Afin de s’adapter aux nouvelles mutations: L’Algérie a besoin d’une nouvelle reconfiguration institutionnelle, ministérielle et territoriale

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Pour l’Algérie, il s’agit de procéder à une autre organisation institutionnelle inséparable  d ‘une nouvelle gouvernance , qui ne sera efficace que sous réserve d’objectifs précis, d’opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration  des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques.

Cette organisation institutionnelle implique d’avoir une autre organisation tant des ministères que territoriale par des regroupements évitant les micros institutions budgétivores. La crise interne que connaissent bon nombre d’États dans le monde, cela n’étant pas  propre à l’Algérie,  ne touche pas seulement à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l’État à asseoir sa légitimité ainsi qu’à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio- économiques tenant compte tant des nouvelles  mutations mondiales qu’internes devant s’attaquer à l’ écosystème 

1.    Le fondement  de la bonne gouvernance

La bonne gouvernance est définie par les institutions internationales dont l’ONU, comme étant l’ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous. Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l’Etat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenant entre eux. Selon les Nations unies, la bonne gouvernance comprend les éléments suivants : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel; -la transparence : découlant de la libre circulation de l’information;  la sensibilité  des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants; le consensus afin que  des intérêts différents soient  conciliés afin d’ optimaliser le bien être général; l’équité afin que  tous, hommes et femmes aient  des possibilités d’améliorer leur niveau de vie ; l’efficience des  institutions  afin qu’ils   produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources;  la responsabilité des décideurs du gouvernement, du secteur public/privé et des organisations de la société civile  et    enfin une vision stratégique : des leaders et du public qui est nécessaire pour réaliser un tel développement et très récemment la prise en compte de la préoccupation environnementale. Pour les mesures de la bonne gouvernance, sur le plan politique et institutionnel on distingue : la voix citoyenne et responsabilité qui mesurent la manière dont les citoyens d’un pays participent à la sélection de leurs gouvernants, ainsi que la liberté d’expression, d’association et de presse; la stabilité politique et absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d’une déstabilisation ou d’un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme;  l’efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d’indépendance vis-à-vis des pressions politiques;  la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé;  l’Etat de droit qui mesure le degré de confiance qu’ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment et en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence;  la lutte contre la corruption qui mesure l’utilisation des pouvoirs publics à des fins d’enrichissement personnel, y compris la grande et la petite corruption, ainsi que «la prise en otage» de l’Etat par les élites et les intérêts privés ;  Ces  indicateurs posent  la problématique des liens entre la bonne gouvernance  en distinguant :  les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d’un Etat de droit afin  d’assurer l’accès de la population à la justice et à la sécurité ;    les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l’activité économique, la gestion optimale des ressources économiques et les   institutions sociales et communautaires qui assurent l’amélioration de la qualité de la santé et de l’éducation des populations ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement. Car, on  peut faire autant de lois, la facilité du bureaucrate en panne d’idées est de faire toujours des lois,  les expériences historiques montrent  qu’elles seront inefficaces sans s’attaquer au fondement du développement  à  savoir la  bonne gouvernance et la valorisation des compétences. Comme il serait erroné d’assimiler la bonne gouvernance aux seuls indicateurs économiques comme le niveau des réserves de change,  de la croissance du PIB / PNB vision mécanique, les maladies apparentes du corps social  étant l’inflation et le chômage.

