Une faible dose de lithium, nouvel espoir contre Alzheimer

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Des chercheurs de Harvard identifient un rôle clé de cet oligo-élément dans la mémoire et les connexions neuronales. Dans la longue quête pour comprendre les origines de la maladie d’Alzheimer, la recherche vient de franchir une étape inattendue.

Là où la science s’est souvent concentrée sur les protéines défectueuses et les mécanismes inflammatoires, des travaux récents déplacent l’attention vers un élément chimique discret mais omniprésent : le lithium. Présent naturellement à l’état de trace dans notre organisme, cet oligo-élément pourrait jouer un rôle déterminant dans la préservation des fonctions cérébrales avec l’âge.

Le rôle du lithium dans le cerveau

Jusqu’à récemment, le lithium n’était pas associé au fonctionnement cognitif chez l’adulte. Mais une étude publiée dans Nature par la Harvard Medical School révèle qu’il est essentiel à la préservation des capacités de mémoire. En analysant le cerveau de centaines de personnes après leur décès, les chercheurs ont constaté que les niveaux de lithium dans le cortex préfrontal – région cruciale pour la mémoire et la prise de décision – étaient nettement plus bas chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Un autre constat est venu renforcer cette observation : chez les malades, le lithium se retrouve piégé dans les plaques amyloïdes, ces amas de protéines caractéristiques de la pathologie. Cette double action – diminution de l’absorption et séquestration progressive – réduit la disponibilité du lithium pour les neurones, fragilisant ainsi le cerveau face aux dommages liés à la maladie.

Résultats d’expériences sur modèles animaux

Afin de mieux cerner les effets d’une carence, des expériences ont été menées sur des souris génétiquement prédisposées à développer des symptômes proches d’Alzheimer. Leur régime alimentaire a été privé de plus de 90 % du lithium, ce qui a aggravé de manière significative leurs troubles de mémoire. Les cerveaux de ces animaux présentaient jusqu’à deux fois et demie plus de plaques amyloïdes que ceux nourris normalement. Ces résultats font écho à des données cliniques humaines. Une étude britannique, publiée dans PLOS Medicine et portant sur près de 30 000 dossiers médicaux, a montré que les patients traités au lithium pour des troubles bipolaires ou dépressifs développaient moins souvent des formes de démence, y compris la démence vasculaire. Cette protection semblait notable, même après un traitement de courte durée, mais se renforçait sur le long terme. Les mécanismes biologiques identifiés convergent : le déficit en lithium active une enzyme, la GSK3β, qui favorise la phosphorylation anormale de la protéine tau et l’inflammation cérébrale. Ces processus accélèrent la perte des synapses, la dégradation de la myéline et affaiblissent les capacités de nettoyage des plaques amyloïdes par les cellules immunitaires du cerveau.

Un défi pour la médecine humaine

Si ces résultats suscitent de grands espoirs, leur transposition à l’humain reste complexe. En psychiatrie, le lithium est utilisé à des doses mille fois supérieures à celles testées dans le cadre d’Alzheimer. Or, à ces niveaux, les risques de toxicité rénale et thyroïdienne sont importants, ce qui limite son utilisation préventive chez les personnes âgées. Pour contourner cette difficulté, les chercheurs explorent de nouvelles formulations. L’une d’elles, le lithium orotate, se lierait moins aux plaques amyloïdes et resterait plus disponible pour les neurones. Testé à faible dose chez la souris, ce composé a permis de réduire la charge amyloïde, de préserver la mémoire et de restaurer certains marqueurs synaptiques, sans toxicité apparente. Les prochaines étapes consisteront à identifier les patients susceptibles de bénéficier d’un tel traitement avant l’apparition de symptômes sévères. Des essais cliniques ciblés sur les personnes à risque ou présentant un déclin cognitif léger sont envisagés, avec un suivi médical attentif. Si ces recherches aboutissent, le lithium pourrait quitter son image de simple outil psychiatrique pour devenir un allié discret mais puissant dans la lutte contre Alzheimer, offrant une lueur d’espoir dans une maladie encore incurable.

Neila M

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