Système fiscal algérien: Les axes de la réforme devant s’insérer dans un cadre global

0
858

C’est dans le cadre de la dialectique,  théorie pratique,  que s’inscrit  l’important  ouvrage,  qui est  paru  à l’Office des Publications Universitaires OPU  Alger, 2O23 2 tomes  de Mustapha Bensahli, .   qui m’a sollicité  le préfacer sur le diagnostic et la réforme fiscale en Algérie et qui   sera une référence,  tant pour les décideurs pour leurs actions,  que pour les enseignants et étudiants  pour leurs recherches , sur un sujet très sensible et ô combien important dans toute politique socio-économique. 

Car  un   praticien,  même ministre, sans culture théorique navigue à vue au gré de la conjoncture, sans vision stratégique pouvant occasionner des pertes à la Nation en dizaines de milliards de dollars et un  théoricien sans avoir exercé la pratique du terrain  élabore des schémas non opérationnels, ignorant la réalité sociale.   Expert international de haut niveau en matière fiscale et financière ayant  assumé successivement, plusieurs responsabilités, notamment, au ministère des Finances Algérie , ayant  enseigné dans les établissements d’enseignement supérieur en Europe et ayant  intervenu pour le compte du FMI et des Organisations internationales dans plusieurs pays d’Afrique, dans le cadre de la mise en œuvre de réformes liées à son domaine de spécialisation. L’ouvrage, intitulé «la mise à niveau en fiscalité –Mythe ou réalité- Expérience algérienne 2 tomes 98O pages »  s’articule sur cinq titres comme suit :  Titre 1er : le décryptage de la mise à niveau en fiscalité- Titre II : le processus de la fiscalité face aux enjeux de la mondialisation -Titre III : La fiscalité en Algérie à la croisée des chemins -Titre IV : Les standards internationaux servant comme modèle d’inspiration à la mise à niveau en fiscalité Titre V : les voies et  les moyens

1.- Pour cet expert international , afin   de  permettre à la fiscalité de retrouver toutes ses marques, il faut réaliser un  diagnostic qui  montre, entre autres, avec détail qu’elle comporte, à l’épreuve des faits, bien des points d’achoppement qui entravent effectivement son bon fonctionnement.  A la  lumière  de l’expérience sur le terrain, il  fait ressortir, qu’au niveau du système fiscal, de l’amont à l’aval, les rouages de fonctionnement sont souvent grippés. La raison en est, l’empilement massif de nouvelles dispositions prévues au gré des Lois de finances et consistant seulement à colmater à répétition et en surface, quelques brèches constatées à l’épreuve des faits, la gestion de la fiscalité ne disposant pas de tous les atouts dont elle a besoin pour être performante. Tout concourt à démontrer qu’il n’est plus possible, en bonne logique, de continuer à rester dans cette situation virtuellement latente de statu quo, en persistant à privilégier la voie conjoncturelle au détriment de celle structurelle qui est pourtant fondamentale. Par conséquent , tout interpelle pour que la fiscalité en Algérie connaît de profondes réformes , en remédiant au net décalage par rapport à l’environnement local, national et international.  C’est justement, par exemple, le cas du code général des impôts qui doit être revu en profondeur. Devenant avec le temps, de plus en plus dense et hypertrophiée jusqu’à devenir corrélativement de plus en plus ardue, la fiscalité ne peut être dans ces conditions, opérationnelle, surtout avec une surcharge de petites taxes dont le rendement ne compense guère le coût de gestion et auxquelles s’ajoute une pléthore de niches fiscales sans réel impact sur l’investissement. La fiscalité n’est pas réductible à un simple toilettage jugé superficiel en se conformant aux pratiques du passé et encore moins, à une réforme a minima, mais plutôt elle renvoie à une restructuration d’envergure crédible qui garantisse un progrès patent dans tous les cas de figure.  Aussi, l’auteur préconise quelques pistes de solutions dans la perspective de réhabiliter la fiscalité, en postulant pour l’affranchissement de certaines contraintes à l’effet de rattraper et résorber le retard constaté en creux, tout en se mettant en phase avec les standards internationaux. La mise à niveau étant un processus d’envergure qui, en couvrant dans son large périmètre aussi bien la fiscalité de l’Etat que la fiscalité de collectivités locales, devient, à ce titre, emblématique, en ce qu’elle tend à briser le cercle conceptuel classique sur la base d’un corps de principes performants et d’équité. Tout ceci commande impérativement l’observation de certaines règles jugées fondamentales, à commencer par l’adhésion, car la mise à niveau en fiscalité ne peut se concevoir sans la participation des parties prenantes, en l’occurrence, les représentants qualifiés des entreprises, lesquelles peuvent être d’un apport non négligeable. En tout état de cause la participation est une règle de gouvernance incontournable et un gage de réussite de la mise à niveau en fiscalité,  ne pouvant  rester, comme habituellement, l’apanage d’une petite équipe de l’administration fiscale se réservant jalousement le droit de concocter en exclusivité les réformettes sans grandes ouverture, et à l’aune de chaque année, dans le cadre de la Loi de finances.  Par ailleurs, l’auteur considère que la mise à niveau en fiscalité, si elle venait à être effectivement actée, ne constitue pas une fin en soi et qu’elle est appelée à se poursuivre tenant compte de nouveaux et nombreux paramètres endogènes et exogènes résultant de l’évolution du temps et de l’environnement. Par essence, la mise à niveau en fiscalité est avant tout un processus continu et chaque époque a son marqueur variant sur le plan sociétal, rythmée pour s’adapter aux données du nouveau contexte en pleine mutation.

