Un nouveau test sanguin, basé sur l’analyse de l’ADN tumoral circulant (ctDNA), offre la possibilité de détecter la récidive d’un cancer plusieurs mois avant qu’elle ne soit visible sur les imageries médicales classiques. Ce progrès technologique suscite autant d’espoirs que de questions au sein de la communauté médicale.
Jennifer Feenstra, diagnostiquée il y a cinq ans d’un cancer du poumon agressif alors qu’elle ne fumait pas, a suivi un long parcours thérapeutique : chirurgie, chimiothérapie et traitement médicamenteux sur trois ans. Bien que ses scanners réguliers n’aient jamais montré de récidive, elle reste consciente que des cellules cancéreuses peuvent se reformer sans être détectées immédiatement par les examens d’imagerie. Les nouvelles technologies de dépistage, appelées biopsies liquides, ciblent précisément ce moment critique. Elles analysent des fragments d’ADN tumoral libérés dans le sang, permettant ainsi une détection bien plus précoce de signes de rechute. L’étude la plus récente, publiée en mars dans Nature Medicine, a révélé que ces tests ont pu diagnostiquer une récidive du cancer du poumon en moyenne cinq mois avant les scanners. Mais ces résultats doivent encore être confirmés par des essais cliniques à large échelle. Le docteur Roy Herbst, directeur adjoint du centre de recherche sur le cancer de l’université de Yale et coauteur de l’étude, se montre enthousiaste tout en restant prudent. Selon lui, cette méthode pourrait permettre d’adapter en temps réel les traitements, voire de prolonger certains protocoles ou d’en introduire de nouveaux plus tôt. Toutefois, il prévient : en dehors des essais cliniques, ces tests ne devraient pas être généralisés avant que toutes les données nécessaires ne soient disponibles. Les promesses de ces tests individualisés reposent sur une avancée génétique : après l’ablation d’une tumeur, son ADN est séquencé et comparé à celui du patient. Les mutations spécifiques sont alors ciblées dans le sang. Cela permet de créer un test sur mesure, capable de détecter de manière très fiable la présence d’un ADN tumoral résiduel. Malgré la fiabilité de ces tests, la Food and Drug Administration américaine souligne que les résultats peuvent varier selon les laboratoires et les technologies utilisées. Les études montrent également que lorsque le test détecte une récidive, le pronostic est souvent plus défavorable, car il s’agit de formes plus agressives du cancer. L’un des enjeux majeurs demeure l’impact réel sur la survie des patients. Un essai clinique mené en 2022 sur des patients atteints d’un cancer du côlon a démontré qu’un test ctDNA pouvait éviter à certains une chimiothérapie inutile. Aucun des patients testés négatifs n’a connu de récidive, ce qui alimente l’espoir d’une médecine plus ciblée et moins invasive. Cependant, une question reste centrale : intervenir plus tôt grâce à ces tests améliore-t-il réellement les chances de survie ? Pour l’instant, les résultats des études de surveillance classique par imagerie sont partagés. Et les tests ctDNA, bien que plus sensibles, n’ont pas encore prouvé qu’ils permettaient, à eux seuls, de sauver davantage de vies. Le coût élevé de ces tests (environ 3 000 euros par patient) et le poids psychologique d’un diagnostic précoce restent des considérations importantes. À cela s’ajoutent les effets secondaires potentiels de traitements précoces administrés à des patients encore asymptomatiques. Des chercheuses comme Anne Knisely, spécialisée dans le cancer de l’ovaire, continuent d’explorer si ces tests permettront réellement d’améliorer les taux de survie ou d’éviter des traitements lourds et inutiles. Mais les conclusions définitives manquent encore. « Il faut distinguer la donnée scientifique de la connaissance utile », résume le chercheur H. Gilbert Welch. « Avant de mobiliser des ressources considérables, il est essentiel de prouver que ces tests permettent réellement aux patients de vivre mieux et plus longtemps. »
Neila M






