Pour une solution négociée au Niger afin d’éviter une déstabilisation régionale: Les six propositions de l’Algérie

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Le Niger s’étend sur 1 267 000 km2, ayant une position géographique stratégique partageant ses frontières avec sept pays à savoir :l’Algérie 956 km, le Bénin 266 km,  le Burkina Faso 628 km de frontière, la Libye 354 km de frontières,   le Nigeria 1497 km de frontière, le Tchad une frontière de 1175 km et le Mali, frontière de 821 km.

La situation actuelle au Niger non maîtrisée pourrait conduire à une déstabilisation à la fois régionale mais également mondiale, devant éviter les expériences de l’Irak et de la Libye. L’Afrique connaît une instabilité politique avec des conflits qui nuisent à son développement avec des interférences étrangères, ne devant pas oublier le drame humain au Soudan et depuis le 29 aout 2023, le coup d’Etat au Gabon. Soucieux de sa sécurité et de la sécurité régionale, cela explique l’initiative de l’Algérie autour de six propositions dont une transition de six mois, proposition qui semble pour l’instant, partagé par le pays le plus important de la Cédéao où le président du Nigeria, Bola Tinubu, a évoqué pour la première fois le 31 août 2023 (source Reuters) «l’idée d’une transition de neuf moissi les autorités militaires sont sincères, tout en prévenant néanmoins que les sanctions imposées par la Cédéao ne seront pas allégées sans «ajustements positifs» du nouveau régime à Niamey.

Mais certaines puissances étrangères ne parasiteront-elles pas cette initiative ?

1- Le poids économique de la Cédéao et les enjeuxéconomiques du conflit au Niger

La Cédéao est composée de 15 membres à savoir : le Bénin ; le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie ; le Quinée ; la Guinée Bissau ; le Liberia, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. En 2021, deux États membres ont été suspendus de la communauté à la suite de coups d’État, le Mali en mai, à la suite d’un deuxième coup d’État en neuf mois, et la Guinée en septembre. Le 3 juillet 2022, le Mali obtient la levée des sanctions financières et économiques de l’organisation, mais il reste suspendu des organes de la Cédéao qui accepte les deux ans de transition au Burkina Faso et la nomination de Thomas Boni Yayi comme médiateur pour la Guinée. Récemment a été suspendu le Niger après le coup d’Etat ainsi que de l’organisation de l’Union africaine. La Mauritanie qui s’est retirée de la Cédéao depuis 2000 a plutôt choisi de rester en retrait, cependant, se dit «prêt à étudier toute demande de participation. Selon le FMI en janvier 2021, le produit intérieur brut global des États membres avec d’importantes disparités par pays s’élève à 686 milliards de dollars américains, le PIB PPA global des États membres s’élevant à 564,86 milliards de dollars ce qui en fait la 25e puissance économique mondiale. Pour quelques pays nous avons le indicateurs suivants : Le Niger a un PIB de 14 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 545 dollars pour une population de 25, 25 millions d’habitants, le Bénin a un PIB de 17 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 1256 pour une population de 13 millions, le Burkina Faso a un PIB de 19 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars pour une population de 22 millions, -le Nigeria a un PIB de 447 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitants de 2450 dollars pour une population de 224 millions d’habitants, -le Mali, un PIB de 17,8 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 816 dollars, la Mauritanie qui a un PIB de 9,96 milliards de dollars pour une population de 4, 60 millions d’habitants et un PIB par tête d’habitant de 2165 dollars. la Côte d’Ivoire, une population de 27 millions, un PIB de 67 milliards de dollars et un PIB par tête d’habitant de 2420 dollars, la Gambie, une population de 2,6 millions, un PIB de 2,15 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 818 dollars,, la Guinée 13,5 millions pour un PIB de 20,15 milliards dollars, un PIB par tête d’habitant de 1490 dollars, la Guinée-Bissau une population de 2,06 millions, un PIB de 1,55 milliards de dollars et un PBI par tête d’habitant de 753 dollars, la Sierra Leone une population de 8,14 millions, un PIB de 3,77 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 463 dollars, le Sénégal, une population de 17 millions, un PIB de 26,3 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 833 dollars, le Liberia, une population de 5,19 millions, un PIB de 3,8 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars,  le Togo une population de 8,6 millions, un PIB de 7,7 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 893 dollars, le Ghana une population de 31 millions, un PIB de 71 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 2259 dollars. Suite au coup d’Etat au Niger, le sommet de la Cédéao (y compris la majorité des pays occidentaux ) a gelé toute coopération économique ce qui a induit un processus inflationniste, le risque d’une misère croissante avec le risque d’importants flux migratoires. Selon la sous-secrétaire général adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, 2,9 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2020, une augmentation de 26% par rapport à 2019, la situation sociale restant précaire avec un taux de pauvreté extrême d’environ 42 % en 2021, soit plus de 10 millions d’habitants. Entre 1991 et 2021, le budget de la dette du Niger a varié entre 478,0 millions et 5,5 milliards de dollars et en 2021, dernière année évaluée, le montant a été de 5,46 milliards de dollars le plus élevé des 30 dernières années et rapporté au nombre d’habitants, cela correspond au Niger à un endettement de 216 dollars par personne.

