22e Sila: Profusion d’ouvrages, entre anarchie des auteurs et créativité

0
1253
Photo Ania Ziani L'Echo d'Algérie@

La 22e édition du Salon international du livre d’Alger (Sila 22) a coïncidé avec la sortie de plus de 180 romans dans les trois langues (arabe, amazighe et française), avec plus de 90% de livres écrits en arabe et la moitié sont les premières œuvres de leurs auteurs, un phénomène qui suscite des questionnements autour des éditeurs qui font la promotion des premières œuvres et sur la qualité de l’écriture.

Certains auteurs estiment que cet engouement pour l’écriture est «positif», de l’avis de Amine Zaoui qui a relevé que l’Algérie avec ses dix millions d’élèves, deux millions d’universitaires et un million de diplômés «a besoin de plus de 100 romans par an». Amine Zaoui qui s’est dit «très content de cette profusion de nouveaux livres», a manifesté, en dépit de son enthousiasme pour l’émergence de nouveaux auteurs, sa crainte pour certains de basculer dans le «suicide culturel», notamment en «l’absence d’un accompagnement critique» donnant lieu à un tri «rationnel» et «serein». Commentant cette vague d’écriture et d’édition, le romancier Mohamed Djaffer estime que «le sentiment ne produit pas de la littérature», relevant cependant «une certaine positivité» dans la publication d’un grand nombre de romans. Pour le romancier, «le problème ne réside pas dans le jeune créateur, mais dans l’absence de certains axes», avant de citer les éléments manquants chez l’éditeur, notamment «l’absence de rédacteur ou de réviseur», outre «l’absence» de presse spécialisée, la faiblesse des médias culturels, et la «domination» des réseaux sociaux qui ont «accordé un pouvoir au lecteur et l’ont transformé en auteur». Le critique et universitaire, Mohamed Amine Bahri a évoqué le «roman d’urgence» comme ce fut le cas dans les années 90. Et d’ajouter que «l’obsession sécuritaire qui a engendré les «textes légers» dans les années 90, est devenue -une obsession sociale- et le souci majeur du jeune romancier immature est la publication».

Un moyen d’occuper une place sociale

Mohamed El Amine Bahri explique que l’écriture chez certains amateurs n’est pas tant un objectif d’autant qu’elle est un moyen pour occuper une place au milieu de l’élite intellectuelle. Selon le critique et universitaire Lounis Benali, «en l’absence d’un mouvement critique, la vigilance s’impose face à la profusion de maisons d’éditions et à l’émergence des nouveaux auteurs, estimant que «certains récits ne sont pas soumis au contrôle strict d’un comité de lecture», ce qui a donné lieu à des récits en manque de «spécificités du roman» en termes de langue, d’art et d’esthétique. Beaucoup d’écrivains payent la publication de leurs ouvrages, notamment les nouveaux auteurs qui tentent d’éditer leurs livres à n’importe quel prix. Si ce comportement est «contraire aux valeurs universelles de l’édition, il est cependant acceptable quant l’œuvre est éditée au compte de l’écrivain.

Des éditeurs, mais avec l’argent des nouveaux auteurs

Youcef Tanouit estime que la révision et la correction ne «relèvent pas de l’éditeur, mais de l’écrivain», soulignant que rien n’interdit que l’écrivain paie la publication de son roman. Les maisons d’édition perçoivent de l’argent de la part des écrivains pour éditer leurs ouvrages et apposent leur nom sur la couverture du livre. Le romancier Mohamed Djaffar est quant à lui «contre l’édition moyennant une contrepartie». Je suis, a-t-il dit, étonné que certains éditeurs admettent cette situation et procèdent même de la sorte». Lounis Benali a, notamment appelé les éditeurs à «régler les problèmes de distribution».