Non content des restrictions budgétaires touchant les différents corps de l’armée française, le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, a démissionné mercredi une semaine après avoir été rappelé à l’ordre par le président Emmanuel Macron.
Les observateurs politiques et les médias étaient convaincus que le chef d’état-major n’allait pas rester à son poste au-delà d’une semaine après la fête nationale du 14 juillet où il a passé en revue les détachements militaires avec le chef d’Etat. « Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. Par conséquent, j’ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au président de la République, qui l’a acceptée », a indiqué le général dans un communiqué distribué à la presse.
Dans une politique d’austérité et de réduction des dépenses publiques de 4,5 milliards d’euros, le gouvernement d’Edouard Philippe compte défalquer des armées une somme de 850 millions d’euros, alors le chef d’état-major (60 ans), reconduit dans ses fonctions l’année passée, avait tiré, en décembre dernier, la sonnette d’alarme en avertissant que l’armée française allait bientôt connaître une panne. Il avait estimé que l’armée française, qui mène trop d’opération militaires avec pas assez de moyens, s’attend à une panne, appelant à accroître l’effort de guerre de 1,77 % à 2 % du PIB avant la fin du prochain quinquennat.
Le quotidien Le Monde avait révélé à l’époque que le stock de munitions est trop juste et les projections de l’état-major prévoient une brutale baisse de performances entre 2020 et 2023, avec des manques dans tous les domaines. Devant la commission de la Défense à l’Assemblée française réunie à huis clos, le général De Villiers a affirmé que le grand écart entre les objectifs assignés aux forces françaises et les moyens alloués n’est plus tenable, ce qui a provoqué l’ire d’Emmanuel Macron qui a qualifié, la veille du 14 juillet, d’indigne de lancer une polémique sur la place publique sur le budget de l’armée. « Si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au président de la République, le chef d’état-major des armées change », a déclaré le président Macron, qui est chef des forces armées, dans les colonnes du Journal du Dimanche.
Vendredi, le chef d’état-major des armées a appelé, dans une tribune publiée par Le Figaro, à préserver l’indispensable cohérence entre les menaces, les missions et les moyens dans le cadre de l’engagement de la France contre le terrorisme, du Sahel (Barkhane) au Moyen-Orient (Chammal) en passant par le territoire national (Sentinelle). Cette situation est loin de laisser indifférents des observateurs avertis qui suivent les dossiers liés à la défense et à la sécurité. Comme le cas du général François Chauvancy, spécialiste des questions de doctrine, qui a estimé que le président Macron a entaillé le pacte de confiance avec l’armée, prévoyant un probable divorce entre le chef de l’Etat et la communauté militaire.
Dans une tribune publiée lundi par Le Monde, François Chauvancy s’est interrogé en direction d’Emmanuel Macron : « N’y a-t-il pas une profonde contradiction à évoquer l’Europe qui protège, la sécurité des Français comme à Nice ce 14 Juillet, alors que les forces armées sont affaiblies budgétairement ? ». Pour ce général à la retraite qui prend la défense du chef d’état-major, le président Macron a échoué à ce premier test budgétaire, estimant qu’un chef qui humilie un grand subordonné et serviteur de l’Etat laisse aussi place au doute et à la méfiance dans la communauté militaire .