Le peuple Algérien commémorera, aujourd’hui, le 65e anniversaire des premières explosions nucléaires menées par les autorités coloniales françaises dans le sud algérien, un acte qui restera gravé à jamais dans l’histoire comme un crime contre l’humanité commis avec préméditation, engageant une responsabilité juridique pour un crime imprescriptible.
Le dossier de ce crime infâme commis par l’Etat français, il y a six décennies, connait d’importants développements. Récemment, la demande de l’Algérie visant à tenir la France pour responsable de l’élimination des résidus désastreux de ces explosions nucléaires a été inscrite de manière explicite dans la législation environnementale nationale, en vue de consolider les droits des générations actuelles et futures. Cette démarche s’est concrétisée à travers un texte de loi relatif à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets, adopté par le Conseil de la nation en janvier dernier. Dans son discours adressé à la nation devant les deux chambres du Parlement en décembre dernier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé que « les Algériens ont un droit imprescriptible et ils exigent la reconnaissance des massacres commis par le colonisateur ».
« Le colonisateur a laissé en Algérie des maladies résultant de ses essais nucléaires dont souffrent encore aujourd’hui nos compatriotes dans le Sud », avait souligné le président de la République.
Lors de son interview accordée au quotidien français l’Opinion, le président de la République avait affirmé que les réparations relatives aux explosions nucléaires et à l’utilisation d’armes chimiques par la France dans le Sud de l’Algérie est un sujet indispensable pour la reprise de la coopération bilatérale, appelant à régler définitivement ces contentieux.
Il a indiqué que le dossier du nettoyage des sites des explosions nucléaires est « nécessaire », et qu’il constitue « un devoir humanitaire, moral, politique et militaire », estimant que cette opération doit être menée avec les autorités françaises, qui doivent révéler « avec précision » les zones où ces explosions ont eu lieu.
Afin de faire face aux risques dus à la pollution radioactive, l’Etat a décidé de créer, en 2021, l’Agence nationale de réhabilitation des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires, étant donné que la radioactivité environnementale reste élevée dans les zones touchées par ce crime en raison de la persistance des résidus de radiations.
A cette époque, les forces d’occupation françaises prétendaient que ce qu’elles appelaient des « essais » étaient menées dans des zones inhabitées et désertiques, à savoir Reggane (Adrar) et In Ecker (Tamanrasset), alors que ces régions abritaient près de 20.000 civils. Le 13 février 1960, la première bombe atomique française dénommée « Gerboise bleue » a été mise à feu sur le site nucléaire de Reggane, provoquant une catastrophe naturelle et humaine et environnementale, avec une puissance oscillant entre 60.000 et 70.000 tonnes d’explosifs, soit cinq (5) fois celle de la bombe larguée sur Hiroshima (Japon), selon de nombreux experts en la matière. Entre 1960 et 1966, la France coloniale a effectué 57 essais d’explosions nucléaires: quatre explosions aériennes à Reggane, 13 explosions souterraines à In Ecker, 35 explosions supplémentaires à Hammoudia et cinq sur le plutonium à In Ecker, sur un rayon de 30 km de la montagne où ont eu lieu les explosions souterraines.
Les habitants de ces régions souffrent toujours des séquelles de ces explosions.