2 – Les six propositions de l’Algérie

La situation est complexe et à enjeux géostratégiques multiples où face à la situation au Niger, le sommet de la Cédéao qui a gelé toute coopération économique bien que privilégiant le dialogue, avant toute intervention militaire ce qui a accru le processus inflationniste et la misère au Niger devant s’attendre à d’importants flux migratoires. La position de privilégier le dialogue et la mise en garde contre toute intervention miliaire est partagée par l’Algérie dont la stratégie diplomatique et militaire est guidée par des principes fondamentaux hérités de sa longue histoire de libération nationale : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité, l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins, le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Champ et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.

Car l’Algérie partage des frontières avec des pays instables où sa sécurité est posée dont la Libye 982 km, le Mali 1329 km, la Mauritanie, 461 km, le Maroc 1739 km, le Niger 961 km, la Tunisie 1010 km et le Sahara occidental 39 km. La sécurité de l’Algérie pourrait être touchée indirectement via le Mali et la Libye qui partagent des frontières communes à la fois avec le Niger et l’Algérie et les tensions risquent de s’exacerber car dans un communiqué commun le Burkina Faso, le Mali, ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger, serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs pays. C’est pour éviter une déflagration régionale avec de prolongements en Europe ,notamment, que doit se situer l’initiative de l’Algérie où le ministre des affaires étrangères dans une déclaration reprise par l’APS le 21 août 2023 a défini les six de sortie de crise du Niger avec pour l’impératif de prioriser la solution politique et d’écarter le recours à la force au regard des répercussions désastreuses que pourrait entraîner cette option sur la région toute entière (voir notre contribution à la revue internationale Paris France du 30 août 2023 le Pont des Idées dont le Pr Mebtoul est membre du conseil d’administration sur la situation au Niger). Premièrement, rejet de tout changement anticonstitutionnel au Niger, conformément aux exigences du cadre juridique africain qui interdit et rejette les changements anticonstitutionnels de gouvernement et exige le retour à l’ordre constitutionnel et au respect des institutions démocratiques du pays. L’Algérie présentera lors du prochain sommet de l’Union africaine (UA) des propositions pour renforcer le principe du rejet des changements anticonstitutionnels ainsi que les mécanismes de sa concrétisation, d’autant qu’elle se considère «la dépositaire politique et moral du principe du rejet des changements anticonstitutionnels de pouvoir en Afrique, lequel a été consacré sur sa terre lors du sommet africain de 1999. Deuxièmement, la définition d’un délai de six mois pour la mise en œuvre d’une solution politique devant aboutir au rétablissement de l’ordre constitutionnel et démocratique au Niger, à travers la reprise de l’action politique dans le cadre de l’Etat de droit.