2. Une  autre  organisation institutionnelle  gouvernementale

Comme j’ai eu à le préciser dans plusieurs contributions parues entre 2000/2024 cette réorganisation devient urgente pour des raisons d’efficience gouvernementale. Car l’Etat doit réduire son train de vie, donner l’exemple de rigueur, éviter en cette période de crise des dépenses inutiles de prestige sans impacts véritables sur le devenir économique du pays et donc sur l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. D’ailleurs un regroupement des ambassades, excepté pour des pays avec qui l’Algérie entretient d’importantes relations commerciales, devrait rentrer dans cette réorganisation. A ce titre, je suggère les pistes suivantes,  l’organisation des ministères, dossier sensible , de la Défense nationale  , des Affaires Etrangères et de la Justice devront faire l’objet d’un traitement  particulier.  Je préconise   les grands axes d’une nouvelle organisation institutionnelle des ministères  avec des secrétariats d’Etat techniques, ces derniers n’assistent  pas au conseil des ministres. .  Au ministère de l’Intérieur et des collectivités locales devrait s’adjoindre l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement. C’est en accordant la priorité à la connaissance que les politiques publiques apporteront des réponses à la pauvreté, à la fois rurale et urbaine, et surtout à l’évolution du chômage par la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus, en particulier pour les groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes, je préconise un grand ministère de l’Education nationale et de la recherche scientifique (la revalorisation des compétences) ; s’impose également un .  grand Ministère de l’économie nationale  ou cohabiteraient ministère des Finances  le ministère du Commerce mettant fin à cette anomalie de deux ministères, l’un du commerce intérieur et celui du commerce extérieur. A  l’industrie s’ajouteront  , les différentes agences chargées de l’investissement qui se télescopent et qui sont loin d’avoir répondus aux attentes des pouvoirs publics malgré de nombreux avantages accordés, devront être rattachés à un seul ministère pour plus de cohérence tous les organes chargés de l’investissement en lui rattachant les Mines, segment stratégique de la relance industrielle.  Le défi majeur du XXIème siècle étant celui de l’eau, dont celui du dessalement de l’eau de mer dont la base est le gaz, au ministère clef celui de l’Énergie et des énergies renouvelables , il y aurait lieu de lui adjoindre celui des Ressources en eau tout en impulsant l’industrie pétrochimique et les énergies renouvelables et comme le montre les évènements récents, étant   indissociables comme le montre les récents évènements,  un grand ministère  des transports et des travaux publics. Le tourisme et l’artisanat formeraient  un tout  avec des relations étroites avec le ministère  de la culture et les ambassades, le    ministère du Travail,  devrait intégrer celui de la Formation professionnelle  et de la Solidarité nationale  et au   ministère de la santé serait rattaché   l’industrie pharmaceutique . Devraient également être regroupés le ministère des Postes et des nouvelles technologies de la Culture et celui de l’Information, pouvant exister une porte-parole au niveau  soit de la présidence  ou du gouvernement pour l’information officielle qui accuse une déficience, et  l ’agriculture et la pêche formeraient un tout. Quant aux dizaines  d’organisations  hors gouvernement , budgétivores, comme le montre l la loi des  finances 2025, un regroupement s’avère nécessaire et pour exemple , pour tout ce qui relev de la recherche l’intégrer à l’éducation nationale, à la  Jeunesse et les sports, devrait être rattaché toutes les institutions  relevant de la jeunesse  et au   ministère des affaires religieuses devraient être rattachées tous les organisations ayant trait au religieux  Concernant la privatisation/participation, pilier des réformes, qui serait un signe fort pour la communauté internationale et les investisseurs potentiels, je propose soit de créer à l’instar des pays qui ont connu une réussite, évitant qu’un ministre soit juge et partie (délits d’initiés), une grande Agence des participations 6 privatisations relativement autonome, ayant mission transitoire composée d’experts de haut niveaux, soit l’égide de la Présidence de la République.