Chaque année, plusieurs cas de cancer, de malformations congénitales, de handicap, de stérilité et de troubles psychologiques chroniques sont recensés. Par ailleurs, l’équilibre environnemental et territorial de ces zones reste gravement menacé. Jusqu’à présent, les autorités algériennes n’ont pas reçu de cartes ou de plans indiquant les sites d’enfouissement du matériel utilisé lors de ces explosions, malgré les nombreux appels et initiatives lancés par plusieurs associations pour la prise en charge des victimes, la décontamination des sites des déchets radioactifs et la restitution des archives sanitaires et techniques. Bien que cette demande figure dans le rapport soumis par l’historien français, Benjamin Stora au président français, Emmanuel Macron, en 2021, la France officielle continue de faire la sourde oreille à cette revendication qui constitue un enjeu central dans ses relations avec l’Algérie. A ce titre, le président de la Fondation du 8-Mai 1945, Abdelhamid Salakdji, a appelé la France à assumer la pleine responsabilité quant aux conséquences des explosions nucléaires qu’elle a effectuées, durant la période coloniale, dans le sud de l’Algérie. « La France, quelque part humiliée par l’Allemagne nazie, dont les troupes avaient envahi la capitale Paris, le 14 juin 1940, presque sans résistance, décide de se doter de l’arme nucléaire pour se hisser au diapason des puissances de l’époque, notamment le Etats-Unis d’Amérique, l’Union soviétique et le Royaume-Uni », a-t-il souligné.
Il a ajouté qu’en « décidant, sous la présidence du général De Gaulle, d’effectuer ses premiers essais nucléaires, la France porta, naturellement, son choix sur le sol algérien qu’elle occupait, spoliait sans vergogne et administrait, en faisant fi des conséquences que cela pouvait avoir sur les populations autochtones, dépossédées de leurs terres ». Le président de la Fondation du 8-Mai 1945 insiste sur le fait que les Algériens étaient, alors, considérés comme des « sous-citoyens » privés de leurs droits les plus élémentaires, et dont le sort constituait le dernier des soucis du général de Gaulle, tout comme en mai 1945 lorsque ses troupes avaient massacré, dans le moindre état d’âme, des dizaines de milliers d’Algériens dont le seul tort était d’avoir « osé clamer leur soif de liberté ». Des « sous-citoyens » qui ne devaient pas broncher aux 4 explosions nucléaires effectués par la France en surface, dans la région de Reggane et que l’on affubla des noms de code de « Gerboise bleue » le 13 février 1960, de « Gerboise blanche » le 1er avril 1960, de « Gerboise rouge » le 27 décembre 1960 et de « Gerboise verte » le 25 avril 1961. Pour M. Salakdji, le choix de la gerboise, ce petit rongeur adorable vivant au Sahara algérien, pour l’associer à l’arme la plus destructrice qui soit, est « une autre preuve du caractère pour le moins fourbe de l’occupant français ». « Nous, en tant que Fondation du 8-Mai 1945, une association de droit algérien, notre objectif premier est de défendre les droits de toutes les victimes algériennes de la colonisation française, depuis les premières actions de résistance qui suivirent l’invasion de l’Algérie jusqu’à la Révolution, en passant par les Massacres du 8 mai 1945 », ajoute encore Abdelhamid Salakdji. Il a assuré que la Fondation qu’il préside s’inscrit dans la démarche du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et appuie ses propos lorsqu’il demandait à la France de nettoyer les sites où elle a effectué ses explosions nucléaires. M. Salakdji cite encore les propos du président de la République qui déclarait, récemment, dans un entretien accordé au quotidien français L’Opinion, s’agissant des explosions nucléaires françaises sur le sol algérien entre 1960 et 1966 : « c’est indispensable. Le dossier de la décontamination des sites d’essais nucléaires est obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire. Nous pouvions le faire avec les Américains, les Russes, les Indonésiens, les Chinois. Nous estimons que l’Algérie doit le faire avec la France qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés ». « Selon notre vision, c’est à ce prix-là que des relations saines, fécondes, constructives et apaisées pourront être envisagées avec la France. Nous avons payé un tribut extrêmement lourd pour le recouvrement de notre souveraineté et, aujourd’hui, notre Fondation refuse de payer le tribut de l’oubli », conclut le président de la Fondation du 8-Mai 1945. Pour rappel, le 13 février 1960, il y a exactement 65 ans, la France testait sa première arme nucléaire dans la région de Reggane, dans le sud algérien, suivie par d’autres explosions avec leur lot de répercussions sur l’homme et l’environnement.