Troisièmement, l’impératif association et aval de toutes les parties au Niger, sans exclusion aucune, ces arrangements devant être conduits dans un délai ne dépassant pas les six mois, sous le contrôle d’une autorité civile, conduite par une personnalité consensuelle, acceptée par toutes les factions de la classe politique. Quatrièmement, accorder les garanties adéquates à toutes les parties concernées dans la perspective d’assurer la durabilité de la solution politique et son acceptation de tous. Pour la mise en œuvre de ces arrangements politiques, l’Algérie entamera des contacts et des consultations approfondies avec toutes les parties concernées qui peuvent contribuer et aider au règlement politique de la crise ou soutenir les efforts fournis en ce sens. Cinquièmement, ces contacts seront engagés également avec toutes les parties concernées au Niger, avec les pays voisins, ainsi qu’avec les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), particulièrement le Nigeria qui préside le groupe, en sus des pays qui souhaitent soutenir le processus politique de sortie de crise au Niger. Sixièmement, l’Algérie se propose d’organiser une conférence internationale sur le développement au Sahel, dans le souci d’encourager l’approche de développement et de mobiliser les financements nécessaires à la mise en œuvre des programmes de développement dans cette région qui a cruellement besoin d’infrastructures sociales et économiques à même de garantir la durabilité de la stabilité et de la sécurité. En conclusion, la proposition de l’Algérie est la dernière chance, ayant proposé six mois pour rétablir l’ordre constitutionnel, la junte ayant proposé une transition pas avant trois années ce que rejettent tant la Cédéao que la majorité de la communauté internationale. Sans un compromis, cela pourrait conduire inévitablement à une intervention militaire. Mais une guerre commence mais on ne sait jamais comment elle se termine, avec les risques d’une déstabilisation régionale. Cette instabilité en Afrique est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent de la région et les rivalités entre grandes puissances USA, Chine, Russie, Europe et certains pays émergents. Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Les défis collectifs nouveaux pour l’Afrique sont une autre source de menace ayant pour noms : les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, la transition énergétique et la protection de l’environnement, la lutte contre les crises régionales et le délitement de certains Etats, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des cyberattaques et des nouvelles technologies avec la révolution numérique avec le développement des drones sur le plan militaire. Ils sont d’ordre régional et global. Le continent Afrique, existant des Afriques et non une Afrique, face à un monde en crise en perpétuel mouvement, les mutations actuelles préfigurant un profond bouleversement mondial, avec le danger du réchauffement bien que l’Afrique est non responsable participant à moins de 5% des effets de serre au niveau mondial, sera ce que les Africains voudront qu’ elle soit.

Références Pr A. Mebtoul

Voir neuf interventions au niveau national et international sur l’Algérie face au tensions géostratégiques : la première à l’invitation des fondations –Bill Gates- Rockefeller New York USA en novembre. 2012 sur USA/Maghreb-Afrique, la seconde à Malte à l’invitation de la commission européenne avril 2014 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée, la troisième en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur les relations Maghreb Europe, la quatrième de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 sur les enjeux du développement de l’Afrique, la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective ministère de la Défense nationale – IMDEP en octobre 2019 sur les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières, la sixième à l’invitation de l’Ecole supérieure de guerre, l’Algérie, la rente de hydrocarbures et sur tensions géostratégiques juin 2019, idem au siège de l’ambassade US devant les attachés politiques des ambassades, la septième au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021 où étaient présents la majorité des ambassades étrangers accrédités à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux.La huitième à l’invitation ministère de la Défense nationale –état-major de la Gendarmerie nationale 23/24 février 2022 sur le thème, évasion fiscale, trafics aux frontières, fuite des capitaux et corruption, la neuvième, intervention parue dans la revue de la Direction générale  de la Sûreté nationale DGSN, le réchauffement climatique et la sécurité de l’Afrique, paru dans le numéro de Chorta de juillet 2023.