2- ;-Dans le prolongement de l’important ouvrage, j’ai tenu  dans la préface de ces deux tomes  à formuler quelques remarques et propositions partagées par  l’auteur car   les pouvoirs publics algériens, depuis de longues décennies, ont eu  souvent recours à des expédients, optant pour des systèmes qui leur permettent d’exploiter les sources de revenu immédiatement disponibles au lieu de chercher à établir des régimes fiscaux rationnels, modernes et efficaces. Les recettes fiscales nationales représentent une source indispensable pour le financement du développement. Cependant, par rapport aux autres domaines clés du financement du développement, tels que le commerce, l’aide internationale et la dette, la fiscalité n’a fait l’objet en Algérie que d’un intérêt limité jusqu’à présent,  en raison surtout de la dominance des recettes d’hydrocarbures favorisant la fraude fiscale et l’évasion fiscale. Un système fiscal complexe avec une administration sclérosée   constitue inévitablement un terreau fertile pour les activités de recherche de rente.. Car,  la  promotion de tout  investissement créateur de valeur ajoutée durable,  consiste à créer un cadre juridique et réglementaire stable, transparent, et à mettre en place un système fiscal conforme tant à l’anthropologie sociale et économique  interne qu’aux normes internationales. Le niveau de l’impôt direct dans une société mesurant le degré d’adhésion de la population, il y a urgence d’une nouvelle politique, car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Mais l’impôt peut tuer l’impôt, car il modifie l’allocation des ressources réalisées, notamment l’offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Je déplore qu’aucune enquête précise quantifiée dans le temps ne mette en relief les liens entre la répartition du revenu national entre les couches sociales, l’évolution du processus inflationniste et le modèle de consommation, information indispensable pour la mise en place d’un système fiscal « juste ». Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges. Aussi,  un système fiscal efficace doit  répondre à plusieurs objectifs : premièrement, la collecte  des recettes  sans perturber l’activité économique;  deuxièmement,  l’affectation  des  recettes  avec pour objectif de réduire les inégalités,  avec un impôt progressif  appliqué aux revenus élevés ;  troisièmement,  utiliser les  impôts et les subventions ciblées, difficilement applicable du fait  de l’effritement du système d’information, afin que  les prix du marché reflètent  le coût social et l’avantage collectif ;  quatrièmement, les impôts renvoient à  la représentation politique, car  lorsqu’un  gouvernement dépend plus des recettes fiscales et moins des revenus provenant des ressources naturelles ou du financement par l’emprunt, la responsabilité des gouvernants envers les citoyens concernant l’utilisation des fonds publics, s’en trouve renforcée.  Car dans  la majorité des pays en voie de développement, et cela n’est pas  propre à l’Algérie, les plus riches ne contribuent pas plus que les pauvres à l’effort fiscal, les pouvoirs économiques et politiques dont ils jouissent, leur permettant souvent de bloquer les réformes qui auraient pour effet d’accroître leur fardeau fiscal. C’est ce qui explique en partie l’incapacité  à exploiter  le potentiel des régimes d’impôt sur le revenu et d’impôt foncier et le manque de progressivité des régimes fiscaux. A cela s’ajoutent plusieurs facteurs paralysants : premièrement, nous avons la faiblesse de la numérisation et la dominance de la sphère informelle en Algérie qui contrôlent plus de 34% de la masse