dans plusieurs wilayas, ce qui permet de veiller à la sauvegarde de Tamazight en tant que langue, culture et patrimoine à travers des procédés scientifiques à même de garantir son essor et impulser son utilisation dans les domaines de la création scientifique, littéraire et médiatique et à assurer sa généralisation à tous les Algériens. Signe de la volonté affirmée et réelle de cette promotion, l’enseignement du Tamazight est passé de 11 wilayas en 2014 à 38 durant l’année scolaire 2017-2018. Ainsi, la généralisation graduelle du Tamazight dans le système éducatif, en lui conférant un caractère obligatoire, demeure tributaire de la normalisation de cette langue, longtemps confinée dans l’oralité. Un autre acquis en 2018 a été consacré, à savoir l’intégration de Yennayer, jour du nouvel an amazigh, dans le calendrier des fêtes nationales. Il est, aujourd’hui, admis que les avancées politiques et constitutionnelles sont indéniablement des acquis majeurs, faisant que Tamazight est perçu comme un élément fondamental dans la cohésion nationale. Pour Lamri Bengasmia, membre de l’Académie et enseignant de Tamazight à l’Ecole nationale supérieure de Bouzaréah, les membres de cette Académie auront à travailler sur le terrain sur les différentes variétés de la langue Amazighe, ajoutant que des concertations et débats auront lieu entre ces membres à ce sujet. Il a ajouté que les membres auraient à trancher sur un certain nombre d’éléments notamment la transcription de cette langue, avec la graphie la « plus appropriée » à même d’en assurer la promotion. De son côté, le professeur Abderrezak Dourari, directeur du Centre national pédagogique et linguistique de l’enseignement de Tamazight (CNPLET) estime que: « nous sommes aujourd’hui devant la concrétisation d’une vieille quête ». Selon ce spécialiste, c’est un « acquis sérieux », affirmant toutefois qu’il faut passer de la quête « identitaire à caractère politique » à la « gestion scientifique de la question du multilinguisme et de l’identité plurielle unifiée ». Il a soutenu que tous les Algériens se reconnaissent dans leur algérianité, qui devrait « refonder notre récit national », relevant que l’Académie est là pour sauvegarder une langue, c’est à présent aux membres de celle-ci de tracer leur feuille de route pour mener à bien leur mission. Pour M. Dourari, l’une des missions les plus importantes de cette Académie est la collecte du corpus de cette langue dans ses différentes variétés à travers le territoire national, la réalisation des descriptions nécessaires pour faire des grammaires et des lexiques selon « les réalités vécues et non en fonction d’une vision désincarnée et artificielle ». L’ancien doyen de la faculté de lettres et langues de l’université de Bouira, Mohamed Djellaoui, a été nommé président de cette Académie, en vertu d’un décret présidentiel publié dans le Journal officiel. Les membres de l’Académie, au nombre de 40 dont le président, ont été également nommés en vertu d’un autre décret présidentiel. La loi organique relative à la création de l’Académie algérienne de la langue amazighe, adoptée en juin 2018 par les deux Chambres du Parlement, définit les missions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de cette instance, placée auprès du président de la République et dont la création est prévue par l’article 4 de la Constitution, amendée en 2016. L’Académie a pour mission de recueillir le corpus national de la langue amazighe dans toutes ses variétés linguistiques, d’établir une normalisation de la langue amazighe à tous les niveaux de description et d’analyse linguistiques, d’établir des listes néologiques et des lexiques spécialisés en privilégiant la convergence. Elle a aussi pour mission d’entreprendre des travaux de recherche, participer au programme national de recherche dans son domaine de compétence, garantir la précision d’interprétation et de la traduction de notions et concepts dans les domaines spécialisés, d’élaborer et d’éditer un dictionnaire référentiel de la langue amazighe, de contribuer à la conservation du patrimoine immatériel amazigh, notamment par sa numérisation et encourager toute recherche et traduction en langue amazighe.
Benadel M