3,- Une nouvelle organisation   territoriale

La réforme nécessaire des collectivités locales implique la réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune – APC-, nécessitant une mise à niveau pour la maîtrise de la gestion,  le Wali servant de régulateur et non de gestionnaire afin de favoriser une société plus participative et citoyenne. Après le tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est dans ce contexte, que l’APC doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace. C’est à l’APC que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement devant se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions Actuellement les présidents d’APC ont peu de prérogatives de gestion tout étant centralisé au niveau des Walis alors qu’il y a lieu de penser un autre mode de gestion, de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l’aménagement du développement et du marketing de son territoire.  Cette organisation doit être souple avec comme rôle essentiel la prospective du territoire en évitant le centralisme administratif, afin de construire un socle productif sur plus d’individus et davantage d’espace.  Il ne s’agira pas d’opposer le rural à l’urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites mais d’organiser leurs solidarités. Pour cela, il s’agira de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions. L’efficacité des mesures d’aménagement du territoire pour favoriser les activités productives, impliquent la refonte des finances locales et des taxes parafiscales sans laquelle la politique d’aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s’appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches qui doit être prise en compte par les pouvoirs publics évitant l’esprit centralisateur jacobin largement dépassé. Comme je l’avais préconisé (voir l’ouvrage collectif pluridisciplinaire regroupant économistes, sociologues, politologues, sous ma direction «Réformes et démocratie » paru aux éditions Casbah en 2005), la structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, les chambres de commerce régionales autour de six à sept pôles régionaux qui regrouperait le Wali, représentant du gouvernement, les élus locaux , les présidents d’APC , les entreprises publiques/privées, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités/centres de recherche. L’action des grandes chambres de commerce régionales, lieu de concertation mais surtout d’impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple : premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotions immobilières publiques et privées ; deuxièmement, l’avenir appartenant au savoir, mettre à la disposition des sociétés une main-d’œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche, par exemple, la chambre de commerce offrira un poste pour 10 candidats en formation, les 90 % non retenus ne constituant pas une perte pour la région. L’apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s’installent dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Car les sociétés ont besoin de l’accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d’expérimentation et l’université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d’améliorer la recherche. Les étudiants vivent ainsi la dialectique entre la théorie et la pratique. La troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles. Des tests ont montré que l’initiative collective, pour certains produits, permet d’économiser certains équipements (donc d’avoir un amortissement moindre dans la structure des coûts) et de faire passer le processus de sept minutes (420 secondes) à 45 secondes soit une économie de temps de plus de 90 % améliorant la productivité du travail de l’équipe. Ce qu’on qualifie d’équipes auto- dirigées ; la quatrième action, la chambre de commerce intensifient les courants d’échange à travers entre les régions du pays et l’extérieur avec  l’élaboration de tableaux de prospectifs , horizon 2025//2030 avec la mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités (voir notre contribution l’expérience du pôle régional de Greenville USA www.google – Mebtoul 1995 suite à une longue tournée que j’ai effectuée aux USA ).

En conclusion, la pleine réussite de ce processus complexe de la réforme institutionnelle action éminemment politique implique de poser le rôle de l’Etat et son articulation avec le marché, ce qui renvoie au mode de gouvernance reposant sur une vision  stratégique , où je préconise depuis des années , un ministère d’Etat chargé de la planification stratégique sous l’autorité du conseil de sécurité. présidé par  le président de la république . Il s’agit de placer  l’homme  créateur au cœur du développement doit réaliser un triple objectif : une société plus équilibrée et plus solidaire, la croissance au service de l’emploi et mettre l’Algérie au cœur du développement de la Méditerranée et de l’Afrique afin de favoriser une prospérité partagée. Nous avons deux options : soit satisfaire les appétits partisans par une redistribution passive de la rente avec la création de 30 ou 40 ministères sans efficacité réelle, soit privilégier une bonne gouvernance et efficacité gouvernementale allant vers plus de réformes, condition d’un développement durable. Ce dernier repose sur le travail et l’intelligence afin de redonner une lueur d’espoir, surtout à une jeunesse désabusée en conciliant l’efficacité économique et la justice sociale dans un univers dominé par la mondialisation où toute nation qui n’avance pas recule. La condition de l’amélioration sociale passe par un retour à la croissance hors hydrocarbures qui restera tributaire, outre de l’élément fondamental de bonne gouvernance et de la revalorisation du savoir, d’un certain nombre de conditions : la réhabilitation de l’entreprise, la levée des contraintes d’investissement passant par la refonte urgente du système financier, fiscal, douanier, domanial (foncier) et une détermination plus grande par une vision plus cohérente de la réalisation du programme des réformes . Sur le plan sociopolitique déterminant, La réussite est avant tout non celle d’une femme ou d’ un  homme seul (une seule main comme dit l’adage ne saurait applaudir), mais celle d’une équipe compétente soudée (de véritables managers sachant tant gérer qu’à l’écoute des populations) animée d’une profonde moralité.

 Professeur des universités- Expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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