monétaire en circulation selon le rapport officiel de la banque d’Algérie de décembre 2I23, , non assujetties au système fiscal. En conséquence, les méthodes modernes de mobilisation de fonds comme l’impôt sur le revenu et les taxes à la consommation jouent un rôle réduit dans ces économies et la possibilité, pour les pouvoirs publics, de compter sur des ressources fiscales élevées y est pratiquement exclue;  deuxièmement, étant donné la structure informelle, produit de la bureaucratie et du manque de confiance en les institutions, les services de la statistique et de l’impôt ont du mal à générer des statistiques fiables, comme le montrent les données contradictoires sur la masse monétaire informelle en circulation et l’échec des différentes mesures pour la capter;  troisièmement,  les déficiences des mécanismes de mise en application juridiques en ce qui concerne le recouvrement de l’impôt ; quatrièmement,  souvent avec des interférences politiques et des comptabilités douteuses, les   pénalités sont insuffisantes en cas de défaut de paiement. Tous cela , favorisent des délits d’initiés étant donné que les administrations fiscales manquent bien souvent des compétences spécialisée pour déchiffrer les systèmes, fiscaux tant internes qu’internationaux complexes, qui sont utilisés à des fins de fraude fiscale, expliquant  en partie l’incapacité à exploiter le potentiel des régimes La direction générale des impôts (source officielle du gouvernement APS) ayant donné un montant de non recouvrement  fiscal fin 2O21  de 5OOO dinars soit au cours de l’époque  de 138 dinars un dollar soit  près de 37 milliards de dollars et qu’en a t –il été de 2O22 à fin 2O24  avec l’extension de la sphère informelle non assujettie aux impôts. En effet,  dans sa note de février 2024 sur la conjoncture économique relative aux tendances monétaires et financières des 9 premiers mois de l’année 2023, pour la  Banque d’Algérie , les sommes d’argent qui circulent en dehors du circuit bancaire ont atteint 8026,19 milliards de dinars, soit au cours de 34 dinars un dollar 59,89 milliards de dollars  contre 55,17 milliards de dollars enregistrés à fin décembre 2022. Et le dernier rapport de la banque d’Algérie en novembre  2024 le montant de la sphère informelle  représente environ  8 273 milliards  de dinars sur un total de  24 330 milliards de dinars  en circulation, soit au même cours pour une comparaison correcte de 134 dinars un dollar 61,73 milliards de dollars sur un total  de 181,56 milliards de dollars soit 33,99%, ce montant en croissance alimentant l’économie  informelle où selon ce rapport, moins de 20 % des transactions  financières dans le pays sont effectuées via des moyens électroniques, montrant qu’il reste un long chemin à parcourir pour la  digitalisation des paiements.

En conclusion, dans un monde caractérisé par la libéralisation des mouvements de capitaux, par  la  transition numérique et énergétique( devant mettre en place  une fiscalité écologique spécifique) , les barrières commerciales qui disparaissent, les défis de l’Algérie, impliquent de définir les priorités stratégiques et avoir une nette   volonté politique pour mettre en œuvre la bonne  gouvernance et les réformes nécessaires structurelles nécessaires. Car il est utopique d’isoler la réforme du système fiscal, sujet au combien sensible, de la gouvernance globale devant  éviter le retour à la gestion administrative  tant centrale que locale source de corruption, l’objectif étant de  concilier  l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.

ademmebtoul@gmail.com

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici