Le Qatar va porter ce mercredi devant la Cour internationale de Justice (CIJ) son différend avec les Émirats arabes unis, qu’il accuse de « violations des droits de l’homme » après le « blocus » imposé à Doha l’an dernier.
Les juges de la CIJ, plus haute instance judiciaire des Nations unies qui a son siège à La Haye, doivent entendre l’affaire pendant trois jours. Le premier jour sera consacré aux arguments du Qatar, le second à ceux des Emirats, et la journée de vendredi à des échanges entre les deux parties. Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et l’Égypte avaient coupé tous leurs liens avec le Qatar, accusé de « financer le terrorisme » et de soutenir l’Iran, malgré les fermes démentis de Doha. La seule frontière terrestre de la petite nation péninsulaire avait alors été fermée, sa compagnie aérienne publique interdite d’emprunter l’espace aérien des pays voisins, et ses citoyens expulsés de ces mêmes pays. Le Qatar demande à la CIJ d’ordonner à Abou Dhabi « de suspendre et d’abroger immédiatement les mesures discriminatoires actuellement en vigueur », « de condamner publiquement la discrimination raciale à l’égard » des Qataris et de rétablir les Qataris « dans leurs droits ». Doha exige également des réparations intégrales de la part des EAU.
Mesures illégales
La CIJ juge les différends entre Etats mais ne dispose pas de moyens coercitifs pour faire appliquer ses décisions. Le dossier qatari se fonde sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, un des premiers accords internationaux sur les droits de l’Homme, signé tant par Doha que par Abou Dabi. « Les mesures illégales prises par les EAU ont déchiré des familles », s’est récemment insurgé le ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, cité dans un communiqué de ses services. »Les EAU ont privé les entreprises et individus qataris de leurs biens et avoirs, et ont refusé un accès fondamental à l’éducation, la médecine et la justice dans les tribunaux des EAU », a-t-il ajouté. Le Qatar a aussi accusé les Émirats d’avoir fermé les bureaux d’Al Jazeera et d’avoir bloqué les transmissions de cette chaîne de télévision et d’autres médias qataris. Tous les efforts diplomatiques, notamment ceux du Koweït et des États-Unis, ont échoué depuis le début de la crise dans cette partie du Golfe, jusqu’alors l’une des régions les plus stables du monde arabe. Cette dispute, particulièrement acrimonieuse, a remis en cause l’existence même du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui regroupe depuis 1981 les six pétromonarchies arabes de la région, et a favorisé l’émergence d’un nouvel axe diplomatique entre le Qatar, la Turquie et l’Iran.
La balle dans le camp de Doha
Le Qatar affirme que ses adversaires cherchent à mettre sa politique étrangère « sous tutelle ».Début juin, le Comité national des droits de l’Homme du Qatar (NHRC – formé par les autorités) a publié un rapport affirmant que les adversaires du Qatar avaient commis en un an plus de 4.000 violations des droits de l’Homme. Selon ce rapport, les Qataris ont été victimes dans ces pays d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et d’entraves à leurs mouvements. En réponse, les Émirats ont estimé que la balle était dans le camp du Qatar « s’il (veut) vraiment sortir de son isolement ». Les adversaires du Qatar lui ont remis une liste de 13 demandes, dont la fermeture de la chaîne satellitaire Al-Jazeera, le retrait des troupes turques de son territoire et la réduction de sa coopération avec l’Iran, avec lequel il partage le plus grand champ gazier au monde. Doha les a toutes rejetées.