«Fatigue surrénalienne»: Quand les réseaux sociaux transforment le cortisol en bouc émissaire du mal-être

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Sur les réseaux sociaux, une nouvelle tendance santé affole les internautes : celle du « cortisol déséquilibré », présenté comme la cause de tous les maux — fatigue, anxiété, prise de poids ou encore acné. De nombreux influenceurs et pseudo-coachs affirment que cette hormone du stress serait responsable d’un mal imaginaire, la « fatigue surrénalienne », qu’ils prétendent pouvoir soigner grâce à des programmes personnalisés ou des compléments alimentaires coûteux. Mais pour les médecins, cette théorie relève du purement mercantile : la « fatigue surrénalienne » n’a aucune existence scientifique.

Le cortisol, une hormone essentielle et mal comprise

Le cortisol est une hormone naturelle produite par les glandes surrénales, essentielle à la régulation du stress, du métabolisme, du système immunitaire et de la pression artérielle. Son taux varie au cours de la journée : il atteint un pic le matin pour favoriser l’éveil, puis diminue progressivement. Il peut augmenter temporairement en cas de stress, mais ce phénomène est normal et transitoire. Les véritables troubles du cortisol sont rares : le syndrome de Cushing (excès) et la maladie d’Addison (déficit) concernent respectivement une à trois personnes sur un million, et environ quatre cas pour 100.000 individus. Certaines situations, comme la dépression, l’alcoolisme ou l’anorexie, peuvent entraîner un déséquilibre fonctionnel, mais aucune donnée clinique ne valide l’existence d’une “fatigue surrénalienne”, insistent les chercheurs.

Une théorie sans fondement scientifique

Le concept de « fatigue surrénalienne » prétend que les glandes surrénales s’épuiseraient à force de stress chronique, entraînant des symptômes vagues : fatigue, troubles du sommeil, irritabilité, prise de poids ou douleurs diffuses. Problème : ces signes ne sont pas spécifiques et peuvent être liés à de multiples causes. « Il n’existe aucune preuve scientifique que la fatigue surrénale soit une vraie maladie », confirment les experts, rappelant qu’une revue de 58 études publiée en 2016 a conclu que ce syndrome était un mythe médical. Pour eux, la popularité du sujet sur TikTok ou Instagram repose sur une exploitation émotionnelle du mal-être. « Les gens ne savent pas pourquoi ils sont fatigués, alors certains en profitent pour leur vendre une explication clé en main », observe un endocrinologue.

Un marché lucratif autour du cortisol

Derrière cette tendance, se cache un business bien rodé. Des influenceurs vendent des programmes « de rééquilibrage hormonal » entre 97 et 174 euros par mois, tandis que des marques de compléments promettent de « réduire le taux de cortisol de 75 % » pour 42 euros la cure. D’autres proposent des “cortisol cocktails” — des boissons “détox” à base de jus d’agrumes, de magnésium et de collagène — censées rétablir l’équilibre hormonal. Aucune de ces approches n’a prouvé la moindre efficacité clinique, préviennent les spécialistes. Certains “professionnels autoproclamés” vont plus loin, prescrivant des analyses salivaires ou biologiques non reconnues, facturées entre 300 et 1.500 euros, censées révéler des “déséquilibres invisibles” du cortisol. Des tests à domicile, vendus sur internet, complètent cette offre pseudo-scientifique. « Ces pratiques sont à la fois coûteuses, non fiables et potentiellement dangereuses », avertissent les experts, soulignant que les résultats ne peuvent en aucun cas servir de base à un diagnostic médical.

L’appel des médecins à la prudence

Les endocrinologues mettent en garde contre ces discours simplistes qui exploitent la détresse des personnes épuisées ou anxieuses.
« Si vous avez des doutes sur votre santé hormonale, le seul réflexe doit être de consulter un médecin », rappellent-ils.
La prise en charge des troubles du stress ou de la fatigue chronique ne relève ni de cures détox, ni de compléments miracles, mais d’un suivi médical et psychologique adapté. À l’heure où le bien-être devient un produit de consommation, la diabolisation du cortisol illustre une dérive inquiétante : celle d’un marché du stress où la peur se transforme en profit. En résumé : le cortisol n’est pas l’ennemi. C’est une hormone vitale, souvent mal comprise, que les réseaux sociaux transforment en coupable idéal pour mieux vendre des illusions.

Neila M.

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